Philosophie

Mise à disposition d'un matériel permettant de travailler les cours de philosophie.

lundi 27 janvier 2014

La culture - la société cours pris par 1 élève

La société

Introduction : La société est le nom donné à un rassemblement d’hommes et de femmes qui forment une communauté c’est-à-dire qui ont en commun un certain nombre d’éléments: la langue, une culture, une religion, un but… Faire société en ce sens c’est construire un groupe qui est fédéré par intérêt commun, souvent il y a confusion entre la forme sociétale et la forme politique. Mais avant d’engager cette réflexion il faut revenir à l’opposition initiale entre société et nature. Si la société est du côté de l’acquis et la nature est du côté de l’inné donc il y a une opposition entre naturelle et artificielle. Le terme d’artifice signifie fait par la main de l’homme. La société serait le lieu spécifique de construction de l’humanité c’est-à-dire d’une sortie de la nature et simultanément de l’animalité. En ce sens le remplacement le remplacement des lois biologiques ou de l’instinct suppose la construction de lois positives qui vont devenir la démocratie, si nous partons de l’idée que tous les efforts de la civilisation tiennent dans l’écart maximal dans la loi du plus fort telle que se dessine dans l’état de nature. La nature abrite des comportements biologiques et une structure hiérarchique intra-spécifique rigide, on pourrait écrire que l’animal est aujourd’hui ce qu’il sera dans mille ans. Il y a une fixation de l’organisation naturelle chez l’animal au contraire chez l’homme il y a une élasticité de l’organisation, il y a une transformation symbolique majeure, des ruptures, des passages qui sont des ruptures. C’est ce que nous nommons l’histoire faite de bruits et de fureur mais aussi d’apports technologiques et intellectuels qui modifient la perception que nous avons de l’environnement. Ici nous avons une différence majeure entre nature et culture, entre animal et homme : alors que l’animal s’adapte à un environnement, l’homme adapte l’environnement à lui. Qu’est-ce que la société ? C’est le moyen particulier de l’homme de s’approprier l’environnement. Il y a donc autant de sociétés que de saisies particulières de l’environnement. La société suppose une organisation interne mais aussi une organisation externe permettant le contact avec d’autres sociétés c’est-à-dire d’autres usages de l’environnement. Faire société c’est donc partager une même vision des choses et accepter explicitement et/ou tacitement une façon de comprendre les rapports entre les hommes et de les justifier. On a même utilisé ce terme dans le champ du commerce pour signifier une unité d’intérêt, une société commerciale est construite pour satisfaire un besoin et engager des profits. Cependant il ne faut pas confondre l’une et l’autre car la première vise un accroissement sociale du bien être et la seconde vise un intérêt non-désintéressé. Marx dans la préface du capital dit que « c’est le travail qui permet de ne pas rester en lisière». Autrement dit c’est le travail comme intermédiaire entre l’homme et la nature qui la transforme, transformant ainsi sa propre condition. Rester en lisière signifie rester à l’écart du monde, ne pas rencontrer sa chair. Bataille écrivait « que l’animal est comme de l’eau dans de l’eau ».

