Philosophie

Mise à disposition d'un matériel permettant de travailler les cours de philosophie.

samedi 15 novembre 2014

dissertation : Que serais-je sans toi ? Correction



A la question "Que serais-je sans toi ?" nous répondrons en nous souvenant de la parole du poète, de cette supplique qu'il adresse à celle qui pour lui est tout : un coeur au bois dormant, une âme en peine.  Tel est le sort de celui qui ne parvient pas à aimer ou à l'être, solitude du corps et de l'âme, la vie ne vaudrait d'être vécue que par la grâce d'autrui, par celle de l'amour. Pourtant nous avons aussi d'autres souvenirs, parfois autrui devient au contraire une ombre menaçante, il est aussi le responsable de crimes, de viols, il menace et exécute. La figure du bourreau est encore trop présente pour que nous puissions l'oublier. Alors comprendre que ces deux figures sont contemporaines, que l'amour et la haine s'incarnent seulement pour les hommes, "il n'y a pas de danger plus formidable que l'homme", ce sont nos propres démons que nous poursuivons sans cesse. Volonté de tuer, volonté d'aimer : toujours autrui est présent à nos pensées, c'est vers lui que nous tournons toutes nos pensées et toutes nos actions.
Se demander qu'elle serait notre place sans autrui semble absurde car c'est d'abord par autrui que nous apprenons et plus encore que nous devenons humain. Autrui est celui sans qui, littéralement, je ne serai pas. Pour devenir et être il faut d'abord les bras accueillants de nos parents, de ceux pour qui nous sommes le centre du monde - ou c'est du moins ce que chaque enfant devrait connaître - ceux qui ne dormirons plus si nous sommes malade, qui s'inquiéterons de notre sort et toujours seront à nos côtés. L'homme ne peut apprendre que de l'homme, et c'est d'abord de l'amour qu'il apprend. Pourtant très vite la rivalité avec les autres enfants s'installe et elle durera toute notre existence - rivalité et entraide aussi, tout l'éventail des sentiments et des répulsions. Alors nous nous entourons de ceux que nous aimons, de ceux que nous apprécions, alors nous déterminons des frontières à partir de nos façons de penser, de vivre, de sentir, d'aimer.
Kant parlait d'une "insociable sociabilité", du fait que sans cesse nous désirons le contact d'autrui et en même temps désirons le fuir. Toutes nos sociétés, nos univers, nos inventions ne sont que le résultat de cette équation impossible à résoudre, être avec et sans autrui. Crusoé nous renseigne sur cette capacité de l'homme à vivre seul, la folie et le désespoir se cache sur chaque île déserte. Plus encore ceux qui la peuple ne peuvent remplacer totalement ceux que nous avons perdus : vendredi a été sauvé par Crusoé et devient son compagnon d'infortune mais son nom reflète son statut : vendredi. Non pas Alfonse ou Henri mais un jour de la semaine, un nom pour un objet ou une chose non pour un être humain. Robinson nous adresse encore un message, même jusque dans la solitude les réflexes de classes et de sociétés subsistent. Le raciste perdu sur une île est encore raciste s'il croise le chemin de celui qui n'est pas blanc. Le cannibalisme venant rajouter à cette idée d'un abandon de l'humanité pour ces peuplades ou tribus. Nous créons des mondes, des rapports, des sciences et chacun d'entre nous pourtant n'est finalement qu'un enfant, nous jouons en déplaçant non plus des petites voitures mais en manoeuvrant des chars, en condamnant ici en transgressant là.

Plan détaillé :

1 /  Autrui est la condition de mon existence  /   être c'est être avec autrui

A   L'homme parmi les autres animaux est celui qui reste le plus longtemps dépendant, son enfance est celle d'un être démuni sans l'aide de ses semblables. L'homme privilégie l'intelligence pour s'approprier l'espace extérieur et fabriquer un espace intérieur. Ce choix d'espèce conduit à une extrême fragilité de l'homme durant toute sa période de construction. L'enfance est ce temps et la famille le rempart dressé contre les violences du monde extérieur.
B    Mais ce besoin d'assistance, d'une protection, ne cède pas entièrement avec le temps. L'âge adulte est celui de l'autonomie et de la maturité, pourtant l'homme ne cesse de rechercher des alliances et des rapprochements qui permettront son développement. La société elle-même en un sens n'est que l'extension spectaculaire de cette volonté d'être avec autrui. Ne peut-on pas poser avec Freud que l'invention d'un Dieu tout puissant n'est rien d'autre que la manifestation d'un désir infantile de protection et d'aide, figure d'un père qui désormais ne peut plus assurer cette tâche ? Nous mettons en place des tissus, des organisations qui favorisent ces rapports et entretiennent des formes de salut.
C   Ainsi en même temps que nous développons le vivre ensemble des formes d'égoïsmes, de rivalités, de conflits apparaissent. Autrui est la condition de mon existence mais il faut-être aussi sa malédiction. Les génocides, les guerres, les crimes, les violences sont autant de signes que la possibilité d'être avec autrui pose autant d'obstacles qu'elle semble indispensable. Il s'agira alors de "choisir" parmi les personnes.

2 /  Autrui ma chance et ma malédiction /  sans toi je serai moi

A   Kant parle d'une "insociable sociabilité" de l'homme, il n'est jamais satisfait car autrui lui est indispensable mais il ne peut le souffrir. Nous ne pouvons vivre les uns sans les autres mais en même temps nous ne supportons cette nécessité et nous tentons de fuir autrui.  Cette fuite prend plusieurs formes : le retrait avec l'ermite qui tente de s'éloigner des autres, qui engage un discours intérieur et ainsi se coupe volontairement de l'agitation du monde et des hommes; le choix exclusif d'élire ceux avec lesquels je commercerai, les affinités électives sont celles qui mettent en avant et exaltent les passions les plus vives de l'homme; la décision de limiter l'homme à cette portion que je peux saisir et comprendre : l'autre est ici le même, c'est le rétrécissement sur un univers fermé qui est ici fermé et qui en creux refuse la diversité et la différence.
B   Pour la phénoménologie autrui est cet autre qui est aussi ma malédiction, "l'enfer c'est autrui" écrit Sartre, le remettant ainsi du côté de celui qui, parce qu'il me rappelle sans cesse à ma liberté donc à ma responsabilité, m'empêche d'exister sans contrainte. Le sentiment de honte serait ainsi le produit de ce regard d'autrui capable de me chosifier ou inversement de renvoyer à cette responsabilité que j'avais oublié dans l'action.
C   nous le voyons avec ces exemples la définition d'autrui change selon les dimensions de sa compréhension : idéologique, humaine, sectaire, sociale, psychologique. Pour toutes ses raisons nous comprenons le plus souvent le "toi" comme la manifestation en autrui de cette part de moi-même que je ne trouverai que dans la fusion amoureuse. Pouvoir se confondre avec toi pour ne plus me confondre avec autrui, choisir afin de ne plus subir - vouloir une alliance contre les autres - n'est-ce pas la forme de ces cercles que nous créons et qui vont du plus proche au plus lointain ? La famille puis les amis puis les autres : avec un éloignement qui fait parfois oublié jusqu'à l'homme derrière la distance ? Et alors choisir la mort d'un million d'hommes plutôt qu'une égratignure à mon doigt ?

