L’idée de Nature :
anthropologie d’une transformation.
O souillures, souillures des la chair ! Si elle
pouvait fondre !
Et se dissoudre et se perdre en vapeurs !
Shakespeare, Hamlet, éd.
Gallimard, coll. Folio, 1978, Paris,
Acte I, scène II, p.41.
L’invention
lente et chaotique de l’individu est le fil d’or qui permet de suivre la
logique de ces mutations, car le mécanisme de sublimation instauré par la
répression sexuelle a été le moteur invisible de l’élan occidental jusqu’aux
spectaculaires modifications enregistrées à partir des années 1960.
Muchenbled Robert, L’orgasme et
l’Occident, une histoire du plaisir du XVIe siècle à nos jours, éd. du
Seuil, Paris, 2005, p.27.
Si en grec idea signifie
littéralement « ce qui est vu », l’idée ne s’oppose pas au réel, elle
est l’élément qui au contraire permet de saisir dans la profusion de la
perception la forme distinctive, le spécimen ; l’objet est constitué et
distingué de ce qui n’est pas lui. On se souvient de l’expérience de la cire
chez Descartes, j’allume une bougie de cire puis je sors de la pièce, lorsque
j’entre quelque temps plus tard je dis, « la bougie s’est consumée »,
cependant la forme que j’ai devant moi n’a plus ni le même aspect, ni la même
couleur, ni la même odeur. Seule l’idée permet de lier des manifestations qui
autrement n’existeraient pas pour moi, la continuité de l’objet bougie ne peut
se produire que grâce à une tension de ma pensée qui maintient la permanence ou
l’identité de l’objet jusque dans ses transformations. Alors l’idée est bien ce
qui nous mets en contact avec le monde autrement que seulement par l’instinct
ou notre nature : en effet cette table existe pour l’animal comme elle
existe pour moi mais pour lui elle n’est qu’un obstacle empêchant ou modifiant
sa progression, elle est pour l’homme un
élément de la symbolique culturelle, elle possède à ce titre une
histoire comme elle se lie dans l’histoire du sujet à des expériences et à des
investissements qui dépassent largement l’objet physique table. L’idée rend
intelligible le monde et ainsi engage un travail possible sur lui : elle
est ici au plus proche du réel et non pas son opposé. Lorsque les idées se
rassemblent elles forment une vision globale des choses, un monde. Chaque
système d’idées correspond strictement à un système de langue. Les idées
prennent une forme systématique car elles engagent un système d’idées. Elles
sont composées de nuances, leur sens est « arbitraire et
conventionnel » : comprendre
chaque idée prend sens dans le cadre d’une vision globale, toutes les
idées rassemblées forment un univers. Mais il peut se trouver qu’une série
d’idées produise un sens qui contredise ma propre représentation des choses,
existe à ce moment une coupure représentative que l’on nomme idéologique :
l’idéologie est toujours un vocable qu’on utilise pour décrire les autres
visions et les dénigrer.
Le destin de ce terme est celui
d’une époque, d’un siècle, qui a vu fleurir à la fois des tentatives de
modélisation du monde dans le même temps que la plus forte opposition dans la représentation
de ces modèles. Alors l’idéologie est un élément essentiel du déchiffrage de la
politique au XXe siècle, elle pose que souterrainement il y a une manipulation
des idées qui puisse aboutir à une image inversée de la réalité, moment donc où
l’idée nous écarte du réel plutôt que nous le fait rencontrer. Au cœur de
l’idéologie il y a une subreption, c’est-à-dire une volonté de faire
« comme si » l’idée qui y était déployée constituait la réalité.
L’idéologie porte aussi un mensonge sciemment fait, une tromperie dans la
volonté consciente des acteurs idéologique de fourvoyer les hommes et les
femmes dans une représentation fausse de la réalité et des rapports.
