Philosophie

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samedi 13 janvier 2018

corrigé du commentaire - Freud - Métapsychologie



Ce texte est une réponse aux contestations que suscite l'hypothèse de l'inconscient. Il s'agit pour Freud de démontrer la validité scientifique de l'inconscient psychique. Ce texte engage une réflexion sur l'inconscient : comment quelque chose d'invisible et de non observable peut-il acquérir le statut de science. Il s'agit aussi d'interroger la notion de preuve, la psychologie peut-elle être considérée comme une science ?
Le texte se compose d'une introduction qui en révèle la notion polémique. Dans un second temps des arguments se succèdent qui doivent attester de la nécessité et de la légitimité de l'hypothèse de l'inconscient. Enfin, sous la forme d'une conclusion, Freud opère un renversement qui montre l'absurdité de l'hypothèse contraire à la sienne.

1 -   Nécessité et légitimité de l'hypothèse de l'inconscient

La conscience ne peut rendre compte d'elle-même, elle comporte des béances, des absences. Mais cet argument ne vaut que si l'hypothèse de l'inconscient est déjà en place et reconnu comme valide. C'est seulement au regard de cette hypothèse que l'argument d'une incomplétude de la conscience est possible. Le présupposé de Freud étant que tout évènement possède un sens, une signification. on pourrait objecter ici que l'hypothèse de Freud ne prend pas en compte la présence possible du hasard, de l'incertitude dans la production des représentations psychiques, ainsi du "non-sens" serait possible. Un épisode qui ne provient pas d'une suite logique mais d'un surgissement hasardeux.
Il est certains que des actes de la conscience ne sont pas intelligibles. Donc soit ces événements demeurent inexpliqués soit il faut trouver une clé d'interprétation permettant de trouver du sens (et donc ici une cause).
Car enfin l'inconscient propose une lecture "normale" d'événements qui autrement seraient extraordinaires : les rêves, les lapsus, les actes manqués sont "la voie royale de l'inconscient" cad qu'ils permettent d'accéder au sens "invisible"' de l'action = les pulsions et les désirs qui cohabitent avec la conscience. L'autre face étant celle des manifestations "symptomatiques" qui proviennent directement de l'inconscient - ici s'efface la ligne de partage entre santé et "folie". La barrière entre le normal et la pathologique devient ainsi mobile et s'estompe.

2 -

Il y a une universalité de l'expérience que l'on comprend par le fait que chacun en a fait l'expérience intime. Nous pouvons tous retrouver des épisodes personnels qui mettent en avant notre inconscient : des pensées refoulées, des peurs, des angoisses... Les phénomènes psychopathologiques de la vie quotidienne sont banals. Que l'expérience en soit individuelle et commune constitue un argument en faveur de l'hypothèse de l'inconscient qui devient ainsi irréfutable. Par ailleurs Freud donne un fondement empirique à sa démonstration : celle-ci n'est pas que théorique mais étayée par une réalité commune.

Cependant nous devons constater que le constat de l'expérience sensible ne peut se produire sans l'énoncé de l'hypothèse elle-même, autrement dit l'observation est la conséquence de cette hypothèse.

C'est l'universalité de l'expérience qui conduit ici à la reconnaissance de l'universalité des lois psychiques.

Il y a dans le texte une critique de Descartes et de sa souveraineté de la conscience, pour Freud le sujet n'est pas maître de ses représentations. Le sujet a des pensées dont il ignore l'origine, dont il ne peut rendre compte. En quelque sorte des pensée sans sujet...  Il y a bien ici une entreprise de décentrement du sujet - de perte de repère et de constitution d'un nouveau centre.

L'inconscient se sert du donné caché pour le dépasser = c'est en effet l'expérience qui donne ici les moyens de son dépassement vers une théorie générale de l'inconscient. Le donné immédiat est en fait déjà une construction qui ne peut se comprendre qu'à partir de l'hypothèse de l'inconscient. Autrement dit ce que l'hypothèse est censée prouver est en fait à la fois l'origine de la formulation d'un inconscient et en même temps son terme.