3    Sans toi je ne serai rien, cet éloge est celui d'un coeur et non plus d'un intellect

A   La sophistication des rapports internes et externes conduisent à créer des zones de retraits où le dispositif amoureux prend une forme spectaculaire. La complexification de cet instinct de conservation de l'espace animale à travers la reproduction nous l'avons affranchi de cette seule reproduction et produit un sentiment amoureux qui est, dans le cadre de la passion, le moment le plus grand de l'activité pulsionnelle.
B   Le poète peut fêter autrui car il sort ainsi de la masse indifférencié des autres, choisir elle ou lui afin de pouvoir reconnaitre dans la foule celui que j'ai choisi - ne plus subir mais activement vouloir un rapprochement - reproduire l'ancienne alliance - et à partir de ce noyau étendre prodigieusement les bornes d'autrui. Lésinas posait que le regard était le signe de ma responsabilité, une convocation à cette dernière. Autrui est moi en sa totalité, chaque partie de lui doit renvoyer à cette totalité signifiante qu'est l'amour disait-il.
C  La solution est alors artistique : comme la jeune fille à la perle de Vermeer porte à la commissure des lèvres une forme universelle de demande, elle incarne la cristallisation amoureuse et ne peut que renvoyer le spectateur à la contemplation d'une forme d'universalité de l'amour mais aussi à une intemporalité de ce sentiment; ce que l'artiste parvient alors à produire en moi c'est l'écho dans ma propre existence de ce sentiment qu'un instant je partage et qui me fait comprendre que la présence d'autrui est la seule éternité qui s'offre à loi, qu'il est là tout le temps et qu'il ne m'appartient plus que de le voir.

La parole du poète fait écho bien au-delà de son intention à tous, ce dont il parle ce n'est pas d'une expérience originale mais de celle faite par toute l'humanité. Le choix d'aimer est un miroir à 2 faces, il permet à chacun de se connaître comme unique en même temps qu'il est le cadre d'une expérience universelle et générale. Vivre ensemble suppose que nous parvenions à une pacification des rapports qui repose certes sur l'intérêt mais aussi sur l'amour, non pas abstrait et général mais porté sur "autrui" en tant que porteur d'une fin qui m'échappe mais que je tente pourtant de saisir et de comprendre. Comme Vercors qui voyait en chaque homme le porteur de l'humanité toute entière, prendre soin de lui c'est prendre soin de nous tous.



vendredi 7 novembre 2014

Correction intro - texte de Alain - Définitions





Correction texte Alain, Définitions

L'idée générale du texte d'Alain réside dans une confrontation de l'âme au corps, l'âme est une force qui s'oppose aux exigences du corps, une force de refus capable de définir l'homme comme un être pouvant dépasser ses pulsions, ses craintes, ses intérêts. L'enjeu est à travers cette célébration de l'âme de montrer qu'elle est le lieu d'une identité qui vient se confondre avec une forme d'exigence morale. Ce texte redonne à l'âme une place que la querelle des modernes et des contemporains lui avait retiré. L'âme donnerait à l'homme sa dignité. Opposition d'une force physique et animale à la grandeur d'une conscience qui seule nous détermine comme homme. Cela bouleversant la définition de la folie, l'inconscient n'est pas un trouble de la conscience mais du corps.
Pour ce faire l'auteur précède en 3 moments. L'auteur commence par définir l'âme comme une force de refus, capable d'une résistance aux exigences du corps, avec une assimilation de l'âme avec l'identité même de l'homme. Puis Alain distingue les états de la confrontation de l'âme au corps, posant que le corps porte avec lui la folie qui n'est pas une affection de la conscience mais de son absence. L'exemple qui vient conclure le texte est l'explication d'un terme qui accompagne la décision de l'âme : la magnanimité s'illustre dans une action qui porte avec elle la grandeur.

dimanche 2 novembre 2014

commentaire : Sartre / corrigé rapide



Corrigé du commentaire :

Le texte de Sartre oppose 2 conceptions de la liberté : l'une héritée du sens commun l'autre portée par l'analyse philosophique. Le sens de cette opposition repose sur une querelle qui prend sa source avant son commencement. Si Sartre écrit "qu'il faut, en outre, préciser..." c'est bien parce que l'entreprise vise à une définition la plus claire possible du sens de la liberté et qu'elle ne commence pas avec l'extrait que nous possédons. Que veut dire "être libre"? D'abord qu'est-ce que cela ne peut signifier : obtenir ce qu'on a voulu. Ici nous pouvons nous interroger sur le sens de cette proposition. En effet si nous avons souhaité un résultat et que nous l'atteignons nous pourrions penser que la réalisation de l'objectif posé est en soi un élément de la liberté. C'est du moins ce que nous pourrions tous penser. Et c'est justement cela que dénonce Sartre. Cette facilité a confondre liberté et satisfaction. Ce serait l'obtention du but de l'action, sa satisfaction, qui serait la véritable liberté - confondant ainsi le but de l'action comme fin et la réalisation de la liberté. Disqualifiant ainsi le projet comme porteur d'une liberté non réductible à la seule obtention de sa fin.  Le coup de force de Sartre réside à cet endroit : la liberté n'est pas liée (seulement) à la fin visée mais réside comme projet dans l'individu qui le porte. La liberté n'est pas un accident de la finalité mais implique la mise en mouvement du sujet à partir de sa volonté. Ce n'est pas le "succès" qui importe à la liberté mais... le projet. Nous ne sommes pas libre  au terme d'un processus qui mesure la réalisation concrète de la liberté mais dans l'initiative, dans la décision de se mettre en mouvement vers une fin. Être libre ne dépend pas de la réalisation mais de l'initiative - c'est justement ce qui nous distingue comme être humain. C'est paradoxalement l'acte de penser lui-même qui est l'indice le plus sûr de la liberté, l'acte de décision d'un sujet qui vise par la pensée un mouvement et qui se met en mouvement pour l'atteindre - ce que Sartre nomme un début de réalisation. Il s'agit ici du lien de la liberté à l'action, à la mise en mouvement et non à l'attitude de satisfaction et de contemplation qui suppose, au contraire, le soustrait de l'action dans la contemplation immobile du résultat. Ce qui importe à la liberté c'est la décision prise et non sa possible réalisation - en mettant la liberté à l'abri de l'obtention de la fin de l'action Sartre pose l'action comme le seul moment de la liberté. Le début de l'acte libre est dans le pro-jet dans cette anticipation de l'action qui guide ma volonté et produit sa réalisation concrète. Ici Sartre insiste sur la qualité de la volonté qui se tourne vers l'action et non vers la une forme de fantasme, de rêve ou la pensée ne rencontre qu'elle même. Ici se pose pourtant un problème, la seule façon d'assurer notre liberté est de rencontrer le réel - les autres volontés et les choses elles-mêmes dans un mouvement qui tente de fabriquer un espace de réalisation. Dire "je fais' c'est déjà s'engager, c'est intervenir pour construire. Mais Sartre oriente différemment la liberté : l'autonomie du choix est l'élément central de la liberté. Penser par soi-même, décider seul, vouloir par et pour soi - ici la liberté échappe aux "circonstances" qui sont des accidents de la liberté : l'histoire des événements, de la morale, de la politique n'engage pas le sol de la liberté mais seulement ses conditions. Alors nous pourrions assimiler le choix au faire - l'acte de faire est par lui-même le choix. Il ne s'agit donc pas d'une liberté abstraite mais d'une confusion entre la volonté et de l'acte de faire - vouloir c'est agir ou dit autrement nous sommes (décidons) ce que nous faisons. Il y a une identité du faire et du choisir dit Sartre - nous ne devons pas séparer l'espace de l'action du temps de la décision. Le souhait se trouve ainsi lui aussi disqualifié : le souhait est une pensée d'action, de réalisation mais il n'est aussi qu'une action en devenir, en ferment, sans un sol suffisant pour s'édifier. Sartre prend alors l'exemple du prisonnier, paradigmatique de la situation de contrainte : celui-ci n'est pas libre de sortir précise t'il mais il l'est de le vouloir. L'empêchement n'empêche pas la liberté de vouloir y échapper : et pour cela qu'il peut, qu'il doit, essayer de s'évader. La condition du prisonnier comme être libre étant dans cette possibilité de vouloir se libérer de ses contraintes dans une "pro-jection" de son évasion - littéralement dans une anticipation qui est aussi une action par le déplacement qu'elle produit dans sa propre vie. Et ici c'est l'action qui renseigne le sujet sur sa propre liberté, l'action guide ainsi le sujet et l'éclaire sur sa propre identité d'être libre. Être libre étant chercher à l'être. La valeur de son projet ne pouvant se produire que par un "passage à l'acte" qui engage le sujet dans sa propre liberté.

dimanche 11 mai 2014

Une vérité peut-elle être définitive - cours pris en note pas un élève

La vérité
Une vérité peut-elle être définitive ?