L’idéologie suppose une forme de manipulation de la réalité, en faisant passer
l’idée avant les choses, et non en même temps qu’elles, il laisse la
possibilité de transformer le monde réel à partir d’un fantasme ou d’une
illusion, elle fait alors interpréter le réel à travers un prisme qui est celui
de l’idée – le réel est donc second et se donne à partir d’une idée qui est
désormais sa cause. C’est la camera obscura de Marx telle qu’il la peint
dans L’idéologie allemande, une image retournée, inversée des choses, un
monde la tête en bas, lorsque l’on place la conscience avant les rapports de
production, la représentation des choses avant les choses : image inversée
que l’on trouve dans la chambre noire de l’appareil photographique – fantasme,
représentation au sens littéral : ce qui est présenté à nouveau, ce qui
est second, objet d’une manipulation, d’une transformation mais qui revendique
le statut de réel.
Si le XXe siècle est comme le nomme
Jean-Pierre Faye
[i] « le siècle des
idéologies ». L’idéologie y tenait
presque entièrement en deux noms, Staline et
Hitler. Ils constituent les deux pôles de l’idéologie, ces systèmes sont
« des machines idéologiques »(p13). « Le démon enfermé dans un
flacon est devenu géant sous le souffle des « idées » qui le
hantent » (29) ainsi un Etat totalitaire naît d’abord de la
licence qui lui est faite
d’agir. D’abord souffle elle devient tempête
sous l’effet de la faiblesse des hommes,
c’est alors la naissance d’un « Etat total »(29). Il est un
moment pour la bataille, on se souvient de la leçon de Jean-jacques Rousseau
dans
Le contrat social « on vit aussi en paix dans les
cachots », le rappel est ferme : il faut parfois savoir s’opposer,
« dresser la pensée souveraine face à la servilité »(31). L’idéologie
suppose le mensonge et la dissimulation, « ici la vie s’est enchaînée et
se stabilise dans une servitude sans fin » au contraire la pensée réclame
l’autonomie du choix, là « souffle l’air libre »(36). Et puis
toujours le langage qui est l’instigateur de la mort. Ce que Roman Jakobson
nomme « les grains de langage », ce qui s’insinue dans la langue pour
en faire varier le sens vers la destruction et le meurtre. Deux miroirs
face à face, « qui se renvoient l’un l’autre des images inverses de
soi-même »(49) et « les deux grandes dictatures idéocratiques du
siècle se sont finalement entendues en dehors de leurs idéologies »
[ii],
comme une ressemblance contradictoire pousse les deux monstres à se rassembler
note Jean-Pierre Faye. Le moteur de ces deux totalitarismes est cependant
différent, le nazisme adopte la Nature comme fondement, le stalinisme
l’Histoire. C’est ici cette idée de Nature qui va
retenir notre attention
dans son application au sport.
« mais
où est maintenant la forêt où l’être humain puisse prouver qu’il est possible
de vivre en liberté en dehors des formes figées de la société ? »
Stig Dagerman, Notre
besoin de consolation est impossible à rassasier, éd. Actes Sud, 1981.
Curieuse plainte qui semble
recouvrir la pensée des hommes depuis l’apparition des premiers regroupements
humains. La société serait un frein, une diminution de la puissance d’agir et d’être…nostalgie
du prédateur. Chez Stig Dagerman elle prend la forme d’un constat, pas de
retour en arrière possible, ces « formes figées » sont les seules
auxquelles nous puissions prétendre, pas de salut en dehors de la compagnie des
hommes. Pourtant cette pensée œuvre souterrainement jusqu’aujourd’hui pour
célébrer une nature qui est désormais menaçante à travers les multiples visages
qui lui sont donnés : le sport serait l’un d’eux et c’est vers la
description de ce « mouvement naturel » au sein de la société que nous
allons nous tourner. Plus loin que de traquer l’utilisation d’un vocabulaire
animal dans la désignation du sportif ou des manifestation sportives, il faut
affirmer la concomitance du sport et de
la nature, une proximité ambiguë. Quelle part occupe la Nature dans la
construction sportive ? Le corps est le lieu des instincts et de l’esprit,
de l’élaboration d’un rapport entre l’animalité corporelle et la civilisation
humaine naissent des pratiques et des coutumes, des mœurs qui doivent répondre
à la question du rapport entre nature et culture. Que faisons-nous de notre
corps ? Que symbolise t’il ? Les Jeux Olympiques qui sont l’étendard
des sports doivent aussi être le lieu de
l’analyse la plus aiguë de ce phénomène. En son sein on peut voir se fabriquer
l’idéal du héros, une religion sportive s’annonce : l’athlète en sera le
Dieu, l’Institution Sportive son Vatican, le spectateur son adorateur. La
question du fondement devient cruciale : quel est le sol sportif ?