I-L’état de nature

La nature signifie étymologiquement naitre en ce sens on parle d’elle souvent comme mère nature. En un autre sens la nature est la matrice dans laquelle les êtres et les choses se déploient. Elle est souvent assimilée à une puissance, elle prend donc la signification d’une divinité. Elle s’oppose à la civilisation en ce cycle que l’ordre naturel serait en dehors de la détermination du juste et de l’injuste. Pourtant elle sert de modèle au naturalisme politique à ceux qu’on nomme les jurisconsultes qui sont les tenants du droit naturel. Celui-ci se formulerait ainsi à celui qui est le plus fort dans la nature est le meilleur dans la société. Aristote l’écrira ainsi « certains sont nés pour dominer et d’autres pour être dominer ». C’est ici la justification naturelle de l’esclavage, la nature n’aime pas l’égalité. Il y a des forts et des faibles. Cette mise en place s’effectue bien avant la compréhension du mécanisme du vivant tel que Darwin l’explique dans sa théorie évolutionniste. Celle-ci pose qu’il y a une sélection des espèces, seuls les individus les plus viables pour l’espèce se reproduisent. Il y a donc une évolution des espèces en même temps qu’une sélection. Cette pensée peut être mise en parallèle avec la théorie de Lamarck de l’espèce en développement qui engage une hérédité des caractères acquis. Cette position est intéressante car elle montre à la fois une révolution et une adaptation à des causes exogènes. Lamarck met l’environnement comme premier facteur des mutations, les chauves souris vivent dans l’obscurité et émettent des ondes sonores pour préserver l’espèce. Le premier à réfléchir ce système d’adaptation pour les hommes c’est Vico qui à partir d’une climatologie qui provoque une adaptation génétique. Ainsi le réchauffement climatique va assécher les terres réduisant les forêts primaires et favorisant l’apparition de steppes et de toundra qui va contraindre l’homme à descendre des arbres pour chercher leurs nourritures. Dès lors ils deviennent la proie des prédateurs aussi il va se redresser et quitter la position à quatre pattes et libérant ainsi ses membres supérieurs, libérant aussi ses mains et les rendre libres pour la vie. En effet, la main a pour particularité chez l’homme d’être grâce au décalage du pouce en situation de pince et permet à l’homme d’accéder à la technique. Symboliquement l’homme debout est aussi l’homme des lointains et est aussi le symbole de la prévisibilité et des calculs dans le temps. Ici on comprend que le passage de la nature à la société est aussi nécessité par une modification de l’environnement extérieur. Il y a une physiologie de la société au sens où c’est l’adaptation de la nature qui nous permet de nous associer en même temps cette adaptation est très ancienne puisqu’ Aurora est notre plus ancienne ancêtre car elle a vécu il y a douze millions d’années en Afrique, au Kenya.

II-Le concept de la nature

La nature doit se comprendre comme un concept qui a une fonction régulatrice autrement dit tous les auteurs jusqu’au XXème siècle le font sans connaissance scientifique. Ces auteurs postulent un contenu naturel à partir de la situation de la civilisation.
 -Emile: -Emile et Sophie : Couple naturel du 18ème siècle
            -Précepteur au fait de la bonté naturelle
                       (Rousseau « abbé »)

-Sophie ou les amants : -Corruption du 18ème siècle
                                     -Emile se suicide, Sophie se prostitue
-Suppression de la nature « J’ai échoué à faire un être naturel je vais créer un être social » Rousseau

-Du contrat social :