Introduction : Tout d’abord la question d’une vérité définitive supposerait qu’il y ait une autonomie si l’on veut une autoréalisation de la vérité par elle-même. Une vérité jaillirait et nous en serions spectateur, or une vérité peut elle exister sans une conscience qui l’a saisie. Lorsque je dis il y a ici une table j’affirme la vérité de la présence de l’objet, j’affirme un être, une chose. Nous sommes alors du côté d’une vérité qu’on peut qualifier d’ontologique (ontologie= science de l’être). Cette vérité ontologique est la première à apparaitre dans la proposition « il y a » mais je suis sujet à l’erreur, je peux me tromper sur la présence d’un objet. Or cette erreur me fait réfléchir sur l’affirmation que je pose avec la proposition ontologique je ne pense pas l’acte d’esprit par lequel la présence de l’objet. L’erreur étant l’occasion d’un retour de la conscience sur elle-même, le « je » ne s’efface plus devant les objets mais devient le lieu de la fabrication de la vérité ou de l’erreur à travers un jugement. Nous sommes en présence ici d’une démarche critique qui revient sur le jugement comme la source réelle de la vérité. C’est un retour sur la pensée elle-même où j’interroge l’évidence de la perception. Ici je comprends que la vérité n’est pas immédiate mais médiate, rien ne ce donne spontanément. C’est la construction de l’esprit d’atteindre vérité ou erreur. C’est cette perspective critique qui permet d’aborder une théorie de la connaissance c’est-à-dire une perspective globale sur les possibilités d’une conscience à atteindre une vérité, à saisir même si une vérité est possible. Si elle l’est, peut être définitive en se demandant enfin le rôle pour l’esprit de la vérité comme moteur de la représentation à la fois du réel et de l’existence du sujet.
I-Aucune vérité n’est définitive car le rapport de la vérité à la réalité est un rapport élastique où la réalité prend la forme même de l’esprit
La réalité se présente comme le lieu de l’existence de l’objet, le réel supposant la présence matérielle d’un être ou d’une chose. Au contraire la vérité n’implique pas une présence matérielle, un procédé intellectuel de déduction. On en revient ici à la distinction ontologique critique, le réel affirme que cette lampe existe. Cela n’aurait aucun sens d’affirmer d’un point de vue critique que cette lampe est vraie, la vérité est une valeur qui concerne exclusivement un jugement. Dans ce cadre vérité est fausseté ne vise pas l’existence de l’objet mais la valeur de l’assertion au regard de cette existence. Si je dis la lampe est bleue alors qu’elle rouge la fausseté provient de l’erreur de jugement et non de la valeur de l’objet. Pourtant certains actes de langage semblent affirmer la vérité ou la fausseté de l’existence même. Lorsque je dis que c’est un faux Vermeer j’affirme que l’existence de ce tableau est soumise à un doute de même lorsque je parle de fausses dents j’implique qu’elles n’existent pas réellement. Or le faux Vermeer est un vrai Van Mergeren et les fausses dents sont des vraies prothèses. Vérité et fausseté se rapportent ici non pas au réel mais à la réalité que j’ai de l’objet. Ici nous nous trouvons dans une forme d’impasse puisque nous avons dit que la vérité est l’accord avec elle et maintenant nous affirmons la matérialité de l’objet ne correspond pas à la définition du réel mais que celui-ci dépend de la perception que j’ai de l’idée d’existence immédiate. Cela nous invite à interroger la notion d’évidence. L’évidence c’est ce qui se donne immédiate sans obstacle. La scolastique (seuls sont vrais les écrits saints et les écrits d’Aristote) affirme « adequatio rerum intellectus » c’est-à-dire adéquation de la pensée à la chose ce qui signifie qu’il doit y avoir une correspondance entre ce que l’esprit perçoit et ce que la chose est. Cela est possible parce que le monde a déjà été posé sur un modèle divin. Les choses ont été modifiées par dieu et la mission divine de l’esprit est de les recevoir comme une vérité divine. Il faut lire dans le grand livre de la nature à cette condition que la vérité divine est atteignable puisque le vrai est immuable comme l’immutabilité divine. En ce sens « verum index sui » : la vérité est à elle-même son propre signe. Ici la vérité a la valeur de la position de Dieu qui crée et nomme les choses et les êtres. En ce sens nous avons plus qu’à lire dans le livre de la nature « l’esprit suit la matière  et non l’inverse ». Pourtant  la vérité lorsqu’elle prend la forme de l’évidence, elle est souvent composée de nos préjugés, de notre façon de voir les choses. Cette façon scolastique de voir est une négation de toutes cultures différentes. Il y a un relativisme culturel qui implique une élasticité de la réalité, la réception du réel par la conscience suppose une construction par la conscience de la réalité. Ici on pourrait parler de conscience vernaculaire c’est-à-dire d’une conscience par héritage. Il n’y a pas de table rase du réel qui est toujours déjà informée par la conscience. Les jeunes enfants se servent aujourd’hui de tablettes comme si elles étaient parties intégrantes du réel. Chaque génération saisie immédiatement l’héritage technique comme la vérité du milieu extérieur. Le réel en un sens ne renvoie plus à une quelconque vérité mais à la perception de la perception d’une vérité. Gériko dans le derby d’Epsom nous montre des chevaux qui courent ventre à  terre, les quatre pattes ne touchent plus le sol. Pour montrer le réel, l’artiste le transforme en posture impossible pour un cheval qui court. En fait la réalité artistique suppose une transformation comme Rodin qui nous montre un homme qui marche les deux pieds au sol. Alors même pour marcher il faut être en déséquilibre.
 II-La vérité n’est plus une imitation de la réalité mais la construction d’une vérité opératoire capable de modifier les conditions d’accès au vrai
Ici nous rentrons dans la définition de la vérité pour les sciences. Dans les sciences toute vérité suppose une dimension expérimentale : la vérité est le résultat d’un accord entre l’expérience et la pensée. Nous retournons ici vers la méthode expérimentale. La loi est alors l’accord du fait et de la théorie, s’il y a validation de l’hypothèse au bout de l’expérimentation on considère qu’il y a une loi générale. En ce sens la loi revient sur une pensée d’erreur puisqu’elle modifie la compréhension que nous avons du réel. La plus part du temps nous sommes confrontés à des objets qui portent en eux un passé scientifique. Ainsi le thermomètre suppose la dilation du corps et la précision atmosphérique. Bachelard dira que « tout instrument est un théorème instrumentalisé » ce qui implique notre regard ne peut jamais se poser sur un objet vierge, le réel est façonné par la vérité, construit par un ordre des raisons. Je ne peux que regarder la nature humainement puisque la nature est tournée vers l’homme humainement. La science ne pose pas de vérité définitive, elle pose un état de la perception des raisons chez l’homme. Un caractère est lié à la science celle que la vérité scientifique est féconde, elle permet la modification de l’environnement sous la forme d’un procédé technique. Ici nous pourrions rentrer la définition particulière de la vérité qui est celle du pragmatisme. Toute vérité doit être utile, c’est à l’utilité de la vérité qu’on vérifie sa validité. Il y aurait différents types de vérités, la vérité scientifique permettrait une amélioration de nos conditions matérielles, d’un point de vue politique cela supposerait un accord du vivre ensemble et d’un point de vue subjectif la possibilité d’atteindre le bonheur. Mais cette position pragmatique fait que toute vérité est pensée comme positive et rentable. William James dira ainsi « l’idée de Dieu doit être rentable et permettre la consolation ». Ici nous sommes dans une logique libérale où les choses ont une vérité à l’unique mesure qu’elles ont un avantage pour les hommes. Or les vérité en sciences proviennent d’un accident, d’une révolution elle suppose un bouleversement des habitudes, des idées. Elle est inquiétude et non repos. Si l’énergie nucléaire permet l’alimentation en électricité en France à 70% elle est aussi responsable de l’accident de Fukushima. Elle porte la vie en même que la mort. Il y a des vérités qui sont porteuses de morts, nous désirons une vérité d’arrangement. Saint Exupère écrivait dans terre des hommes qu’ « aucune vérité fait de l’homme l’homme ». Autrement dit derrière chaque vérité nous trouvons la définition que nous donnons nous-mêmes à notre propre humanité. Bien sur il existe des éléments qui sont importants pour déterminer une vérité. Premièrement, c’est le principe de non-contradiction. Une expérience ne peut être vraie et fausse à la fois, le positionnement d’un système de jugement implique la reproduction possible de l’expérience. C’est le principe de non falsifiabilité de Popper. Dans des conditions expérimentales données le résultat de l’expérience est toujours identique. Ici on réfléchit les conditions de résultat de l’expérience et non ses prémices. Par exemple, dans une formation syllogistique du type les hommes sont bruns, Socrate est brun. Ici il y a un accord logique des propositions mais il  y a un désaveu expérimental, il faut s’assurer du postulat de base pour s’assurer des conclusions aberrantes. La vérité expérimentale peut être logistique mais dans ce cas elle doit s’assurer du principe initial de l’expérience. On peut donc distinguer deux types de démarches scientifiques au regard de ce principe de non-contradiction. Les sciences objectives permettent de reproduire l’expérience d’une manière infinie, la reproductibilité de l’expérience et sa reproduction désigne un état de vérité. Du côté des sciences subjectives la reproduction de l’événement est impossible, on dira alors que celui-ci est infalsifiable. C’est donc les jugements autour de l’événement qui font l’objet d’un énoncé vrai ou faux. Cela n’implique pas qu’il n’y a pas de vérités scientifiques mais que toute vérité est subjective, se connaissant comme contestable ou d’autre je peux en modifier la perception du jugement. Cependant les sciences dites dures ont connu à partir du milieu du 20ème siècle une remise en cause : la vérité dans les sciences est contestable puisque celle-ci utilise des éléments de rationalisation qui proviennent de l’expérience lui-même. Les mathématiques s’appelle aujourd’hui science hypothético-déductive, les sciences renoncent à une vérité générale et objective. Les valeurs morales elles aussi subissent les variations des sociétés et des existences. Platon posait que « ce sont les vérités invisibles qui nous guide, que tous nous vivons dans l’obscurité tant que nous ne connaissons pas nous-mêmes ». Telle est la devise inscrite au plotons de Delphes mais il faut entendre que la vérité n’est jamais droite mais oblique, elle suit les pentes de nos passions. Œdipe en est l’illustration. Œdipe a un nom qui étymologiquement signifie « oe dipous » jambe tordue, pied beau, son nom est directement lié à son histoire. Les parents d’Œdipe vont voir l’oracle de Delphes et il leur dit que leur enfant tuera son père et couchera avec sa mère. A sa naissance il est confié à un chasseur de petits gibiers, il va faire à Œdipe ce qu’il va faire aux gibiers. Il lui perce la cheville, passe une corde mais Œdipe gazouille. Devant un spectacle si touchant, le chasseur ne peut accomplir sa mission, il le confit donc à un roi et une reine qui ne pouvait avoir d’enfants. Mais Œdipe grandit en entendant parler d’une prophétie. Il se déplace jusqu’à Delphes et entend la prophétie de la Pythie. Ainsi pour échapper à son destin il décide de quitter ses parents. Il chevauche et s’arrête devant un pont de cordes, face à lui un homme qui lui dit de lui laisser le passage et il tue celui qui traverse. Et il arrive à Thèbes et là la ville est doublement en émoie. Premièrement le roi à disparu et deuxièmement la sphinge mange tous les jeunes gens de la ville. Il l’affronte, la question est qui a deux pied une voix, trois pieds une voies et quatre pieds une voix. Il répond l’homme alors qu’en fait c’est lui-même la réponse, le seul parce qu’il embrouillé au point de vue des générations et il est capable de décoder l’énigme. Il revient en vainqueur et épouse la reine. Les dieux rejettent l’union et la peste s’abat à Thèbes. Il va apprendre la vérité et se crever les yeux, le regard sensible ne lui permet pas de voir la vérité. Pourtant Œdipe aurait pu échapper à son destin, il ne lui suffisait de ne pas tuer un homme en âge d’être son père et de ne pas coucher avec une femme en âge d’être sa mère. La vérité dans cette tragédie est oblique, il ne faut pas prendre un énoncé pour une vérité, elle doit être interprétée. La vérité est une herméneutique, elle doit être reconstruite et réinterprétée. 


