Philosophie

Mise à disposition d'un matériel permettant de travailler les cours de philosophie.

samedi 12 janvier 2013

Peut-on connaître autrement que par les sens ?


Peut-on connaître autrement que par les sens ?


A question "ne peut-on connaître que par les sens ?" nous pourrions d'abord répondre que nos sens sont d'abord le moyen de rentrer en relation avec le monde extérieur, de la saisir, et donc de forger un monde intérieur. N'est-ce pas mes sens qui me permettent de voir la personne que j'aime, de la toucher, de la sentir? qui me permettent de goûter une saveur, d'apprécier une distance, de saisir une nuance de tristesse ou de joie? et la fatigue que j'éprouve n'est-elle pas une information de mes sens qui me somme de me reposer, et la souffrance physique ? la douleur n'est-elle pas encore une information de mes sens ? et le plaisir ? On le voit les sens semblent accompagner chaque état de mon corps, la transformation en une opération intellectuelle, en une pensée, serait alors la création d'une connaissance qui se nourrirait de cette parole du corps. Mais ne peut-on imaginer une faculté intellectuelle qui, au contraire, informerait le corps ? qui ne prendrait pas la suite des sens mais en les précédant deviendrait la vraie mesure des sens ? Cette inversion pourrait se justifier par la nature même des informations du corps, la subjectivité peut-elle conduire à une connaissance qui aurait une vocation universelle ? Ne peut-on penser que les erreurs des sens sont déjà la limite de l'expérience possible qui fournissent un savoir empirique et certainement pas une connaissance certaine. 
Nous poserons en un premier moment que toute connaissance provient du corps, qu'il serait insensé de vouloir penser sans lui, le cerveau lui-même n'étant rien d'autre que le résultat de nos sens. Vouloir isoler le mécanisme psychique de création de l'idée ne peut s'extraire de la gangue du corps qui est ici sa matrice. Pourtant opposer sens et connaissance n'est peut-être pas vain.
La confrontation des sens à la connaissance n'est peut-être donc pas si inutile, l'histoire même de la pensée nous montre que ce qui pouvait sembler premier peut-être second : d'abord nous connaissons et seulement ensuite nous percevons. Si Être c'est bien percevoir, percevoir n'est pas savoir.  Mais n'est-ce pas une entreprise folle que de vouloir séparer ce qui ne peut l'être ? Lorsque je joue au tennis tout mon corps semble intelligence, peut-on même en connaître les limites, qui sait ce que peux un corps ?



Plan détaillé

1 / la connaissance provient des sens

a) Il y a un rapport immédiat des sens à la connaissance, nous apprenons par nos sens qui viennent informer nos perceptions. Ex de l'aveugle né et de l'abaissement de la cataracte produit pour la première fois au XVIIIe.
b) ainsi l'extension même du plaisir et du déplaisir donne le Bien et le Mal, n'est-ce pas la traduction de nos sens qui permet d'atteindre la morale ? Il y a une première approche des sens qui est celle de la connaissance externe, puis de nos propres sensations et émotions. Le sentiment est la forme que prend le corps lorsqu'il devient esprit.
c)  la méthode expérimentale est ce moment où le fait crucial porte avec lui l'information théorique, l'observation permet d'atteindre la pensée. C'est ici le fait qui est premier donc les sens.

2 / seule la pensée peut saisir le monde et elle-même comme objet de sensation. C'est l'esprit qui porte la connaissance.

a ) la méthode expérimentale est déductive et non inductive, seul Claude Bernard peut lire les signes des sens, l'observation ne vaut que pour un savoir qui peut analyser le fait.
b ) nous retrouvons ici la pensée de Descartes, expérience de la cire. la certitude de l'existence provient de la pensée elle-même, le cogito est le premier principe de la philosophie
c ) nous pouvons savoir d'abord dans un ciel des Idées (Platon). C'est l'esprit qui informe la matière, le concept de lit est premier par rapport au lit matériel.

