Philosophie

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lundi 25 février 2013

L’Etat est-il le seul moyen d’établir la concorde ?





Corrigé de dissertation : L’Etat est-il le seul moyen d’établir la concorde ?

Intro : L’Etat est une notion difficile à définir car la perception qu’on en a varie en fonction de ses modalités et du point de vue duquel on le considère : il est aussi bien puissance commune et protectrice, que puissance souveraine à laquelle on se soumet, pouvoir législatif que l’on reconnaît, puissance totalitaire qui peut assujettir. Aujourd’hui les interrogations sur l’Etat semblent converger dans la question de la juste mesure. L’Etat est-il en excès parce qu’il opprimerait l’individu, ou en défaut, submergé par les échanges de la société civile ? A ces questions, il ne peut être répondu qu’à partir de l’analyse de la fonction de l’Etat. La nécessité de l’Etat est logiquement déductible de sa fonction. Ainsi, l’Etat n’est-il pas le moyen de réguler et de pacifier les rapports entre les hommes, d’instituer la concorde ?

I.                          L’Etat a pour justification la concorde qu’il institue
A.                L’état de nature est, selon Hobbes, l’état de la guerre de tous contre tous (Le Léviathan)
B.                Pour pacifier les rapports entre les hommes, il est nécessaire de céder son droit naturel à un souverain. On échange alors sa liberté contre sa sécurité ou une liberté absolue illusoire contre une liberté réelle et restreinte (Hobbes et Rousseau)
C.                L’état a donc pour fonction d’établir la concorde mais il suppose un contrat c’est-à-dire finalement, une sorte de concorde préalable à celle qu’il pérennise. Paradoxalement, l’Etat est aussi établi par la concorde



2.                          L’état n’établit pas la concorde, au contraire il l’entrave ou pérennise la violence
L’Etat suppose donc à certains égards la concorde. Rien ne dit que l’état de nature par ailleurs soit un état de guerre. Selon l’hypothèse de Rousseau, à l’état de nature, les hommes sont dispersés par le besoin. Ce sont les passions qui rapprochent les hommes, et l’Etat est le fruit d’un accord des volontés qui fait accéder l’homme naturel à son humanité.
A.                La concorde produite par l’Etat peut n’être qu’une illusion voire la dissimulation d’une discorde essentielle et menaçante. L’Etat est l’organe de la classe dominante, il donne une forme juridique et institutionnelle à la domination. Il conviendrait en conséquence, de se défier de l’impression trompeuse de concorde que suggère la pseudo-universalité des lois. (Marx)
B.                L’Etat semble sinon une menace pour la concorde du moins l’entrave d’une harmonie qui s’instaurerait bien mieux sans lui. Le système de la liberté naturelle qu’il faut restaurer contre l’Etat est une meilleure garantie de la paix, dès lors que l’on juge les échanges naturels et la nature providentielle ( théorie de la main invisible d’Adam Smith)
C.                 Pour maintenir la concorde , il faut donc viser la disparition  de l’Etat : si le prolétariat s’empare de l’Etat, c’est à terme pour le faire disparaître. En supprimant les classes sociales, on supprime la cause de l’Etat (Marx). Du point de vue des libéraux, c’est l’Etat qui empêche la concorde d’advenir, d’où la nécessité d’une extinction ou réduction de l’Etat.
Cependant, cette extinction ne saurait être complète puisque l’Etat conserverait précisément ces fonctions régaliennes qui visent le maintien de l’ordre et de la paix, et semblent indiquer une déficience de l’ordre naturel.



3.                        Si l’Etat ne peut disparaître, doit-il nécessairement viser la concorde ?
A.                La question présuppose en effet que la concorde soit l’objectif visé par l’Etat. Mais qu’en est-il d’une concorde obtenue au prix de la justice ? Rousseau remarque qu’on vit en paix dans les cachots, et que les compagnons d’Ulysse vivent bien dans l’antre du cyclope… avant d’être dévorés (Contrat Social, livre I, chapitre 4).
B.                L’Etat du reste ne saurait suffire au maintien de la paix, car il entre avec les autres Etats dans un état de nature qui est le plus souvent un état de guerre. Il faut donc viser une concorde entre les Etats par une sorte d’Etat des Etats, par exemple la SDN qu’évoque Kant dans Idée d’une Histoire au point de vue cosmopolitique. En ce sens, la concorde ne peut plus apparaître comme une réalité effective. Lorsqu’elle n’est pas purement une illusion dangereuse, elle reste un idéal, un horizon, un concept régulateur. (une Idée au sens kantien)
       C          Pour atteindre cette concorde idéale, l’Etat doit préalablement offrir les conditions qui  rendent         son avènement possible. Par l’éducation et l'élaboration de lois justes les hommes peuvent devenir sages. S’ils l’étaient déjà, ils pourraient s’accorder sans le secours de l’Etat. L’Etat n’est donc que le moyen indirect de la concorde, son moyen par défaut. Mais la véritable concorde assurée par un Etat ne peut se manifester que dans la possibilité ménagée à la discorde, entendue comme différend. La paix, au fond, n’est-ce pas la possibilité de la dispute quand celle-ci est la promotrice de la liberté et du progrès?

dimanche 17 février 2013

Faut-il prendre ses désirs pour la réalité ? / introduction rédigée



 A la question "faut-il prendre ses désirs pour la réalité?" nous répondrions d'abord que nos désirs visent forcément le réel, il s'agit d'atteindre quelque chose ou quelqu'un qui aujourd'hui manque dans notre existence. Mais prendre ses désirs pour la réalité est aussi une position critique où il est possible d'échapper à son environnement et aux autres, comme le fait de rêver éveillé ou de ne pas prendre suffisamment conscience des choses. Comme si le réel était le premier ennemi du désir. Or ce dernier semble plutôt être entièrement structuré autour de la réalité : le désir me montre d'abord un objet qui est possible puisqu'il occupe mon esprit et provoque une tension de tout mon être vers lui. Alors l'impossible est peut-être la forme provisoire de la réalité lorsque ce dernier est dans cette phase stratégique de découverte de son objet. Le désir ne se contente pas d’espérer mais il agit, il vise, il construit, il invente. Peut-être même que le réel n'est que  la partie émergée du désir, ce qui laisse penser alors que le réel est une création du désir, son reflet et non son ennemi. Le principe de réalité devenant un principe "désirant".
Pour traiter cette question nous poserons d'abord que prendre ses désirs pour la réalité équivaut à prendre "des vessies pour des lanternes", signe d'une confusion et d'une errance du sens et de l'esprit. La maîtrise des désirs étant la première étape vers une connaissance de la réalité qui est proprement humaine : devant l'impossible mieux vaut "changer l'ordre de ses désirs plutôt que l'ordre du monde". Mais en même temps il nous faudra convenir que la réalité prend souvent la destination du désir, nous voulons, croyons, prions... n'est-ce pas cela qui forme la matière du réel ?  Peut-être nous faudra t-il convenir que nos désirs constituent la réalité, qu'ils en sont l'étoffe dont nous nous parons chaque jour et qui dès lors nous laisse inassouvi et insatisfait. Alors nous devons peut-être constater que la réalité ne possède pas de statut d'autonomie par rapport aux désirs, le sol de notre perception n'est pas le réel mais le désir lui-même qui nous permet de voir les choses avec un œil plus acéré et critique : qui permet de fabriquer un "tableau" du réel, de se le figurer. Le réel devient alors une invention du désir, un avatar qui prend une forme sérieuse alors qu'il est tissé d'ombres : son sol est celui des passions qui agitent les hommes.