mardi 15 avril 2014

Que peint le peintre ? Plan détaillé - 2/2



1 /    Le peintre peint ce qu'il voit - l'imitation

A - L'art est d'abord imitatif, le peintre peint pour le Prince, la nature, Dieu - la vérité de l'oeuvre est toujours à l'extérieur du peintre, le modèle est supérieure à l'oeuvre car il lui manquera toujours la mobilité, la puissance, la vie...
B - C'est ce que reproche Platon à l'art, nous éloigner d'autant de la vérité en imitant pas l'idée mais la représentation d'une idée, une chose. Ainsi celui qui peint le lit peint la représentation d'une représentation et se trouve ainsi écarté de deux niveaux de réalité de l'idée. La vérité n'est pas dans le sensible mais dans l'intelligible. le peintre est un faussaire qui empêche de voir le vrai tel qu'il est.
C - En imitant le monde, il imite ainsi une imitation d'imitation, il enferme l'homme dans le faux semblant du sensible. Le peintre est ici joué par des forces qui le dépasse, il devient la forme d'une volonté externe qui agit par lui. Le Beau est alors la forme de l'impuissance de l'artiste, il redonne à voir ce que nous connaissons déjà mais que nous ne voyons pas toujours.

2 /    Le peintre est peint par son génie - l'art comme dépassement

A - Le jugement de goût vient libérer l'artiste de son modèle : l'oeuvre d'art n'est pas belle par elle-même mais par une décision de la pensée. Ce n'est pas la nature qui produit le Beau mais la pensée qui détermine les formes et les styles. Le Beau s'il est un produit de la nature est un effet de la pensée, de l'intelligence qui se parle à elle-même en donnant à voir et en communiquant à autrui ce qu'elle est.
B - Le peintre peint le monde par l'intermédiaire de son regard, il donne à voir ce qu'il voit - pour cela il doit rendre universelle sa perception. Le plaisir que l'homme prend au spectacle du beau est lié à une satisfaction intellectuelle, un plaisir donc mais pas seulement sensible comme il peut l'être pour l'agréable.
C - Ce qui oeuvre en l'artiste serait alors le dépassement de la seule technique par ce que Kant nomme le génie, "le naturel dans l'art", ce qui donne forme aux choses. Comme le tournesol de Van Gogh qui n'est pas la trace d'un tournesol réel mais qui est l'archétype de tout tournesol. C'est lui qui vient informer les champs de ce qu'est un tournesol et non l'inverse. Le peintre est peint par son génie.