3 / le corps est intelligence, l'intelligence est corps

a ) lorsqu'on demanda au mathématicien Cavailles pourquoi il ralliait la résistance il répondit "parce que je ne pouvais pas faire autrement", signifiant que cela s'imposait à lui. Est-ce une absence de réflexion où ne devons nous pas penser au contraire que ce que nous sommes apparaît justement par nos sens, en dehors d'une réflexion consciente, du moins sans que la réflexion n'est besoin d'apparaitre comme telle. Lorsque cet homme se jette du haut d'un pont pour en sauver un autre au risque de sa propre vie s'il réfléchissait à son action il serait déjà trop tard.
b ) exister sans sentir, d'abord sous la forme des passions que Descartes reconnaît comme fondamentales. (Traite des passions). Spinoza s'interroge ainsi sur le pouvoir du corps : nos sens portent avec eux un pouvoir qui dépasse notre possibilité de réflexion
c ) "l'amour, la joie, la colère sont les passions qui arrachent aux hommes leurs premières voix" Rousseau donne aux passions le premier rôle dans l'apparition du langage c'est-à-dire de l'intelligence elle-même. Dire c'est sentir, tout notre corps est intelligence.


dimanche 6 janvier 2013

L'injustice est-elle naturelle ? Correction STG / Question


 L'injustice est-elle naturelle ?

A la question "l'injustice est-elle naturelle?" nous répondrions dans un premier moment que c'est dans la nature elle même que l'injustice puise sa force. Puis nous comprendrons que tout l'effort de la société est de produire une justice qui n'existe ni dans la nature ni dans la société sans un effort des hommes pour sortir de la violence qui les habite. 

C'est d'abord dans la nature que nous trouvons l'injustice, cette "loi du plus fort" qui résonne dans le sens commun comme un dictat de la nature. La violence serait d'abord dans le cadre de la sélection naturelle, de cette nature qui sélectionne les plus forts pour permettre à l'espèce de survivre. Mais c'est peut-être alors une erreur de parler d'injustice. Nulle injustice lorsque le lion mange l'antilope, juste l'activation de la nature du lion, de son instinct qui n'engage pas sa liberté ou un autre choix possible. Car le juste et l'injuste suppose une mesure interne, une boussole permettant d'apprécier la bonté ou la malignité de l'action. Cette mesure se nomme la conscience morale et ne peut se trouver dans la
 nature sans une intelligence qui l'accompagne. La nature en ce sens est un concept régulateur dans lequel nous plaçons ce que nous ambitionnons pour elle. Ainsi la monarchie parle d'une loi naturelle imposée par la nature, celle de la force. Il y aurait un impératif de puissance que la nature imposerait à l'homme, si "certains sont nés pour dominer" d'autres certainement ne peuvent qu'obéir (Aristote). Cette conclusion impose le mode d'un gouvernement tyrannique ou la souveraineté ne peut se trouver du côté du peuple. 

Il ne se trouve ni juste ni injuste dans la nature, la cruauté est dans les hommes et seulement en eux, il n'y a pas de plus formidable danger que l'homme disait Hésiode, manifestant ainsi que si nous sommes les seuls à connaître la valeur de notre actions, nous sommes aussi la seule espèce capable de se détruire elle-même. Car la guerre n'est pas un état de la nature mais de la société. Le

pire côtoyant chez nous le meilleur. C'est parce que nous connaissons le Mal que nous pouvons énoncer le Bien : de cette connaissance provient certainement notre spécificité. La société est l'effort de domestication
des pulsions, il s'agit de modifier la pulsion de la destruction vers la construction. Modifier la pulsion qui d'abord trouve sa source dans la pulsion sexuelle pour l'employer du côté de l'amour et de la connaissance. Trouver une satisfaction collective à ce qui s'annonce du côté de l'égoïsme et de la haine de l'autre. Cet effort colossal est celui de l'édification de la civilisation qui transforme le plaisir et le déplaisir en bien et mal et qui fait donc avec des éléments physiques des valeurs psychiques ou morales.Il ne faut pas confondre injustice et inégalités : alors que l'inégalité est possible naturellement dans le rapport des aptitudes ou des dispositions physiques nous ne trouvons pas d'injustice qui suppose la connaissance du juste et sa négation. La volonté d'égalité des hommes provient justement d'une amplification de la justice comme mesure au champ du social. La justice pour Aristote se dédouble alors : une justice commutative où nous devons tous avoir la même chose et une justice distributive où chacun peut recevoir selon ses mérites. Et dans ce dernier cadre la justice réside justement dans l'affirmation d'une inégalité qui permet une appréciation de chacun selon son action.

Peut-être devrons nous conclure que ce n'est pas l'injustice qui n'existe pas dans la nature mais le concept de Nature lui-même qui est utilisé sans un véritable fond ou support. Celui-ci s'adapte sans cesse aux besoins des hommes, il représente certainement une mystification dont nous ne mesurons pas assez la force, le paradoxe étant que la nature ainsi crée vient valider ou invalider une façon de concevoir qui pourtant la précède.