Quel est le corps sportif ?
De la nature et du sport,
zoolympisme et haine de l’homme.
Le corps manquerait d’une histoire comme le formulait Marc Bloch dans La Société Féodale « une histoire plus digne de ce nom que
les timides essais auxquels nous réduisent aujourd’hui nos moyens ferait leur
place aux aventures du corps. » Sommes nous aujourd’hui en mesure de faire
cette part au corps, pouvons nous le suivre dans ses pérégrinations ? Plus
encore peut-on même penser une « actualité » du corps ? Son présent
si son passé nous demeure encore interdit ? Le texte commence par un
constat, les médiévistes n’ont que peu travaillé sur le corps, alors qu’il
constitue le point central de l’analyse de la société médiévale : « la dynamique de la société et
de la civilisation médiévale résulte de tensions : tensions entre Dieu et
l’homme, tension entre la ville et la campagne, tension entre le haut et le
bas, tension entre la richesse et la pauvreté, tension entre la raison et la
foi, tension entre la violence et la paix. Mais l’une des principales tensions
est celle entre le corps et l’âme. Et plus encore à l’intérieur du
corps même »
[iii]. Le
corps est en effet scindé, séparé, divisé : toute cette opération vise la
dévalorisation de la chair, de cette partie putrescible qui empêche l’élévation
vers le Christ. C’est ainsi que le corps
n’est plus pensé que comme un oripeau,
« au seuil du Moyen Âge, le pape Grégoire le Grand qualifie le corps
d’ « abominable vêtement de l’âme »,
le moine mortifie sa chair et le port d’un cilice sur la chair est le
signe d’une piété supérieure. Un changement notable s’effectue dans la
transformation du pêché originel en pêché sexuel, une chape morale s’abat sur
le corps, l’Ordre Moral vient lui dicter sa conduite, tout écart est criminel,
la gourmandise est traitée tout comme la luxure. C’est la sombre horreur du
bas-ventre, de ce qui est de l’ordre des désirs du corps, irréfléchis et
corrompus, au contraire de ceux du cœur qui doivent guider vers les hauteurs du
royaume de Dieu : opposition de deux espaces, l’un puissance du sol lié au
Tartare et à la corruption des enfers, l’autre éthéré, puissance des hauteurs
qui vient se saisir des valeurs idéologiques du christianisme pour les imprimer
sur le corps des fidèles. On pourrait dire que « le corps est le grand
perdant du Moyen Âge ». Il devient lieu de dépravation par l’opération
d’une division exemplaire entre l’âme et le corps puis dans le corps même entre
un corps digne de Dieu et l’autre animé par les puissances du Mal et de la
concupiscence. Corps Céleste, corps satanique. C’est cette division qui devient
la définition de l’humanité, on se souvient que chaque année le pape s’installe
devant la foule des fidèles sur une « chaise percée » qui fait
reconnaître à tous qu’il n’est qu’un homme, soumis aux besoins du corps,
excréments et urine ramènent à l’humilité et empêche l’idolâtrie. De même
qu’après sa mort son corps est exposé, nu, afin que chacun puisse voir
l’ouvrage et l’outrage de la mort.