3 /    La perception de perception - le peintre peint le dialogue de sa perception avec les autres    consciences

A - l'art devient la forme de la culture, son avancée la plus grande. Van Gogh épuise le champ de la figuration en renvoyant les idées aux couleurs : il peint un rouge lie de vin pour accuser la mort qui est bout des assommoirs (cafés), "le café de nuit" permet de quitter toute figuration pour une création de formes ou l'artiste donne à voir ses humeurs par le simple usage des pigments.
B - Ainsi le peintre peut-il affranchir son art de toute représentation externe, il donne la vie par l'usage des couleurs, comme le bleu de Klein qui est une création de l'artiste et non de la nature. L'artiste est celui qui donne chair à ses émotions par le biais d'une oeuvre qui engage ceux qui la regarde.
C - le peintre ne peint pas, il n'est pas non plus peint : il est l'acte de peinture, un geste qui s'épuise dans la forme sans que nous puissions savoir exactement comment. Son savoir est technique mais aussi plus grand et plus mystérieux : il ne peut être totalement compris mais il prolonge infiniment notre existence par sa contemplation.


mercredi 9 avril 2014

Que peint le peintre ? - les données de la Q - 1/2


Que peint le peintre ?

Cette question pourrait sembler ridicule, bien sûr que le peintre peint ce qu'il voit, une rose, un portrait... le rapport du peintre à son modèle est bien celui de la vérité : être capable de rendre compte fidèlement d'un objet, lui donner chair et vie... mais n'est ce pas finalement faire la même chose que la nature, en moins bien ? Car il lui manquera toujours la vie, le mouvement, la chaleur... Alors nous pourrions imaginer que le peintre renonce à la nature pour représenter son intériorité, ce qui l'habite ? Ses sentiments, ses impressions, ses passions ? Plus encore le peintre ne peut-il quitter les représentations pour sa perception, peindre des couleurs pour dire les êtres et les choses, parler directement à ceux qui contemplent son oeuvre en décrivant ses états internes : ce que le spectateur contemple alors c'est une perception de perception. La question devient alors non ce qu'il peint mais ce que nous percevons de sa peinture ? Est-il maître de sa peinture, car le dernier pas pourrait être dans la remise en doute de la propriété du peintre sur sa propre oeuvre, en effet s'il ne sait pas comment il produit le Beau comment peut-il s'attribuer totalement la production d'une oeuvre qui le dépasse ?

Nous verrons dans un premier temps que ce que le peintre peint c'est le monde extérieur, la nature, Dieu, le Prince... cette peinture est celle d'une matière qui insuffle son génie à l'artiste. Mais peut-être que l'art du peintre tient dans sa capacité à s'émanciper de cette tutelle extérieure et de viser l'art pour l'art, le désintérêt devenant ce que le peintre doit représenter en quittant l'imitation pour l'inspiration. Finalement ce que peint le peintre ce n'est ni un modèle ni ses états d'âme mais notre propre regard que nous découvrons à travers une toile qui n'est plus qu'une porte ou une fenêtre vers un autre monde qui était en nous et à laquelle son oeuvre permet  d'accéder. Ce que peint le peintre c'est alors nous mêmes, peinture en miroir où se reflète sans cesse les regards. 

samedi 29 mars 2014

La nature - 3/3 - cours


Le jardin ouvrier :

En plein coeur de la production industrielle on voit apparaître les jardins ouvriers, ceux-ci permettent à la fois de créer une économie d'autosubsistance et de proposer un contact avec la nature pour l'ouvrier et sa famille. L'ouvrier est l'homme des cités, des villes, des usines : le jardin permet un double contrôle 1°) l'homme du jardin est toujours à l'ouvrage, la valeur du travail ne se perd donc plus dans des loisirs qui sont sa négation, alors que l'ouvrier est coupé du fruit entier de son travail lors de son activité salarié il retrouve la dimension du faire par soi dans "son jardin" qui demeure la propriété de l'industriel 2°) l'homme des jardins n'est pas l'homme des bois, du coupe-jarret qui trouve abri dans l'obscurité des forêts, la transparence du jardin invite l'ouvrier à confirmer son identité d'ouvrier, son jardin n'est pas celui de la superficialité, de l'apparat des roses et des lys, les légumes sont du côté d'un contact brut et direct à la vie, plus primitif aussi... Le jardin se doit d'être utile, il ne doit pas devenir subversif en calquant les intérêts et la vie des bourgeois. Comme cette subversion du "délicat"est pensée du côté du bourgeois, comme son signe même, l'ouvrier redimensionne son identité par l'affirmation d'un jardin "utile".


Mais au-delà des intentions de l'industriel l'ouvrier retrouve dans au jardin quelque chose de l'ancienne relation au travail, l'artisanat, l'oeuvre, la construction par soi d'un objet de l'origine de sa fabrication jusqu'à son terme. Le jardin potager engage un lien nouveau : celui de la création, il faut réapprendre le contact avec des éléments qui ne sont plus "machiniques" mais vivants. Dans le jardin il doit "faire" avec les intempéries, les nuisibles...Il y a découverte d'une forme de liberté dans la nécessité de choisir, une entrée dans le calcul des risques et la planification. Le travail devient alors praxis, il y a fabrication de soi en même temps que fabrication d'un objet, l'ouvrier-jardinier peut enfin se reconnaître tout entier dans un geste dont il est entièrement l'auteur, qu'il a choisi.

Les champs :

Les grandes exploitations agricoles sont des usines - il ne s'agit plus de retrouver un rapport aux éléments, le paysan s'est effacé devant l'industriel qui se trouve avoir pour usine les champs et les étables et pour revenus leurs produits. Les champs sont ainsi soustraits à la nature, ils sont une industrie qui transforme l'ozone et le carbone en matières premières pour l'industrie agro-alimentaire. Il y a ici une économie qui vient se saisir des champs et qui plie les sols à des contraintes de production, à l'économie : la monoculture tire le maximum d'une terre jusqu'à son épuisement, les engrais et pesticides viennent optimiser les rendements.

Pourtant la représentation d'un bonheur dans le pré demeure en beaucoup. Pour comprendre cette affirmation il faut analyser le rapport ville- campagne.




Ville / Campagne

La ville serait le lieu de l'artifice, de la technique, des spectacles et de la superficialité des personnes et des rapports. Le lieu qui devrait permettre de définir le plus précisément l'homme est en même temps celui décrit comme froid, sans la chaleur des relations que l'on peut trouver à la campagne, sans non plus la profondeur des relations qui naît de l'entraide et de la solidarité dans le travail et face à la nature. Lieu de l'isolement et de la solitude dans la foule. La ville est le lieu où la personne disparaît dans l'anonymat de la concentration trop grande des individus. Le paradoxe étant que ce qui exprime le mieux l'homme est aussi le lieu où la personne devient anonyme.

La campagne est pour sa part endroit de la dispersion, et donc aussi de la solitude - mais d'une solitude sous le feu des regards, celui en coin des rideaux qui laissent passer l'oeil. Lieu ou l'anonymat est impossible car le vide de l'espace livre paradoxalement aux regards et aux jugements d'autrui. Endroit plus authentique var tous mes gestes y sont signifiants - ils prennent la force de l'interprétation et du jugement.La campagne est aussi le lieu de l'ennui, d'un temps qui ne passe plus car il est lié à une pesanteur qui absorbe les volontés.