Il s’agit de prendre les hommes tels qu’ils sont et les lois telles qu’elles sont pour dégager le système permettant au mieux de retrouver la bonté originelle. Pour Rousseau il existe une passion originelle qui est l’amour de soi qui propre à tous les hommes qui est le fait de s’aimer soi-même. Cette bonne passion permet la pitié, l’empathie,… Rousseau pose l’origine de la société dans les relations amoureuses, il parle d’une fête primitive où chacun amène au point d’eau ses bête où l’homme voyant la femme et la femme voyant l’homme. Rousseau dit « que les bêtes eurent de plus en plus soif ». La naissance de la société est dans la naissance de la relation amoureuse mais l’amour propre vient se greffer sur l’amour de soi, l’amour propre est le mauvais amour. L’amour propre est l’amour où nous nous voyons dans le regard d’autrui et c’est l’égoïsme, la jalousie, la cupidité…  et accompagne l’individu qui vit dans un sentiment de propriété qui le conduit à l’intolérance. L’état de nature est toujours un état de solitude donc d’insatisfaction puisque le désir n’existe pas. L’état de nature sert donc d’alibi pour les penseurs quelque soit leur siècle, l’indétermination de son contenu permet de l’évoquer quelque soit son système politique. Les jardins d’Épicure sont en plein cœur de la cité, des espaces non-politiques où Épicure converse en marchand avec des hommes et des femmes. Il y a donc un usage de la nature lié au jardin c’est-à-dire un espace où la prolifération naturelle est bornée, domestiquée par la technique du jardinier, « la nature comme jardin ». La notion de jardin est liée à ceux de Babylon au 10ème siècle avant JC. C’est la première fois qu’apparaissent des espaces naturels travaillés par l’homme qui n’ont plus pour but l’alimentation mais l’agrément. Ils sont composés sur le modèle du paradis perdu où tous étaient abondance, les fontaines étaient des fontaines de vin, il suffisait de tendre les mains pour que la pomme s’y dépose. L’homme en dehors du paradis tente de le retrouver en domestiquant la nature sauvage. Épicure en fait un lieu de penser proche de ce qui est essentiel, les passions essentielles maitrisées par les hommes. Rousseau écrit pour sa part qu’il ne peut penser qu’en marchant mais ce n’est plus un homme des jardins mais un homme des bois. Au 18ème siècle les jardins sont devenus des lieux politiques, les jardins aux françaises mises en place à Versailles par Le Nôtre sont une cartographie du pouvoir politique, l’horizon que l’on a en arrivant vers le château du couchant au levant signifie en même temps que le levé du roi, le levé du soleil en même temps que la magnificence du lieu correspond à un pouvoir absolu. Au 17ème siècle l’industrie naissante vient ronger les forêts, les fumées des usines commencent à vicier l’air. Rousseau prend le chemin de droite et lorsqu’il rencontre une usine à un chantier li désespère. La forêt est le règne de la nature non-domestiquée, Robin des bois est un hors la loi qui n’apparait que dans la cité. Les bois sont les refuges des bêtes et des brigands, lieux d’insécurité et des mystères. Lorsque Rousseau sortant de la forêt découvre sur un promontoire surplombant le lac de Genèse, il dit « ne plus faire avec la nature ». C’est pour cela et paradoxalement que Rousseau et l’homme du contrat social est aussi l’homme de l’écologie poétique. Dans les rêveries du promeneur solitaire dans la cinquième promenade il dessine le portrait d’une humanité prise originelle dans la nature. Dans le discours sur les sciences et les arts il critique les arts du 18ème siècle comme des arts superficiels « qui ne font que mettre des fleurs sur nos chaines ». La fonction de l’art du 18ème serait que politique, l’art viendrait assister le pouvoir c’est pourquoi Rousseau préfère les fêtes populaires qui renvoient à une forme authentique de plaisir donc à la nature donc à la forêt. La naissance des jardins ouvriers correspond à une double nécessité, nourrir le prolétaire en même temps que de l’occuper pendant ses loisirs et en empêchant d’aller à l’assommoir.

III-Nature et politique

Le système qui a conceptualisé la nature c’est le totalitarisme nazi. Le concept de nature est celui de l’accélération de la sélection naturelle et la mise en avant d’une race aryenne supérieure. Le moteur politique devient la nature souvent on prend l’image de l’oignon pour expliquer l’élimination nazi. Il y a une succession de peaux mais il n’y a pas de cœur. Il y a deux totalitarismes au 20ème siècle, le stalinisme et le nazisme. Le stalinisme accélére l’avènement d’une société sans classes (Histoire) alors que le nazisme accélère « le travail de la nature » dans les deux cas le contenu de l’histoire de la nature est injecté dans un concept vide, il est intéressant de noter que l’extrême droite se réfère souvent à la nature dans sa filiation avec l’idéologie nazi. On peut remarquer le nombre d’associations écologiques liées à des mouvances d’extrême droites. Il est à ce titre remarquable que le premier traité d’écologie soit instauré par les nazis - les premiers à mettre en place un code de protection des animaux - la détestation de l'homme conduisant à l'amour de la nature. On pourra trouver lié à la mort d’un chien le terme d’assassinat. Ce changement s’apparente à une inversion, les espèces animales sont protégées tandis que l’homme est exterminé. Nous l’avons dit  ce changement prend la forme du langage, la LTI (langue du troisième Reich) tente de faire passer dans la langue la transformation de la société. Les hommes deviennent des cafards, des "stucs" alors que les animaux prennent la dimension du respect et de la dignité. Il y a toujours au sein de l’écologie le soupçon d’une transformation de la société qui engage le statut même de l’homme. Lorsqu’on confère des droits aux animaux on ne fait pas monter les animaux au rang des hommes mais on fait descendre les hommes au rang des animaux.