La modernité est l’annonce d’un nouveau rapport au corps, la refonte du
politique conduit nécessairement à la recomposition de la corporéité. Et puis
cette Révolution ne peut se faire sans l’aide de « ces praticiens du
corps » que sont des hommes comme Sade ou Casanova. Dire l’activité
sexuelle, en faire le moteur de l’activité humaine, poser que le fond de la
culture est directement lié aux spasmes de la jouissance. Telle est aussi
l’annonce et la nouveauté de la Révolution française. Construire même une forme
littéraire qui corresponde à ce nouveau corps rassemblant dans le même lieu
esprit et matière, succession de dissertations philosophiques et de scènes
pornographiques pour mieux montrer l’égalité nouvelle de ces parties antérieurement
séparées par la religion. Mais la Révolution c’est aussi tout le courant du
« sentiment moral », d’une douceur nouvelle trouvée à la croisée du
corps et de l’esprit : le sentiment donc. Une douce affection, une
inclination morale, une passion supérieure à toutes les autres : désormais
la morale prend assise dans le corps. Réhabiliter le corps, lui rendre sa force
mais tout en lui conservant la direction de la civilisation : l’orienter
vers un projet civilisationnel et non destructeur. Sade n’était que le prélude
à la libération, son moment de rejet extrême des formes anciennes, l’accomplissement
de la Révolution suppose l’apaisement du corps lui-même autrement que par la
subversion de l’ordre ancien. Mais cette même modernité en oubliant la puissance
libératrice du corps la replonge dans « l’obscurité des couvents » :
celle-ci est passée de la théologie catholique à la religion civile. La
révolution prend peur de sa propre nouveauté, elle va chercher dans les formes
anciennes un exorcisme capable de faire oublier qu’elle est a elle-même son
propre fondement, sa propre essence. La peur devant un corps affranchi des
barrières conduit à l’édification de digues morales censées repousser le flot
des passions. Alors pour mieux pouvoir contrôler le corps l’évocation de la
Nature vient à point nommée, elle permettra de recadrer les représentations du
corps, « voila ce qu’est la Nature, voila ce qu’est votre Nature, voila
donc ce qui est autorisé par ses lois et voila en regard ce qui ne saurait
s’autoriser d’elle ». Se réclamer de la Nature pour agir, bel alibi et
jamais mis en défaut car la Nature est toujours le produit de ce que
l’on y dépose
[iv]. Elle n’est que le reflet
de nos désirs et de nos aspirations, elle prend un visage plus inquiétante
lorsqu’elle devient le creuset idéologique d’un monde à faire sur ce que sont
déjà les ruines de son futur. Or la Nature est le sédiment de cette rupture,
plutôt cette rupture va engager une modification durable de l’idée de Nature
qu’il faudra désormais réfléchir à partir d’elle.
C’est à ce point qu’intervient « l’idéal
sportif » : tout à la fois point d’ancrage nostalgique d’avec une
nature humaine unifiée et non pas divisée, retour donc à une situation
d’entente entre ce qui deviendra l’âme et le corps ;
et en même temps occasion d’amplifier la
rupture par la saisie exagérée d’une tendance post-médiévale, séparer
totalement le corps de ce qui rendait nécessaire la séparation elle-même,
saisir un corps en dehors de son « vice » en dehors de ce qui le fond
immédiatement comme faisant partie de la Nature en général et animale en
particulier. Le sport serait le lieu privilégié de cette analyse du terreau, de
la souche, de la racine : il y a volonté d’enracinement du sport dans un
sol, dans une nature, dans une forme d’atemporalité – cette soustraction au
temps permettant une inscription trans-culturelle. S’ajoute un fait, le sport
est une activité corporelle apparemment totalement asexuée, le sport reprend la
nature sans la génération, sans la génitalité. Le sport est ainsi la saisie
dans la culture d’une nature proprement « inhumaine », point de
contact d’abord puis de rupture ensuite. Il fait son apparition au moment de
l’émergence de formes politiques nouvelles en Europe et surtout avec deux formes
économiques qui sculpteront pour longtemps le panorama de nos sociétés :
le libéralisme d’abord, le communisme ensuite.
Quelle Nature ?