Ce qui rend légitime l'hypothèse de Freud c'est le gain d'intelligibilité qu'elle apporte. Elle permet de garantir la véracité du fait psychique, elle donne un gain de sens - elle permet l'analyse et donc donne "la raison" du fait caché. Elle dévoile et rend sa présence "nécessaire" cad indispensable. Ici il y a un paradoxe dans le fait que l'inconscient apporte une lumière qui finalement donne cohérence et raison et s'apparente ainsi à un fait "de conscience".

Le succès thérapeutique étant le second niveau de preuve : une pratique couronnée de succès qui est ici sa pratique clinique, l'analyse étant le moment de la mise à jour de l'inconscient et donc de la guérison. Ex : Anna O.

Ce texte est une réponse aux médecins positivistes de son époque qui font à la psychanalyse un procès en "sorcellerie". Ils accordent une grande importance à la science et sont dans le refus de toute "métaphysique". La science apporte des preuves et doit tester les conjectures. Freud montre que l'hypothèse de l'inconscient répond à ces exigences tout en déplaçant la notion de preuve : c'est l'hypothèse qui préside au fait scientifique et non le fait qui conduit à l'hypothèse. En un sens on peut dire que Freud partage avec ses détracteurs la conception de la science.

3 -

La conclusion quoique brève réaffirme le décentrement du sujet. cette révolution freudienne est la 3ième humiliation que Freud prétend infliger à l'humanité à la suite de Copernic et de Darwin : "le moi n'est pas maître dans a propre maison". Il refuse d'assimiler le psychisme à la conscience mais en fait un espace plus grand qui absorbe celle-ci dans un cadre qui est celui de l'inconscient : la ça, le moi et le surmoi forme une nouvelle trilogie. Ceux qui identifient le sujet à la conscience sont du côté d'une "prétention intenable". L'illégitimité devient la posture de ceux qui n'acceptent pas l'hypothèse de l'inconscient. Il y a ici un renversement complet de l'accusation. La conscience est alors lacunaire tandis que les propriétés de l'inconscient sont celles de la raison et du sens. Plus encore l'activité consciente est un leurre et donc un mensonge et une tromperie.


Conclusion au texte :
Freud invite à interroger la scientificité de l'hypothèse de l'inconscient. L'auteur invoque le pouvoir explicatif et le succès pratique comme preuves de son hypothèse. Pourtant ce terme d'hypothèse perdure jusqu'à la fin du texte alors que sa preuve devrait constituer aussi la fin de cette appellation : il y a une ambiguïté de la langue que Freud entretien - une hypothèse vérifiée est une preuve et donc un fait scientifique et non plus sa simple hypothèse. C'est notre conception de la science elle-même que Freud ébranle en plaçant la preuve du côté même d'une hypothèse qui finalement réclame toujours un effort supplémentaire pour être "vraie".



jeudi 4 février 2016

L'histoire n'est-elle qu'un roman ?



           1 -  L'histoire comme construction d'un récit national.
A - l'histoire originale est ce moment ou l'acteur de l'histoire raconte l'histoire qui se fait sous ses yeux. Jules César et la guerre des Gaules mais aussi Primo-Lévi dans si c'est un homme. Cette histoire se donne à travers un récit personnel, une romance qui est celle de soi dans les événements de l'Histoire. La subjectivité y est vérité car cette histoire à un objet double : les faits et soi-même. Se dire à travers les faits - prendre appui sur le siècle pour montrer mon regard.
B - l'histoire originale rencontre aussi l'impensé de chaque société, le désir de faire corps et une histoire sur laquelle faire fond - "vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà" : chaque pays substantifie sa façon de voir et porte les documents de sa propre histoire jusqu'à l'universel.  Ainsi chacun raconte une histoire locale en en faisant le roman de l'histoire des hommes : cf cartographie des pays où chacun se place au centre du globe. la construction d'un récit national suppose une adhésion à une identité fixe qui vient arrêter des caractères dominants pour chaque société
C - le roman pour sa part porte avec lui la charge de la fiction / il met en scène les passions et l'histoire des hommes sous l'angle du divertissement "prendre un livre si plonger si plaire, quelle fête!" dit Mme Bovary dans le roman de Flaubert. Il s'agit de pouvoir se mettre à la place de, de changer de vie en tournant la page, d'aimer ou de haïr avec les personnages tout en restant à l'abri de la réalité dans son fauteuil. L'histoire elle propose un voyage, puisqu'il s'agit bien de se  déplacer, vers le passé. Ce retour vers ce qui a été mais n'est plus suppose une étude minutieuse, une technique et des instruments qui ne ressemblent en rien à ceux de la construction romanesque. il ne s'agit plus de divertir mais d'instruire.