 






















samedi 25 janvier 2014

La technique



La technique

Il faut distinguer entre Economique et Chrématistique. Aristote produit ainsi la différence entre la sphère de l'échange (éco) et celle de l'activité qui a pour fonction de créer de la richesse (chrématistique) - il est notable qu'une inversion se soit produite depuis les grecs anciens puisqu'aujourd'hui l'éco est le lieu de l'enrichissement alors que le terme de chrématistique n'évoque pour presque tous plus rien. 

ECONOMIQUE                CHREMATISTIQUE
échange                              enrichissement
A <--> B                            alors que dans l'échange la M/e est 
A = chaussures                  l'intermédiaire entre deux objets elle
B = maison                        devient ce qui entoure l'objet lui même
échange déséquilibré         lorsqu'il s'est fait or  (argent)
aussi                                  A - M - A
M = blé                              avec cette condition supplémentaire
donc                                   A -> M -> A'      A<A'
(A + M) <-> B                   ce qui donne l'usure soit
                                           A>A'   la M/e n'est plus nécessaire dans
                                           la tractation = le prêt est ici inventé.

L'échange chez les grecs est un jeu à somme égale : l'échange est transitif - un bien contre un autre et éventuellement une autre marchandise pour égaliser la transaction. C'est ainsi que le blé, l'orge, le vin étaient chacun un "équivalent universel". Le blé était nécessaire à la vie et constituait ainsi une marchandise universelle car elle valait pour tous. Mais cette M/e est aussi périssable, elle peut se gâter, être brulée... elle pose le pb de sa conservation et de sa préservation. Aussi il était plus pratique de préférer une M/e qui soit plus résistante et plus transportable... l'or possédait ces qualités, sa rareté étant un élément supplémentaire qui permettait un taux d'échange fort et permanent. 

L'argent devient ainsi ce qui trouble l'échange en le transformant en objet ayant une valeur propre en dehors de son intérêt ou valeur d'usage. 
VU (valeur d'usage)  et  VE  (valeur d'échange)
si le premier est lié seulement à l'utilité de l'objet le second implique une valeur qui prenne en compte les aspects de rareté et de demande. 



La technique :  les modes de production

Le passage de la société féodale à la société moderne libérale se produit par l'exclusion des corporations, car de l'excellence dans le travail et son remplacement par un travail mécanisé et déqualifié.
Il faut enregistrer que le terme de "libéral" implique d'abord la liberté de pouvoir travailler et exister en dehors d'une attribution de classe sociale - l'aristocratie ou "le gouvernement des meilleurs" supposant que la propriété foncière (la terre) était la richesse et que le travail n'était qu'une succession de "charges" attribuées par le Roi - le travail lui-même, celui de la terre par exemple étant délégué aux serfs (ceux qui vivent sur les terres du seigneurs lui appartiennent - d'où l'interdiction faite de changer de territoire sans l'autorisation du "maître". Le passeport est donc nécessaire pour aller d'une ville à l'autre. L'interdiction de mouvement est le corrélât de cette appartenance.

Le libéralisme pose d'abord que le travail doit être le seul facteur de la propriété - il s'agit donc de se libérer d'une aristocratie qui se fonde sur l'héritage et la propriété terrienne. Il s'agit d'un mouvement d'abord révolutionnaire qui met en avant la bourgeoisie contre l'aristocratie.