Mais qu’est au juste cette nature
qui avance sans cesse changeante ? La nature est un concept éminemment
protéiforme, elle prend tous les aspects
et tous les contenus : elle signifie d’abord pour nous l’arbre, la forêt,
le chant de l’oiseau, aussi tout ce qui est extérieur à la main de l’homme, elle
peut prendre alors le sens de pur ou d’originel. Alors ne tarde pas de poindre
la nature comme essence,comme ce qui est premier, originel – il y aurait ici
une priorité ontologique du côté de la Nature qui prend une orientation
métaphysique en laissant la simple « phusis », c’est-à-dire la
physique des objets et des êtres vivants comme objets d’études et de
connaissances. Bien sûr l’homme fait partie de la nature comme toutes choses et tous les êtres du monde. La nature est ainsi
ce qui fait être ou apparaître au monde, étymologiquement nature provient du
terme nasci qui signifie naître ; en même temps cette origine
engage une identité fixe, le concept de nature fait référence à des caractères
figés, immuables. Elle implique autrement un contenu définitionnel ou thétique
d’une espèce, on peut parler ainsi d’une nature humaine qui posséderait des
caractéristiques propres de même qu’on parlera d’un caractère pour désigner une
tendance de l’individu ou une inclination qui n’a pas a voir seulement avec des
éléments culturels ou éducatifs mais qui impliquerait le naturel en lui. On le
devine déjà, l’application de ce concept à l’homme ne va pas sans
difficultés : alors qu’il ne semble pas y avoir beaucoup de progrès pour
l’animal, l’homme lui se transforme et se perfectionne. Les réactions humaines
semblent liées à des déterminations culturelles : l’homme se modifie sans
cesse et son libre arbitre lui permet d’opérer des choix, il travaille le donné
dont il est issu, il construit sa propre identité. C’est à ce point que nous
retrouvons le sport, sa position y est paradoxale car il maintient tout en même
temps une priorité de l’injonction naturelle avec l’impératif de la découverte
technique et médicale appliquée aux athlètes. On peut parler d’une véritable
schizophrénie de l’institution sportive qui postule à la fois deux énoncés totalement inconciliables :
laisser parler la nature et modifier entièrement le corps afin de l’adapter aux
impératifs de la performance. Car c’est par le biais des techniques que l’homme
parvient à disposer de son environnement : il ne s’adapte pas seulement au
monde extérieur mais il le fait se plier à ses contraintes intérieures. La
culture est le nom donné à ce mode d’appropriation du monde extérieur et à
l’opération de transformation de ce monde en un monde intérieur.
Longtemps le rôle de la culture à
été pensé sous le mode d’une révélation, ce qui s’exprime par la culture ne
serait qu’une Nature qui disposerait les individus et distribuerait les
qualités selon un plan naturel ou divin. Il existait ainsi au XVIIe siècle,
« un je ne sais quoi » de l’esthétique classique, quelque chose
d’indéfinissable qui permettait à une classe sociale d’énoncer le Beau, de dire
le goût. Une disposition qui se voulait naturelle et qui permettait à
l’aristocratie de gouverner les arts. De la disposition naturelle à dire le
Beau à celle d’énoncer le juste et l’injuste il n’y a qu’un pas. Ainsi celui
qui dit le Beau est aussi le plus apte à déterminer ce qui est bon pour les
hommes, « l’homme de goût » devient ainsi homme politique. Du moins
ce serait la nature qui aurait placée ces facultés en l’aristocrate. reprenant
cette tradition qui va d’Aristote aux jurisconsultes « certains sont nés
pour gouvernés, d’autres pour être gouvernés »
[v]. Le
détour par la nature permet de faire oublier l’iniquité de l’oppression, de la
justifier par une volonté extérieure et supérieure. De détourner le
ressentiment des fauteurs de misère vers une substance transcendante
inaccessible à l’action des hommes. La nature devient alors un instrument
technique d’aliénation, un moyen politique de gouvernement. La Nature prend le
sens de
concept régulateur, elle permet à partir de l’affirmation d’une
origine de mesurer l’écart avec la situation présente. L’affirmation d’une
origine des jeux et de la concurrence entre les hommes conduit à affirmer la
nécessité de sa présence, et à l’absence de jugement de ses détracteurs. C’est
cette nature qui apparaît comme un enjeu majeur de la biologie du début du XXe
siècle, Spencer, Haeckel reprendront les travaux de Darwin pour produire
une « politique et une hygiène de la race ». La biologie
distingue alors entre les hommes, il y a des « races » qui
s’opposent, la race blanche européenne étant celle qui possède les
caractéristiques les plus purs, en elle la race germanique s’oppose à la
celtique. Darwin accrédite cette idée en posant qu’il y a moins de différence
entre des individus d’une même race qu’entre des races différentes. C’est tout
un temps et toute une recherche qui sont engagés dans une voie qui aboutira au
National Socialisme. On voit ainsi
la
science allemande se mettre à disposition de la théorie raciale et de la nécessaire
supériorité génétique d’un groupe humain sur d’autres. Le sport devient
l’occasion de révéler la puissance physique non pas d’un individu mais de tout
un groupe, de toute une race. Le spectacle sportif devient un spectacle racial.
