Philosophie

Mise à disposition d'un matériel permettant de travailler les cours de philosophie.

jeudi 4 février 2016

L'histoire n'est-elle qu'un roman ?



           1 -  L'histoire comme construction d'un récit national.
A - l'histoire originale est ce moment ou l'acteur de l'histoire raconte l'histoire qui se fait sous ses yeux. Jules César et la guerre des Gaules mais aussi Primo-Lévi dans si c'est un homme. Cette histoire se donne à travers un récit personnel, une romance qui est celle de soi dans les événements de l'Histoire. La subjectivité y est vérité car cette histoire à un objet double : les faits et soi-même. Se dire à travers les faits - prendre appui sur le siècle pour montrer mon regard.
B - l'histoire originale rencontre aussi l'impensé de chaque société, le désir de faire corps et une histoire sur laquelle faire fond - "vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà" : chaque pays substantifie sa façon de voir et porte les documents de sa propre histoire jusqu'à l'universel.  Ainsi chacun raconte une histoire locale en en faisant le roman de l'histoire des hommes : cf cartographie des pays où chacun se place au centre du globe. la construction d'un récit national suppose une adhésion à une identité fixe qui vient arrêter des caractères dominants pour chaque société
C - le roman pour sa part porte avec lui la charge de la fiction / il met en scène les passions et l'histoire des hommes sous l'angle du divertissement "prendre un livre si plonger si plaire, quelle fête!" dit Mme Bovary dans le roman de Flaubert. Il s'agit de pouvoir se mettre à la place de, de changer de vie en tournant la page, d'aimer ou de haïr avec les personnages tout en restant à l'abri de la réalité dans son fauteuil. L'histoire elle propose un voyage, puisqu'il s'agit bien de se  déplacer, vers le passé. Ce retour vers ce qui a été mais n'est plus suppose une étude minutieuse, une technique et des instruments qui ne ressemblent en rien à ceux de la construction romanesque. il ne s'agit plus de divertir mais d'instruire.

          2 -  L'histoire se sépare de la littérature par accès au statut de science des événements -   l'histoire n'interprète pas traite, elle ne divertit pas elle instruit

A - l'Histoire est une science et pour être telle dispose d'un certain nombre de traits qui lui confèrent ce statut : l'histoire ne s'invente pas dans l'écriture mais dans les actions des hommes. pour les mesurer nous avons des outils : les archives, les vestiges, les témoignages, les documents... Popper ajoute l'infalsifiabilité de l'histoire - normalement une science suppose que nous puissions "expérimenter" ses fondements, que nous puissions reproduire l'expérimentation pour valider ses résultats. Or l'histoire ne le permet pas car tout événement produit y est définitif - la validation par l'observation et sa reconduction s'y trouve impossible - il ne s'agit donc pas d'une théorie physique mais d'une science humaine qui suppose la mobilité des actions - l'exposé histoire est donc fiable mais suppose une adaptation continue aux hommes.
B - l'histoire peut devenir objective en ne prenant plus en compte que "la raison dans l'histoire" et en chassant ainsi la subjectivité comme ennemie de la science. "le bon historien n'est d'aucun temps ni d'aucun pays" - Michelet s'enferme ainsi au XIXe dans son grenier pour écrire une histoire objective de la révolution française : mais tout histoire est choix - traiter la révolution sous l'angle de Robespierre ou de Marie-Antoinette suppose déjà un choix = c'est finalement notre histoire que nous tentons de comprendre et expliquer avec celle dues événements passés - Nous ne pouvons plus voir la lune comme les grecs la voyait - comment comprendre des faits qui supposent d'autres conceptions des choses, de la nature, des êtres ? Comment ne pas assécher l'histoire lorsqu'elle en vient au résumé : Marignan 1515 ?


          3 -  L'histoire est le bruissement des civilisations, elle raconte le temps des hommes par la connaissance et l'analyse des faits. Elle est le récit des hommes. 

