Philosophie

Mise à disposition d'un matériel permettant de travailler les cours de philosophie.

mercredi 9 avril 2014

Que peint le peintre ? - les données de la Q - 1/2


Que peint le peintre ?

Cette question pourrait sembler ridicule, bien sûr que le peintre peint ce qu'il voit, une rose, un portrait... le rapport du peintre à son modèle est bien celui de la vérité : être capable de rendre compte fidèlement d'un objet, lui donner chair et vie... mais n'est ce pas finalement faire la même chose que la nature, en moins bien ? Car il lui manquera toujours la vie, le mouvement, la chaleur... Alors nous pourrions imaginer que le peintre renonce à la nature pour représenter son intériorité, ce qui l'habite ? Ses sentiments, ses impressions, ses passions ? Plus encore le peintre ne peut-il quitter les représentations pour sa perception, peindre des couleurs pour dire les êtres et les choses, parler directement à ceux qui contemplent son oeuvre en décrivant ses états internes : ce que le spectateur contemple alors c'est une perception de perception. La question devient alors non ce qu'il peint mais ce que nous percevons de sa peinture ? Est-il maître de sa peinture, car le dernier pas pourrait être dans la remise en doute de la propriété du peintre sur sa propre oeuvre, en effet s'il ne sait pas comment il produit le Beau comment peut-il s'attribuer totalement la production d'une oeuvre qui le dépasse ?

Nous verrons dans un premier temps que ce que le peintre peint c'est le monde extérieur, la nature, Dieu, le Prince... cette peinture est celle d'une matière qui insuffle son génie à l'artiste. Mais peut-être que l'art du peintre tient dans sa capacité à s'émanciper de cette tutelle extérieure et de viser l'art pour l'art, le désintérêt devenant ce que le peintre doit représenter en quittant l'imitation pour l'inspiration. Finalement ce que peint le peintre ce n'est ni un modèle ni ses états d'âme mais notre propre regard que nous découvrons à travers une toile qui n'est plus qu'une porte ou une fenêtre vers un autre monde qui était en nous et à laquelle son oeuvre permet  d'accéder. Ce que peint le peintre c'est alors nous mêmes, peinture en miroir où se reflète sans cesse les regards. 

samedi 29 mars 2014

La nature - 3/3 - cours


Le jardin ouvrier :

En plein coeur de la production industrielle on voit apparaître les jardins ouvriers, ceux-ci permettent à la fois de créer une économie d'autosubsistance et de proposer un contact avec la nature pour l'ouvrier et sa famille. L'ouvrier est l'homme des cités, des villes, des usines : le jardin permet un double contrôle 1°) l'homme du jardin est toujours à l'ouvrage, la valeur du travail ne se perd donc plus dans des loisirs qui sont sa négation, alors que l'ouvrier est coupé du fruit entier de son travail lors de son activité salarié il retrouve la dimension du faire par soi dans "son jardin" qui demeure la propriété de l'industriel 2°) l'homme des jardins n'est pas l'homme des bois, du coupe-jarret qui trouve abri dans l'obscurité des forêts, la transparence du jardin invite l'ouvrier à confirmer son identité d'ouvrier, son jardin n'est pas celui de la superficialité, de l'apparat des roses et des lys, les légumes sont du côté d'un contact brut et direct à la vie, plus primitif aussi... Le jardin se doit d'être utile, il ne doit pas devenir subversif en calquant les intérêts et la vie des bourgeois. Comme cette subversion du "délicat"est pensée du côté du bourgeois, comme son signe même, l'ouvrier redimensionne son identité par l'affirmation d'un jardin "utile".


Mais au-delà des intentions de l'industriel l'ouvrier retrouve dans au jardin quelque chose de l'ancienne relation au travail, l'artisanat, l'oeuvre, la construction par soi d'un objet de l'origine de sa fabrication jusqu'à son terme. Le jardin potager engage un lien nouveau : celui de la création, il faut réapprendre le contact avec des éléments qui ne sont plus "machiniques" mais vivants. Dans le jardin il doit "faire" avec les intempéries, les nuisibles...Il y a découverte d'une forme de liberté dans la nécessité de choisir, une entrée dans le calcul des risques et la planification. Le travail devient alors praxis, il y a fabrication de soi en même temps que fabrication d'un objet, l'ouvrier-jardinier peut enfin se reconnaître tout entier dans un geste dont il est entièrement l'auteur, qu'il a choisi.

Les champs :

Les grandes exploitations agricoles sont des usines - il ne s'agit plus de retrouver un rapport aux éléments, le paysan s'est effacé devant l'industriel qui se trouve avoir pour usine les champs et les étables et pour revenus leurs produits. Les champs sont ainsi soustraits à la nature, ils sont une industrie qui transforme l'ozone et le carbone en matières premières pour l'industrie agro-alimentaire. Il y a ici une économie qui vient se saisir des champs et qui plie les sols à des contraintes de production, à l'économie : la monoculture tire le maximum d'une terre jusqu'à son épuisement, les engrais et pesticides viennent optimiser les rendements.

Pourtant la représentation d'un bonheur dans le pré demeure en beaucoup. Pour comprendre cette affirmation il faut analyser le rapport ville- campagne.




Ville / Campagne

La ville serait le lieu de l'artifice, de la technique, des spectacles et de la superficialité des personnes et des rapports. Le lieu qui devrait permettre de définir le plus précisément l'homme est en même temps celui décrit comme froid, sans la chaleur des relations que l'on peut trouver à la campagne, sans non plus la profondeur des relations qui naît de l'entraide et de la solidarité dans le travail et face à la nature. Lieu de l'isolement et de la solitude dans la foule. La ville est le lieu où la personne disparaît dans l'anonymat de la concentration trop grande des individus. Le paradoxe étant que ce qui exprime le mieux l'homme est aussi le lieu où la personne devient anonyme.

La campagne est pour sa part endroit de la dispersion, et donc aussi de la solitude - mais d'une solitude sous le feu des regards, celui en coin des rideaux qui laissent passer l'oeil. Lieu ou l'anonymat est impossible car le vide de l'espace livre paradoxalement aux regards et aux jugements d'autrui. Endroit plus authentique var tous mes gestes y sont signifiants - ils prennent la force de l'interprétation et du jugement.La campagne est aussi le lieu de l'ennui, d'un temps qui ne passe plus car il est lié à une pesanteur qui absorbe les volontés.


D'où cette attirance aujourd'hui pour les espaces qui ne sont ni ville ni campagne - terrain de l'aventure dans la confrontation à une nature "sauvage" où l'homme n'apparait que dans une quête qui est celle d'un dépassement des limites de l'identité - lutte contre les éléments, contre soi et les autres, exploits qui renvoient du côté du sportif - identité qui n'existe que dans une confrontation et une concurrence de tous les instants avec autrui et le temps.