Les Jeux Olympiques :
Le baron de Coubertin annonce son
objectif olympique par une formule devenue célèbre,
« je rebronzerai une jeunesse veule et
confinée, son corps et son caractère par le sport, ses risques et même ses
excès ». Le programme est celui d’un « naturalisme
révolutionnaire » appliquée aux sports, il s’agit d’indiquer un contenu
pour le faire être. La nature n’est pas derrière nous mais devant, « dit
moi quel est ton but et je te décrirai ta nature », en même temps qu’il
invente une fonction nouvelle à ce qui est en train de devenir « le
sport » au sens contemporain du terme : voila même en un sens son véritable
acte de naissance. Ici l’idéologie ne fait pas que décrire un processus de
refondation, aussi elle accuse : veulerie, confinement, absence d’un corps
fier et d’un caractère fort, tels sont les attributs de ceux qui refusent
l’attrait sportif. Il ne s’agit pas seulement de déterminer une nature mais
aussi de s’opposer à une autre. Il y a dans la volonté olympique celle d’en
découdre, de dénoncer un certain type et usage du corps pour imposer un autre
modèle. Coubertin est, nous le rappelle Jean-Marie Brohm, un partisan de la
« sélection raciale » il peut écrire « il y a deux races
distinctes : celle des hommes au regard franc, aux muscles forts, à la
démarche assurée et celle des maladifs à la mine résignée et humble, à l’ait
vaincu. Et c’est dans les collèges comme dans le monde : les faibles sont
écartés, le bénéfice de cette éducation n’est applicable qu’aux forts »
[vi]. Les
choses pourraient avoir changées, lors de la campagne parisienne de promotion
de la candidature de la ville de Paris pour les Jeux Olympiques de 2012 sur
l’hôtel de ville était placé un écran défilant géant où l’on a pu lire
« un esprit sain dans un corps sain ». Les mêmes spectres hantent le
corps et le sens critique disparaît totalement face aux sports : un maire
socialiste peut laisser s’afficher des slogans eugénistes indignes d’une
démocratie. Il y a ici une véritable anthropométrie sportive
[vii], une
opération de « police physique et mentale ». Mais l’action est ici
doublement abusive : elle ne fait pas que décrire un modèle imaginé comme
si il était une réalité mais elle contraint à réfléchir le présent culturel du
corps sous des vocables naturalistes. Ainsi le cadre de ce nouveau corps
« naturel » prendra comme propriétés la franchise, l’élargissement,
son caractère comme son corps seront « trempés ». Vocabulaire du fer,
de l’acier, de la sidérurgie, curieux mélange après l’enchantement des feux de
camps, la sémantique sportive n’est pas à ça près – un caractère de fer, une
volonté de fer, un corps d’acier. Déjà le sang n’irrigue plus cette nature, il
est dès son origine remplacé par le métal, par le symbole même d’un temps voué
à la grande industrie, par l’usine et son cœur palpitant de feu et de vapeurs.