D'où cette attirance aujourd'hui pour les espaces qui ne sont ni ville ni campagne - terrain de l'aventure dans la confrontation à une nature "sauvage" où l'homme n'apparait que dans une quête qui est celle d'un dépassement des limites de l'identité - lutte contre les éléments, contre soi et les autres, exploits qui renvoient du côté du sportif - identité qui n'existe que dans une confrontation et une concurrence de tous les instants avec autrui et le temps.

jeudi 27 mars 2014

La nature - 2/3 - cours



La nature - suite -

L'écologie, une défense de la nature ?

Il faut distinguer l'écologie de l'environnementaliste : l'écologie n'est pas qu'une défense de la nature elle peut-être aussi son apologie - elle revendique par certains de ses courants (les plus extrémistes) l'égalité des droits entre les hommes et la nature (animaux, végétaux, minéraux). L'écologie profonde fait de la défense de la nature une arme contre l'homme. L'environnementaliste pour sa part est une réflexion sur le milieu le plus propice à l'évolution de l'homme, l'intérêt pour l'environnement est donc d'abord un intérêt dirigé vers le bien être de l'homme qu'il faut protéger jusque dans son "milieu naturel". On peut agir sur le milieu extérieur, dans sa préservation, pour vivre dans les conditions les meilleures - ici l'homme occupe la place centrale.

Opposition de la forêt et du jardin

Le jardin est tout entier dans la figure de Voltaire, la nature n'a de valeur que transformée par la main de l'homme, le jardin est le lieu où le savoirs de l'homme s'applique sur la nature; les végétaux y sont pliés, modelés, sculptés, présentés... L'ordre des jardins à la française reproduit l'ordre de la raison. Au contraire l'apparent désordre des jardins à l'anglaise est la peinture des sentiments qui agitent le coeur des hommes, tableau des passions, tableau des sens...

La forêt est "naturelle",  elle engage un éco-système, une autonomie dans sa création et sa perpétuation, cycle en éveil de la regénérescence du milieu par lui-même. L'homme est dans ce cadre inutile sinon nuisible, cet environnement est autosuffisant.  L'homme de la forêt est incarné par Rousseau, lors d'une promenade où il goûte le charme de la nature par la contemplation de son spectacle forestier, soudain, au détour d'un bosquet, il croise une manufacture et c'est le désespoir qui s'abat sur lui. Alors qu'un homme des lumières se réjouirait de ce spectacle, Rousseau s'en lamente - ici il faut peser et comprendre que c'est la nature qui écarte Rousseau du processus des lumières. Mais la nature de Rousseau est aussi un temple pour lui, un sanctuaire, la "sauvagerie" possible des lieux y est toujours tempérée par l'amour, la mélancolie, le charme... Au contraire Sade ne voit dans la nature que la destruction qu'elle porte en même temps que sa puissance. Alors qu'il est "embastillé" il se fait porter une gravure représentant le Vésuve. Ce que Sade aime dans la nature c'est sa capacité de destruction, les volcans illustrent cette force et cette démesure qui sont les caractères du grand libertin. Il faut que la nature soit entièrement en irruption pour qu'il y trouve un intérêt - seulement lorsque la nature entre en orgasme alors Sade peut y trouver de l'intérêt et une parenté. Au contraire la sexualité est une ellipse dans l'oeuvre de Rousseau, il se garde bien de quitter le sentiment de peur de croiser le loup au coeur de la forêt.

La nature prend donc chez Rousseau la forme de la "polis", il ne s'agit pas d'en revenir à une pulsion sexuelle qui menacerait le social de désagrégation, le modèle est celui du coeur, c'est-à-dire du sentiment moral et de la vertu. Ce que Rousseau cherche dans la nature c'est bien la pureté, le chemin foulé dans la forêt est toujours celui de l'amour simple des choses, de la fusion... bref de la relation tendre que Rousseau cherchera tout au long de sa propre existence. Sade ne voit la nature lorsqu'elle entre en orgasme et détruit le monde.

La nature de Sade n'est pas celle de Rousseau, ici aucun frein, aucune vertu, dans Justine il n'arrête pas d'arrivé malheur à ceux qui suivent les prescriptions de cette "bonne nature" que Rousseau affectionne -  et ce à la plus grande joie des libertins. En un sens tout ce qui arrive à Justine arrive à Rousseau, ce dernier est l'ennemi déclaré de Sade qui déteste en lui cette forêt qui ne serait en fait qu'une prairie romantique.



dimanche 23 mars 2014

La nature - 1/3 - cours -



La Nature

Il y a une grande polysémie du terme "nature" :
- la nature comme essence, comme définition d'une chose, ce qui est premier, originaire. Il s'agit ici d'un sens métaphysique.
- la nature au sens de "phusis", comme physique des objets et des êtres, comme objet d'études et de connaissances. Nous sommes ici dans une physique "naturelle" qui s'oppose à la métaphysique. Nous sommes dans le visible et non dans l'invisible.
- la nature au sens de monde qui comprend tous les objets et les êtres.
- la nature dans son opposition à l'artifice, la nature comme tout ce qui n'est pas produit par la main de l'homme. La nature comme sans artifice, authentique, "pure". 
- la nature au sens de "caractère", lorsque l'on dit de quelqu'un "c'est une nature", spécifie le propre de l'individu et suppose aussi souvent la force. 

L'homme dans la nature :

L'homme est dans la nature, il en est une composante, il en fait partie comme toutes les choses et les être du monde. La nature est ce qui fait être, ce qui fait advenir au monde - étymologiquement elle provient du terme nasci qui signifie "naître". En même temps cette origine du terme peut renvoyer à des caractères figés, une identité fixe. 

Mais l'application du concept de nature à l'homme ne va pas sans difficultés : alors que l'animal ne semble pas bénéficier de progrès spectaculaires tant dans ses évolutions génétiques que dans son organisation sociale, au contraire l'homme se transforme et se perfectionne. Les réactions humaines semblent liées à des déterminations culturelles : l'homme se modifie sans cesse et son libre arbitre lui permet de faire des choix. Il travaille le donné dont il est issu, il construit sa propre identité. D'où la grande diversité des cultures et des peuples. 



L'homme comme être de culture :

La main est cet "outil d'outils" (Aristote) qui met toutes choses à disposition des hommes : alors que chaque animal n'a qu'un mode de rapport au monde, qu'un mode de défense (les griffes, la dent, la corne...)  et donc qu'un mode de présence au monde, l'homme a une plasticité de ses déterminations - sa main peut devenir tour à tour griffe, serre, dent... L'absence d'assignation technique, l'absence d'une prédétermination technique permettent à l'homme d'occuper toutes les places, d'assurer toutes les fonctions. La technique engage l'homme dans un rapport médiatisé au monde, l'outil devient intermédiaire entre lui et le monde, en même temps qu'une occasion de réflexion sur la nécessité de cette mise à distance pour le maîtriser. 

Par le biais des techniques l'homme dispose de son environnement, il ne s'adapte pas au monde extérieur mais plie le monde extérieur à ses propres besoins. Il fait plier l'environnement à ses contraintes intérieures. Ainsi le chauffage, les vêtements... permettent aux hommes d'occuper tous les espaces et de s'adapter au climat par l'intervention des techniques. L'homme est présent sous les climats les plus rudes alors que l'animal ne peut survivre que dans un environnement particulier, l'ours blanc ne peut survivre sous un climat tropical. La culture est le nom donné à ce mode d'appropriation du monde extérieur et à l'opération de transformation du monde extérieur et hostile en un monde intérieur domestique et bienveillant. 