samedi 18 janvier 2014

Être libre est-ce s'engager ? Corrigé complet de la dissertation




A la question "être libre est-ce s'engager" nous pouvons répondre que la la liberté est justement le fait de décider du chemin que l'on emprunte, la liberté comme décision, comme pouvoir d'entreprendre et de choisir. La liberté est ce pas vers un engagement total : s'engager pour exister, définir ce que nous désirons être, faire et advenir par les choix posés... Mais en même temps l'engagement suppose une forme de fermeture à ce qui n'est pas lui; quelle frontière entre l'engagement et le fanatisme ? Celui qui s'engage dans un projet terroriste est bien du côté d'un engagement total et pourtant il est par là même dans l'oubli de la position de l'autre et il s'enferme plutôt qu'il ne se libère. L'engagement doit donc être modulé selon sa matière et sa forme : on parle de l'engagement des jeunes mariés mais que pèse t'il face à la force du désir qui surviendra demain ? On parle de l'engagement dans le cadre militaire qui suppose la signature d'un contrat de travail sur des valeurs partagés. Ou encore de l'engagement contre le terrorisme qui suppose que nous mettions tous les moyens disponibles à la défense de la démocratie sans porter atteinte par cette action aux valeurs que nous défendons. Et puis il y a l'engagement de cet adolescent qui part faire la guerre pour une cause qu'il ne comprend pas entièrement mais qu'il croit faire sienne. Devant tous ces "engagements" nous ne pouvons que comprendre que la véritable question n'est plus celle de l'engagement mais de notre capacité de distinction et de compréhension des natures différentes de l'engagement. N'est-ce pas la question de la liberté qui redevient ici centrale ? Ce n'est pas l'engagement qui rend libre mais le fait que par lui peut-être et pour un temps je ne me pose plus la question de la liberté parce qu'elle serait réglée par la présence même de cet engagement. L'engagement serait alors le gage d'une liberté que je n'aurai plus besoin de prouver ni aux autres ni à moi-même. L'engagement prendrait alors la forme d'un leurre, d'une volonté qui tente d'oublier sa propre liberté, qui "s'abrutirait" du sentiment de sa propre liberté et de sa propre force dans le fait d'avoir choisie. S'engager équivaut plus à se prouver qu'à se trouver, et c'est la nature de l'engagement qui vient, et seulement dans un second temps, renseignée la nature de ma liberté.

Plan détaillé -

1 / La liberté est par elle-même un engagement.

A - Être libre suppose que nous fassions des choix, que nous assumions ce que Sartre nomme être notre condamnation : celle de ne pouvoir échapper à cette liberté qui est "si évidente" que je ne peux pas ne pas la voir en moi et la supposer en toute personne. La liberté suppose ce que nous pouvons nommer l'engagement : le fait de comprendre une situation, d'en mesurer parfois les risques, et de s'y engager. C'est la Phronésis grecque, cette action risquée qui conduit - comme hommes et femmes - a prendre des décisions - imparfaitement mais nécessairement. Il ne faut donc pas entendre immédiatement l'engagement comme une fermeture qui supposerait un cadre rigide et intransigeant amis plutôt comme la reconnaissance de ce qui me meut : l'action libre suppose une intention et une direction
B - en ce sens la liberté déterminée vient informer le sujet et lui permettre de choisir son action selon son but. Car enfin la liberté n'est pas seulement la capacité à vouloir mais aussi à vouloir comme il faut. Être libre s'entendant alors comme le calcul causal de l'efficacité de l'action : non pas penser la liberté comme une multitude de choix et ainsi réfléchir la liberté comme une multiplication de regards mais éliminer ce qui se présente comme un choix sans en être un. Sartre disait ainsi reconnaître la seconde guerre mondiale comme le moment d'une liberté réelle car confrontée seulement à des choix cruciaux et vitaux, lorsque tous les choix se réduisent au fait de résister ou collaborer nous nous trouvons devant une réduction des possibles qui est paradoxalement un moment d'intense prise de choix.
C - Mais ici l'engagement semble bien plus le fait d'une histoire que d'un individu. Comment concilier l'engagement individuel avec ce puissant moteur qu'est l'histoire ? Comment poser des choix libres dans un cadre dominé idéologiquement ? Comment un enfant peut-il résister à cet appel des adultes ? Comment ne pas devenir membre des jeunesses hitlériennes lorsqu'à 12 ans seul les chants nazis ont bercé son enfance ? S'engager ici n'est plus le signe d'une  quelconque liberté mais de l'inexorable servitude du totalitarisme qui fabrique avec des enfants des soldats et des bourreaux.

2 - la liberté consisterait alors dans le refus de tout engagement.