Par l’ordre qui y règne grâce à tous les appareils de contrôles qui s’y
déploient. En même temps les images sont bien celles de la campagne, de la
forêt, des rivières où se jettent du haut de promontoires des corps jeunes,
sculptés par le sport et le travail. C’est le temps des « auberges de
jeunesse » où l’accent est mis « sur la jeunesse, le corps et le
nature, dans un but éducatif et hygiéniste ». Nous sommes devant l’éloge
du pré, de la campagne et du contact grâce à elle avec un corps pur libéré des
miasmes de la ville, de sa promiscuité aussi. Se libérer du contact trop étroit
avec l’homme, préférer la campagne et les forêts, la morale des champs est ici édifier
contre le contact fétide des villes. « L’homme pue », c’est en
substance le message de l’Ordre Nouveau qui s’annonce. La campagne à les faveurs
de Drieu la Rochelle, l’ordre nouveau suit de peu la mise en ordre des corps.
En 1936 Léo Lagrange alors Sous-secrétaire d’Etat auprès du Ministre de la
santé déclare à « La voix de Paris » : « Loisirs sportifs,
loisirs touristiques, loisirs culturels où doivent s’associer et se
compléter les joies du stade, les joies de la
promenade, du camping, des voyages, les joies des spectacles et des
fêtes ». (p.118). On peut lire ici seulement l’heureuse manifestation
d’une libéralisation des corps et des moeurs qui jusque là étaient
douloureusement et doublement corsetés par les vêtements et le
puritanisme ; mais aussi et plus souterrainement l’apparition d’un nouveau
paradigme, celui du corps sain qui va utiliser comme arme principale pour sa
croisade le sport. La ville de Suresnes voit s’implanter sur les hauteurs du
Mont-Valérien une école aérée
[viii], au
début du XXe siècle l’hygiénisme tente de soustraire les enfants aux affres de
la misère, en cette école tout est fait pour que les enfants puissent prendre
le soleil sur des solariums, pratiquer la natation, la danse, les arts
plastiques, être dans la nature, faire du sport. Mais l’eugénisme guette. Les
mêmes concepts irriguent des systèmes différents, le socialisme croit en
l’éducation et aux progrès de l’homme, tandis que d’autres surveillent déjà les
germes d’une nouvelle humanité. Même chez Edouart Vaillant, qui a crée cette
école,
l’un va côtoyer l’autre. Vouloir
rectifier les injustices sociales par une correction physique et psychique en
soustrayant les enfants au cadre maladif d’une classe sociale prise dans les
effluves et les miasmes,
la tuberculose,
l’alcool, la proximité, la malnutrition. Déjà dans le monde ouvrier des
plaintes s’élèvent, soustraire les enfants pour leur santé en les privant de
leur parents puis les replonger une fois adulte dans le ventre de la grande
industrie, ou plus rapidement, dès allant mieux, dans les cités ouvrières, dans
la misère. Alors la tentation pour les Etats d’évoquer une responsabilité, de fabriquer
une nature ouvrière, naturellement du côté de la paresse et de la dépravation –
incriminer une nature pour ne pas en réfléchir les causes, inventer un type
d’hommes pour se dédouaner des origines politiques du méfait. Produire un
laboratoire d’abord à l’échelle d’une classe sociale et d’âge puis l’étendre. Vanter
l’air pur pour célébrer les corps purs, se libérer des hommes pour chanter et
louer la Nature
à travers l’exercice du
sport. Non loin de la nature campe la race. Alors les Jeux Olympiques de 1936
en Allemagne voient la naissance de ce corps nouveau né de l’alliance de la
Nature et du fer, « le sport fut à Berlin, du 2 au 15 août, la raison
d’Etat, et la seule, toutes autres affaires cessantes. Que le sport ait été mis
au service de la race, personne ne le contestera. A l’aide d’une manifestation
athlétique d’intérêt et de participation mondiaux, le führer et ses
collaborateurs donnèrent aux peuples le spectacle d’une Allemagne régénérée
physiquement et moralement, sûre d’elle-même, organisant à la perfection,
donnant l’impression d’une race en parfait équilibre et en plein essor »
[ix]. La
régénération par le sport, la chrysalide voit sortir « une race »
nouvelle, portant dès son enfance uniforme, drapeau et insignes. Qui mieux que
le sportif incarnerait cette transition de l’homme vers « l’Aryen » ?