La différence nature / condition : 

Au contraire d'une nature la condition suppose un état d'instabilité et des modifications possibles : la condition est liée à un état social -> on parle de la condition du salarié comme liée à l'effet des forces productives, la condition suppose un statut provisoire et modifiable car la transformation des conditions extérieures permettra une redéfinition du salarié dans sa condition. Alors que la nature suppose un milieu intérieur fixe et sa combinaison avec un milieu extérieur déterminé, au contraire la condition est liée à des contraintes extérieures qui déterminent provisoirement l'identité du sujet. La condition vaut donc dans un cadre particulier. En même temps alors que l'on ne peut que plier devant le commandement intérieur de la nature (comme l'animal qui répond au jeu complexe des instincts), la condition permet de faire jouer la volonté et avec elle le libre arbitre. La condition n'est pas une fatalité mais un élément sur lequel on peut agir. La condition engage donc l'homme comme producteur de sa propre identité. La condition n'est pas statique mais plastique (mouvante), l'histoire devient alors terrain de luttes. Par exemple la révolution française annonce le début de l'ère industrielle par l'avénement de la bourgeoisie, par le déclin des corporations et l'invention du salariat. Ce qui disparaît alors c'est à la fois l'excellence dans le travail du maître artisan mais aussi le servage pour la paysannerie. 

mercredi 5 février 2014

La culture - la technique - les échanges ( 2 ) cours pris par un élève



L’invention de la modernité va correspondre à un modèle politique qui va se fonder sur une transformation du politique et avec lui les échanges. Platon dans les lois tente de définir une société idéale. Elle serait constituer de quatre travailleurs fondamentaux : l’agriculteur, un boulanger, un maçon, un cordonnier. La question que pose Platon c’est faut-il que chacun de ses travailleurs soit capable de faire toutes les activités et d’être tour à tour maçon, … ?

En fait, Platon s’interroge sur la production de la richesse et répond qu’il y a un avantage à la division des métiers.

-Premièrement car il y a une pente naturelle qui nous oriente vers tel ou tel travaille, le meilleur travailleur étant celui qui aime ce qu’il fait.
-Secondement l’excellence dans le travaille suppose une spécialisation. Celui qui occupe quatre fonctions ne pourra pas exceller dans chacune.
-Troisièmement il y a un gain de formation dans l’adoption d’une spécialisation. Former quelqu’un à quatre métiers suppose énormément de temps.

La conclusion de Platon est donc l’avantage à la division des métiers car « il faut frapper le fer tandis qu’il est chaud » Aristote. Ce qu’Aristote veut dire c’est qu’on ne peut être au four et au moulin. Il faut être disponible pour la tâche qu’on veut accomplir or si le fer est chaud et que le blé doit être moissonné, que le ciment est frais. Aucunes de ces tâches seront faites convenablement. Il y a un temps du travail qui est le juste temps, cette construction de la spécialisation des tâches conduit immédiatement à la rémunération des travails. Les grecs proposent de distinguer entre les échanges et la chrématistique.


  


Les grecs posent une priorité du politique sur l’économique ayant pour eux la signification de l’échange donc du troc. Mais il y a une logique à cet été de fait, la société esclavagiste donne peu de valeur au travail. Il y a une soumission de l’économique au politique. La question de la valeur d’une marchandise se pose comme une question de temps de travail et d’immobilisation de celui-ci dans la matière. Il y a un travail simple et ici nous reprenons les analyses d’Adam Smith qui pose que ce travail simple est celui opéré par l’ouvrier le moins qualifié qui engage l’opération la plus simple. Pour obtenir la valeur d’un ouvrier spécialisé il suffit de multiplier le travail simple par des éléments que nous avons déjà explorés, la formation, la compétence… Ici nous sommes dans la valeur d’usage qui se distingue de la valeur d’échange. L’échange pour sa part disparait devant la chrématistique alors que l’échange entourait l’équivalent universel (argent)  de marchandise, désormais c’est la marchandise qui est entourée de deux sommes d’argent. Plus loin l’argent devient autonome et fera disparaitre la médiation de la marchandise, désormais l’argent produit de l’argent. Les échanges financiers prennent la place du travail productif, le mouvement s’est initié avec la dématérialisation de l’argent et la construction des flux d’échanges sur la confiance. On peut dire qu’un krach boursier est le moment où la confiance est brisé où les personnes réclament leur argent réel. A partir de là l’État est lui-même en faillite, cette logique chrématistique est aussi celle qui nait de la société industrielle de la multiplication fantastique des flux et d’une circulation qui ne peut plus être dirigée par le politique. 

b-L’industrie, les échanges, la technique

La chrématistique inaugure une société de l’échange où le commerce doit conduire à la paix, l’exploration des mers permet d’enrichir les états d’Europe. Le passage d’une économie féodale à une économie industrielle est effectif dès le XXème siècle. Marx distingue à cette époque manufacture ouvrée, manufacture sériée. Une manufacture ouvrée est le fait de confier à des travailleurs une tâche particulière dont ils doivent s’acquitter sur leur lieu d’habitation. La manufacture sériée étant le fait de déplacer le travailleur sur un unique lieu de travail où l’activité est regroupée. Or la manufacture sériée coûte plus cher qu’une manufacture ouvrée, il faut prouver qu’elle est rentable. Ce sera la démonstration d’Adam Smith sur la fabrique d’épingles. On prend dix-huit travailleurs et on confie à chacun la tâche de fabriquer des épingles pendant dix heures, de la matière au produit fini. Chacun à la fin de la journée a fabriqué 300 épingles. On multiplie donc 300 par 18, on obtient donc 5400 épingles. Maintenant on prend les travailleurs que l’on met sur une chaîne de fabrication en divisant la fabrication en dix-huit étapes. Nous sommes ici dans la division du travail or, de cette façon on dénombre 35 000 épingles par jour. La preuve est faite, la division des tâches permet une augmentation quantitative de la production.

Ainsi la plus value engage le bénéfice de l’entreprise en même temps qu’une absence de revenu, un temps mort pour le travailleur. Marx est le premier qui formalise cette perte en montrant que le travailleur est pris par l’entreprise pour une marchandise. Le travailleur est une denrée comme une autre dont on achète une portion de temps, sa vie est alors à disposition du producteur. Marx distingue alors entre « poïesis » et « praxis » autrement dit entre travail aliéné et travail réalisant. La poïesis est l’acte de faire sans retour vers le travailleur autrement dit le travailleur est coupé de son travail. La praxis au contraire est le moment où il y a un retour du travail vers le travailleur, c’est le moment où en faisant je me fais. Marx produit une critique de l’échange à partir de la critique de la spoliation du travailleur qui n’est pas rémunéré pour son travail réel, ainsi « alors que l’ouvrier produit toutes les richesses le palais la soie, l’or il habite dans une cave, il est habillé de hardes et il a une monnaie de billot ». Le travail semble ici être une malédiction, il faut entendre sa double nature pour un partie il est libérateur car il permet de modifier la nature extérieur et ainsi de se modifier soi-même, mais aussi il est comme l’étymologie le fait savoir un instrument de torture à 3 pieux « tripalium ». Le travail est ainsi marqué religieusement comme une punition, la chute du paradis précipite l’homme dans le travail avant la terre livrait spontanément ses fruits, des fontaines de nectars étaient à notre dispositions. Le fruit du désir charnel conduit l’homme et la femme à être chassés du paradis. L’humanité qui s’inaugure alors est celle de la souffrance et de la survie. On retrouve cette position dans la Grèce ancienne où le travail manuel est considéré comme infamant. On retrouve jusqu’aujourd’hui cette distinction entre travail intellectuel et libérateur et un travail manuel aliénant car lié à la matière. La plus belle expression s’en trouve dans le mythe de Prométhée.



