Corrigé de dissertation : L’Etat est-il le seul moyen
d’établir la concorde ?
Intro : L’Etat est une notion difficile à définir car la
perception qu’on en a varie en fonction de ses modalités et du
point de vue duquel on le considère : il est aussi bien puissance commune
et protectrice, que puissance souveraine à laquelle on se soumet, pouvoir
législatif que l’on reconnaît, puissance totalitaire qui peut assujettir.
Aujourd’hui les interrogations sur l’Etat semblent converger dans la question
de la juste mesure. L’Etat est-il en excès parce qu’il opprimerait l’individu,
ou en défaut, submergé par les échanges de la société civile ? A ces
questions, il ne peut être répondu qu’à partir de l’analyse de la fonction de
l’Etat. La nécessité de l’Etat est logiquement déductible de sa fonction.
Ainsi, l’Etat n’est-il pas le moyen de réguler et de pacifier les rapports
entre les hommes, d’instituer la concorde ?
I.
L’Etat a pour justification la concorde qu’il institue
A.
L’état de nature est, selon Hobbes, l’état de la guerre de tous
contre tous (Le Léviathan)
B.
Pour pacifier les rapports entre les hommes, il est nécessaire de
céder son droit naturel à un souverain. On échange alors sa liberté contre sa
sécurité ou une liberté absolue illusoire contre une liberté réelle et
restreinte (Hobbes et Rousseau)
C.
L’état a donc pour fonction d’établir la concorde mais il suppose
un contrat c’est-à-dire finalement, une sorte de concorde préalable à celle
qu’il pérennise. Paradoxalement, l’Etat est aussi établi par la concorde
2.
L’état n’établit pas la concorde, au contraire il l’entrave ou
pérennise la violence
L’Etat suppose donc à certains égards la concorde. Rien ne dit que
l’état de nature par ailleurs soit un état de guerre. Selon l’hypothèse de
Rousseau, à l’état de nature, les hommes sont dispersés par le besoin. Ce sont
les passions qui rapprochent les hommes, et l’Etat est le fruit d’un accord des
volontés qui fait accéder l’homme naturel à son humanité.
A.
La concorde produite par l’Etat peut n’être qu’une illusion voire
la dissimulation d’une discorde essentielle et menaçante. L’Etat est l’organe
de la classe dominante, il donne une forme juridique et institutionnelle à la
domination. Il conviendrait en conséquence, de se défier de l’impression
trompeuse de concorde que suggère la pseudo-universalité des lois. (Marx)
B.
L’Etat semble sinon une menace pour la concorde du moins l’entrave
d’une harmonie qui s’instaurerait bien mieux sans lui. Le système de la liberté
naturelle qu’il faut restaurer contre l’Etat est une meilleure garantie de la
paix, dès lors que l’on juge les échanges naturels et la nature
providentielle ( théorie de la main invisible d’Adam Smith)
C.
Pour maintenir la concorde
, il faut donc viser la disparition de
l’Etat : si le prolétariat s’empare de l’Etat, c’est à terme pour le faire
disparaître. En supprimant les classes sociales, on supprime la cause de l’Etat
(Marx). Du point de vue des libéraux, c’est l’Etat qui empêche la concorde
d’advenir, d’où la nécessité d’une extinction ou réduction de l’Etat.
Cependant, cette extinction ne saurait être complète puisque
l’Etat conserverait précisément ces fonctions régaliennes qui visent le
maintien de l’ordre et de la paix, et semblent indiquer une déficience de
l’ordre naturel.
3.
Si l’Etat ne peut disparaître, doit-il nécessairement viser la concorde ?
A.
La question présuppose en effet que la concorde soit l’objectif
visé par l’Etat. Mais qu’en est-il d’une concorde obtenue au prix de la
justice ? Rousseau remarque qu’on vit en paix dans les cachots, et que les
compagnons d’Ulysse vivent bien dans l’antre du cyclope… avant d’être dévorés (Contrat
Social, livre I, chapitre 4).
B.
L’Etat du reste ne saurait suffire au maintien de la paix, car il
entre avec les autres Etats dans un état de nature qui est le plus souvent un
état de guerre. Il faut donc viser une concorde entre les Etats par une sorte
d’Etat des Etats, par exemple la SDN qu’évoque Kant dans Idée d’une Histoire
au point de vue cosmopolitique. En ce sens, la concorde ne peut plus
apparaître comme une réalité effective. Lorsqu’elle n’est pas purement une illusion
dangereuse, elle reste un idéal, un horizon, un concept régulateur. (une Idée
au sens kantien)
C Pour atteindre cette
concorde idéale, l’Etat doit préalablement offrir les conditions qui rendent
son avènement possible. Par l’éducation et l'élaboration de lois justes les
hommes peuvent devenir sages. S’ils l’étaient déjà, ils pourraient s’accorder
sans le secours de l’Etat. L’Etat n’est donc que le moyen indirect de la
concorde, son moyen par défaut. Mais la véritable concorde assurée par un Etat
ne peut se manifester que dans la possibilité ménagée à la discorde, entendue
comme différend. La paix, au fond, n’est-ce pas la possibilité de la dispute
quand celle-ci est la promotrice de la liberté et du progrès?
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