          2 -  L'histoire se sépare de la littérature par accès au statut de science des événements -   l'histoire n'interprète pas traite, elle ne divertit pas elle instruit

A - l'Histoire est une science et pour être telle dispose d'un certain nombre de traits qui lui confèrent ce statut : l'histoire ne s'invente pas dans l'écriture mais dans les actions des hommes. pour les mesurer nous avons des outils : les archives, les vestiges, les témoignages, les documents... Popper ajoute l'infalsifiabilité de l'histoire - normalement une science suppose que nous puissions "expérimenter" ses fondements, que nous puissions reproduire l'expérimentation pour valider ses résultats. Or l'histoire ne le permet pas car tout événement produit y est définitif - la validation par l'observation et sa reconduction s'y trouve impossible - il ne s'agit donc pas d'une théorie physique mais d'une science humaine qui suppose la mobilité des actions - l'exposé histoire est donc fiable mais suppose une adaptation continue aux hommes.
B - l'histoire peut devenir objective en ne prenant plus en compte que "la raison dans l'histoire" et en chassant ainsi la subjectivité comme ennemie de la science. "le bon historien n'est d'aucun temps ni d'aucun pays" - Michelet s'enferme ainsi au XIXe dans son grenier pour écrire une histoire objective de la révolution française : mais tout histoire est choix - traiter la révolution sous l'angle de Robespierre ou de Marie-Antoinette suppose déjà un choix = c'est finalement notre histoire que nous tentons de comprendre et expliquer avec celle dues événements passés - Nous ne pouvons plus voir la lune comme les grecs la voyait - comment comprendre des faits qui supposent d'autres conceptions des choses, de la nature, des êtres ? Comment ne pas assécher l'histoire lorsqu'elle en vient au résumé : Marignan 1515 ?


          3 -  L'histoire est le bruissement des civilisations, elle raconte le temps des hommes par la connaissance et l'analyse des faits. Elle est le récit des hommes. 

A - toute histoire est "révision" cad qu'elle se transforme sans cesse au gré des découvertes et des liaisons possibles - mais réviser n'est pas nier : le négationnisme produit avec l'histoire un roman, en transformant l'événement lui-même, en tordant la réalité à une construction idéologique ou intellectuelle. Au contraire le processus de révision est celui de la construction scientifique, comparer, réviser, réaffirmer, compléter : le processus des sciences n'est pas figé mais dynamique.
B - la philosophie de l'histoire ramenait finalement l'histoire au temps d'un récit avec un début, une intrigue et une fin. Histoire conquérante d'un Occident où Hegel voyant passer Napoléon à cheval après la bataille d'Iéna dira "j'ai vu passer l'âme du monde à cheval". Histoire du christianisme qui se mêle à l'industrie montante.
C - alors l'histoire régionale vient croiser les sources et les peuples, elle engage une histoire non plus figée mais mouvante : il s'agit d'entendre le bruit des hommes au travers d'une analyse comparée / l'ethnologie nous apprend que l'histoire est un dialogue entre des peuples qui pensent différemment, qui possèdent d'autres signes et repères. Levi-Strauss comparait les histoires des peuples à des trains qui roulent parallèlement dans la même direction à la même vitesse pour les cultures parentes et dans des directions opposées pour les autres. Il faut donc comprendre que l'histoire est doublement proche du roman : elles partagent le sens / direction / et le rapport à la fiction et à la vérité. Alors que le roman vaut par lui-même, son pouvoir étant d'inventer un monde, dans lequel parfois nous nous reconnaissons -  l'Histoire pour sa part rapporte bruissement de nos actions, elle n'invente pas mais inventorie - et pour cela elle sélectionne, croise, analyse. Elle est le récit des hommes.