A - Le seul engagement qui vaille serait celui alors de ne pas en prendre : accepter autrui dans toutes ses dimensions et sa complexité, reconnaître en lui la même liberté en qu'en moi-même. Lévinas parle du regard comme le signe de cette humanité, d'une liberté qui prend alors une autre forme que celle de l'engagement : c'est la conscience qui fonde notre humanité et ainsi notre liberté. Notre capacité à nous émouvoir, à réfléchir en dehors des clivages qui bordent l'intolérance et le refus de l'autre.
B - Très souvent nous tentons de masquer le vertige de la liberté derrière une vitrine sociale qui permet de ne plus réfléchir au sens de l'action individuelle. Se reposer dans une fonction qui devient le tout de notre être : devenir garçon de café comme l'encrier est un encrier - faire de sa vie un Etre cad endosser une unique identité. Transformer une incertitude en habitude : produire avec de la liberté une identité sociale qui n'implique jamais une décision strictement individuelle.
C - Mais alors l'engagement devient la trace d'une peur de la responsabilité face à toute action nouvelle. Il faut au contraire s'engager afin d'exister pleinement. Cet engagement prend des formes diverses : s'engager prend d'abord la forme de la promesse, faite à autrui, parfois à soi - c'est aussi l'engagement comme prise de parti, la décision d'entrer dans une lutte et de faire sien ses objectifs, lors de la seconde guerre mondiale Charles de Gaulle décida de rallier l'Angleterre d'où il lança son appel du 18 juin 1940 qui marque l'engagement de la France libre contre l'occupant allemand et le gouvernement de Vichy - l'engagement est aussi la forme dernière de la fusion avec une pensée ou une idéologie, on parle d'une entrée dans les ordres comme d'une entrée en politique, il s'agit tout en même temps d'épouser une cause plus grande (ou qui le semble) que soi et de renoncer à ce qui fait ma spécificité comme individu.

La liberté n'est pas une affaire d'engagement mais d'emballement, être libre serait alors ce pouvoir de décider tout en restant disponible pour l'inconnu.

A / Etre libre est ce mélange entre liberté déterminée et liberté absolue, de calcul et de surgissement. Notre condition humaine est celle d'un être qui doit sans cesse décider et agir alors même qu'il est confronté à la liberté d'autrui - la prudence chez les grecs étant dans cette malédiction de devoir agir d'une manière risquée car nul ne peut rester en dehors de l'action et ne peut connaître la totalité des causes et des effets. Être libre serait alors l'acceptation de cette particularité humaine : une responsabilité totale qui va même au-delà de ma propre action pour atteindre celle d'autrui.
B / Je suis responsable d'autrui (Lévinas) signifiant que je dois maintenir autrui comme possédant la même responsabilité que moi - je suis responsable de mon bourreau ne signifiant pas que je suis coupable mais que je dois le considérer encore comme un homme afin de pouvoir le juger et le condamner. La force du regard est celui de l'humanité entière - comme Vercors qui voit dans la souffrance celle faite à tous les hommes - notre responsabilité est de saisir autrui comme un autre moi-même, possédant ses fins propres et digne de respect.
C / La question de l'engagement est aussi  celle du temps, je puis m'engager pour ce que je suis et connais de moi et des autres aujourd'hui mais comment parier sur un futur incertain ? N'est-ce pas en creux la question du désir qui apparaît, de ce pari fait de croire demain en ce que je crois aujourd'hui? Il faut réfléchir la question de l'engagement comme celle des relations humaines qui nécessitent à la fois se déplacement vers l'autre et l'acceptation des normes sociétales. S'engager pour exister et faire exister la justice autour de soi - à l'image de ceux qui ont combattu et résisté pendant la seconde guerre mondiale - comme Mandella pendant l'apartheid - et combien d'autres figures encore - Mais tout le monde n'a pas le courage et la force de Guy Môquet - nous devons comprendre pourtant que chacun de nos actes tisse notre identité, que chacun d'eux fait de nous un salaud ou un héros, c'est ce fardeau que nous devons assumer - nous devons vivre comme si l'action faite était celle qui donne son sens à notre existence, la liberté n'étant plus rien d'autre alors que notre propre capacité à prendre acte de cette responsabilité qui est le "fatum" de la condition humaine.