c-Le mythe de Prométhée

Prométhée occupe une position particulière dans le panthéon des dieux, c’est un titan qui ne prend pas part à la lutte entre Chronos et Zeus. Dans le mythe de Prométhée les hommes et les dieux vivent ensemble, les hommes ne meurent pas et ne connaissent ni maladie ni souffrance. Zeus décide qu’un partage doit être fait entre les attributs des hommes et des dieux et va chercher Prométhée pour faire le partage. Ce choix est en soi une interrogation car Prométhée n’a pas d’affection particulière pour Zeus et aime les hommes. De plus, son nom signifie le prompt, le vif, le rusé il est donc le contraire de son frère Épiméthée signifiant le lent celui qui comprend toujours trop tard. Prométhée va donc accomplir le partage il va faire deux lots, pour cela il accompli un sacrifice. Il prend un bœuf qu’il découpe en deux, la ligne de partage étant la ligne de partage des attributs. Le premier lot est constitué de la panse de l’animal qu’il va remplir de toutes les parties comestibles de l’animal. Ce lot est laid à l’extérieur et bon à l’intérieur. Un deuxième lot est constitué de toutes les parties non-comestibles (os, nerfs, …) sont rassemblées dans un graisse alléchante. Le deuxième lot est donc bon et beau à l’extérieur et mauvais à l’intérieur. Prométhée porte dans chacune de ses mains un lot et s’approche de Zeus et lui dit « choisit ta part ». Zeus choisit la belle part donc la mauvaise et scelle la condition humaine, les hommes pour vivre devront manger une chair morte soumise à la putréfaction, leur propre corps mourra et décomposera. Zeus décide de priver les hommes du feu or s’ils ne peuvent plus cuire leurs aliments ils deviennent des bêtes. Dès lors, Prométhée va voler le feu dans les forges d’Héphaïstos, il redescend avec une braise qu’il donne aux hommes. Zeus décide alors de les priver du blé désormais ils devront retourner la terre, travailler pour récolter le blé. Zeus produit un dernier leurre équivalent au premier, il crée un être magnifique à l’extérieur et fait de boue à l’intérieur c’est Pandora, la femme qui précipite les hommes du côté de la génération. Pandora vient avec une jarre qu’elle vide dans le monde des hommes. Elle contient tous les maux invisibles (famine, peste, haine, …), on voit ici la condition humaine scellée désormais la technique est l’intermédiaire indispensable pour parvenir à la fin.

III-La technique


a-Définition
Nous serions tentés de poser que nous avons plus souvent à faire aux techniques qu’à la technique. La révolution industrielle nous a précipités dans une abondance de biens sans précédent dans l’histoire de l’humanité. La production manufacturée a permis de multiplier les indications techniques, souvent le terme technique signifie l’usage d’un outil qui fait le lien entre l’homme et la nature. C’est cet outil qui prend la qualificatif de technique mais par extension on va qualifier tout processus qui supposera des règles ou une répétition nécessaire à l’accompagnement de l’action. Ainsi la danse suppose que le corps lui-même soit malléable et nous retrouvons ici la définition du corps comme instrument avec cette nuance que le corps est chair c’est-à-dire alliance entre esprit et matière. Spinoza se demandait « que peut un corps ? » soulignant ainsi que les propriétés du corps sont plus mystérieuses que celles de l’esprit. Lentement nous avons pourtant dissocié les techniques ordinaires que nous appliquons en les nommant techniques sans qu’elles le soient véritablement. Pour l’occident la technique est équivalent à la science c’est-à-dire à des protocoles spécialisés qui nous empêchent la maitrise. Le mouvement est aussi lié à la fin de la maitrise du processus du travail par l’ouvrier. Dans les corporations il y a maitrise de toutes les étapes. Au contraire la spécialisation actuelle ne permet plus une compréhension de la totalité du métier de même qu’il faut additionner les étapes pour parvenir à la production d’un objet, de même il faut additionner les spécialités pour saisir l’intelligence qui préside à son élaboration. Nous sommes ici très loin de la définition de la technique telle qu’Aristote nous la livre dans les parties des animaux « la différence entre l’homme et l’animal étant que l’animal possède un dispositif technique particulier et biologique ». Le lion possède la griffe et la dent, l’antilope la rapidité et la génération, l’homme pour sa part est la plus faibles des créatures car il ne possède naturellement aucunes techniques spécifiques. Dès lors,  il va duper ses facultés intellectuelles par l’intermédiaire de la main « qui est un outil d’outil qui est capable de tout tenir et de tout saisir » d’Aristote. La main permet donc le développement de l’habilité technique, la technique chez l’homme est culturelle et non biologique c’est-à-dire le développement des techniques accompagne une certaine maitrise de l’environnement. On se souvient que l’homme se distingue de son milieu puis l’adapte à lui. Cette définition de la technique chez Aristote suppose que l’homme soit une totalité qui possède des qualités intellectuelles et physiques ce qui implique en creux la vision de la norme et de la monstruosité. La technique est donc le moyen proprement humain de s’approprier le monde extérieur comme de connaitre le monde intérieur. Il faut comme le dit Descartes « il faut devenir comme maître et possesseur de la nature ». Ici nous retrouvons toute la modernité dans cette expression, la nature n’est plus elle-même un outil comme un meuble que nous possédons et exploitons. Mais il faut aussi se rendre compte de la différence d’échelle de production entre le début du 20ème siècle et aujourd’hui. Au début du 20ème siècle l’industrie produit 50 millions de tonnes d’houille, aujourd’hui 5 milliards de tonnes ce qui signifie que l’exploitation des ressources naturelles devient un nouveau monde dans lequel la nature disparait au profit d’un environnement entièrement humain.



b-Technophilie et technophobie


« Nous pouvons regarder les choses humainement car elles se tournent humainement vers nous ». Hegel signifie ainsi que l’ouvrage de l’homme sur la nature façonne la nature à l’image de l’homme. Ainsi où que nous regardons nous trouvons la technique. Les enjeux de la conquête de la technique sont ceux de la même civilisation. Vendre un frigidaire au Burkina Faso n’implique pas immédiatement le bien des populations. Ici nous sommes face à un calcul technique, le frigidaire suppose la centrale hydraulique, la construction des voies de communication d’énergies, la sécurisation de ces voies, bref c’est un monde complet qui est vendu avec le frigidaire, un mode de vie qui suppose la suppression des cultures des pays. Le cadre technique est devenu aujourd’hui un cadre opérationnel qui se trouve normalisé par la loi, la LOF qui prévoit d’augmenter les instruments techniques pour le pilotage des grandes administrations. Ici nous entrons dans une politique du chiffre où les indicateurs deviennent les instruments de la navigation technique. La particularité aujourd’hui n’est plus une donnée que l’on pourrait évacuer, elle suppose une compréhension géostratégique. On se souvient de C. Bernard qui est alors président du comité d’éthique qui racontait comment la Suisse avait géré le problème de la maladie du goitre. En ajoutant des sels minéraux dans l’eau publique sans informer la population, ce qu’un pays démocratique peut faire pour le bien, on peut imaginer les possibilités pour un régime dictatorial. Nous avons aujourd’hui technicisé la chaine de commandement nucléaire, nous sommes en large part tributaire des techniques sous le gouvernement d’Obama. L’utilisation des drones armés de missiles est passée en arsenal de 30 à 2000 aujourd’hui. De même que les casques des pilotes de chasse sont commandés par les impulsions électriques du cerveau, pour optimiser la concentration les pilotes sont placés sous amphétamine. La technophilie pense que tout espoir viendra de la science remplaçant ainsi la religion par une pensée du tout technique animée par l’idée de progrès. La technophobie au contraire refuse les fruits de l’industrie et plaide pour un retour à la nature. La question de la technique ne se pose plus aujourd’hui, notre environnement y compris notre environnement de travail s’étant adapté à cette nouvelle donnée culturelle incontournable.