A - toute histoire est "révision" cad qu'elle se transforme sans cesse au gré des découvertes et des liaisons possibles - mais réviser n'est pas nier : le négationnisme produit avec l'histoire un roman, en transformant l'événement lui-même, en tordant la réalité à une construction idéologique ou intellectuelle. Au contraire le processus de révision est celui de la construction scientifique, comparer, réviser, réaffirmer, compléter : le processus des sciences n'est pas figé mais dynamique.
B - la philosophie de l'histoire ramenait finalement l'histoire au temps d'un récit avec un début, une intrigue et une fin. Histoire conquérante d'un Occident où Hegel voyant passer Napoléon à cheval après la bataille d'Iéna dira "j'ai vu passer l'âme du monde à cheval". Histoire du christianisme qui se mêle à l'industrie montante.
C - alors l'histoire régionale vient croiser les sources et les peuples, elle engage une histoire non plus figée mais mouvante : il s'agit d'entendre le bruit des hommes au travers d'une analyse comparée / l'ethnologie nous apprend que l'histoire est un dialogue entre des peuples qui pensent différemment, qui possèdent d'autres signes et repères. Levi-Strauss comparait les histoires des peuples à des trains qui roulent parallèlement dans la même direction à la même vitesse pour les cultures parentes et dans des directions opposées pour les autres. Il faut donc comprendre que l'histoire est doublement proche du roman : elles partagent le sens / direction / et le rapport à la fiction et à la vérité. Alors que le roman vaut par lui-même, son pouvoir étant d'inventer un monde, dans lequel parfois nous nous reconnaissons -  l'Histoire pour sa part rapporte bruissement de nos actions, elle n'invente pas mais inventorie - et pour cela elle sélectionne, croise, analyse. Elle est le récit des hommes.




samedi 19 septembre 2015

Correction partie 2 – texte de Bergson




La conscience serait donc, et Bergson utilise le conditionnel pour avancer une idée si perturbante pour ses lecteurs, la marque de l’actuellement présent. Ici c’est la notion de durée que Bergson met en place : l’actuellement présent suppose ainsi une conscience tournée toute entièrement vers l’instant. Où plutôt, non vers l’instant, qui est une donnée mathématique sans épaisseur, mais vers le présent qui est la donnée spécifique de la conscience en tant que durée. La conscience se donne comme « un pont jeté entre le passé et le futur », elle est cette épaisseur qui vient unifier perceptions et mémoire afin d’agir. Il s’agit donc pour Bergson de faire comprendre que si le présent est équivalent à l’action – épaisseur de temps qui vient saisir les éléments afin d’atteindre un effet immédiat qui est le moment actuel – alors la conscience serait le nom donné à ce pic qu’est l’unification de l’action. Nous retrouvons ici la caractéristique de la conscience vigile telle que Descartes l’avait énoncé avec cependant cette modification d’importance : si la conscience est entièrement tournée vers l’action elle se détourne alors de ce qui n’est pas utile à elle. La « marque caractéristique » du présent telle est en fait la conscience. Elle est cette actuellement présent qui me fait sentir et penser pour agir, et ce qui n’est pas utile à cette fonction peut prendre alors le nom d’inconscient. Cette part d’ombre représente tout ce qui est en dessous de l’action, tout ce qui n’est pas utile, non agissant… La position de Bergson suppose alors une remise en cause, sinon en doute, de l’équation de Bergson qui est la transitivité de la conscience avec l’existence. La conscience n’est pas équivalente à l’existence mais à l’action prend soin d’affirmer Bergson qui « limite » ainsi la portée de la conscience. L’inconscient est possible car la conscience est un « état » qui se limite à la vigilance dans l’action, laissant ainsi la place à un inconscient qui pour sa part serait à la fois non-actuel et non-agissant. Une sorte de mémoire qui n’aurait pas pour finalité l’action ni l’efficacité immédiate mais plutôt une sorte de « récréation » ou le sujet se débarrasse de l’utile. La coupure entre présent et passé permet de mieux saisir la différence conscient – inconscient : ce qui n’agit pas peut exister en dehors de l’action, dans la marge du psychisme, il est le reste qui n’est pas nécessaire dans le mouvement de choix qu’opère la conscience. Descartes a donné à la conscience un contour qui excède son champ. En l’assimilant à l’existence plus aucune intermittence de la conscience n’était possible sans renoncer au statut même d’homme et de femme. Au contraire la position Bergsonienne permet de réunir ce qui semblait profondément fracturé : d’une part une conscience tournée vers l’agir et son autre face qu’est l’inconscient qui se détourne de l’action car inutile. Le processus de sélection de l’information étant directement lié au choix. Choisir c’est décidé, le vouloir est un pouvoir, celui d’orienter le sujet dans ses choix et donc d’éclairer sa volonté – la conscience est cette pointe qui vient permettre l’action. Ce même souci pédagogique l’anime encore lorsqu’il exprime qu’ainsi « nous aurons moins de peine » à concevoir l’inconscient. Comme si rassurer le lecteur devant l’audace de la démonstration était fondamental tant la « répugnance » à laquelle faisait référence l’auteur était si forte qu’elle empêcherait autrement la formulation d’une coexistence entre la conscience et l’inconscient. La force de la démonstration de Bergson visant à rendre impuissant cet inconscient pour son lecteur afin que sa pensée ne soit plus si dérangeante et ainsi la rendre possible et audible.