« L’athlète : aventureux, lyrique. Il sent vivre en lui un être
secret (…) que crée l’effort athlétique, qui domine de haut le train-train
journalier des organes »
[x]. On
connaît cette poésie qui encense la force et la mort, qui magnifie le corps par
une alliance entre lyrisme et aventure. Fièrement les bras ce tendent vers un
salut qui deviendra le symbole de la perte de conscience et d’humanité de toute
une nation et avec elle de beaucoup d’autres. C’est cet « être
secret » qu’il nous faudrait traquer, qu’est-il ? il est le résultat
de l’effort et non sa cause et pourtant il possède une vie autonome et riche
qui lui permet de s’affranchir du « train-train » des organes, du quotidien
de l’homme ordinaire, du « métro-boulot-dodo » de la santé, en le
propulsant du côté du sur-corps et de l’inconnu : caché derrière le moi se
cache un autre être celui-là capable de s’affranchir des bornes de la vie
ordinaire… capable de tout. L’histoire malheureusement le confirmera. Il saura
rompre non seulement avec les corps « ordinaires » mais aussi avec la
morale « ordinaire ». Ainsi le système nazi fait se côtoyer les camps
d’extermination avec un souci zoophilique. Il s’agit par le sport de parvenir à
une sorte de coïncidence avec l’animalité, le rapprochement avec la bête est
sportive. Le système nazi est le premier à engager des réformes importantes
pour protéger la Nature, et principalement en elle les animaux. Dans un
discours Hitler annonce le programme de la future loi du 24 novembre 1933 sur
la protection animale : « dans le nouveau Reich il ne devra plus y
avoir de place pour la cruauté envers les animaux »
[xi].
Souci des bêtes et destruction de l’homme, cela pourrait sembler
contradictoire, nous pensons plutôt que ces projets se complètent. On se
souvient du capitaine d’un navire de Greenpeace qui pour montrer son
indignation face au « massacre » d’une centaine de baleines organisée
sur les Iles Féroé rituellement par la population chaque année
[xii] parlait
d’une « atrocité digne des camps d’exterminations nazis ». Les
mouvements écologistes portent avec eux ces excès, Greenpeace veut le
dépassement des valeurs humanistes au profit de valeurs
« suprahumanistes qui placent toute vie végétale et animale dans la
sphère de prise en considération légale et morale »
[xiii]. Prôner
l’animal pour atteindre l’homme puis dépasser l’homme pour permettre
l’expression de la Nature. Un chercheur en sciences humaines a travaillé sur
des centaines de documents du IIIème Reich sans jamais rencontrer le mot
« tuer », lorsqu’il le croisa enfin il était lié… à un chien. Le
vocabulaire est le premier ennemi du totalitarisme, le déguisement, le déplacement
du sens est son allié, le mensonge est d’abord dans le langage
[xiv]. Il
y un glissement sémantique qui s’opère et qui tend à injecter rétrospectivement
dans le passé des termes qui y étaient alors dépourvus de tout sens. Ainsi
parler de sport dans la Grèce ancienne est une erreur dont nombreux ont déjà
éclairé la source
[xv] mais que les auteurs
relais pourtant à l’envie, « a en croire les descriptions d’Homère, les
concours sportifs existaient en Grèce dès le IIe millénaire » écrit dans
son
Histoire des Jeux Olympiques Françoise Hache
[xvi]. La
modification du vocabulaire ou l’adaptation du passé à un cadre idéologique ou
sémantique présent sont le signe d’une « révision historique » car ce
cadre donne à pensée des choses fausses sur des évènements qui sont connus
autrement dans le contexte d’une histoire comparative rigoureuse. Ainsi si nous
devons l’origine et la signification du terme de « sadisme » à Sade
tout auteur ultérieur qui évoquerait ce terme pour désigner une situation
antérieure à l’invention du terme serait dans une double imposture :
fabriquer un passé investi de représentations contemporaines serait nous faire
penser que l’on réfléchissait avant avec les cadres actuels de notre culture,
c’est aussi s’épargner l’effort de tenter de comprendre une société où tous nos
repères sont défaits.
Le roman des origines.
« la
vraie nature, qu’il faut à tout prix protéger contre les méfaits de la culture,
n’est pas celle qui a été transformée par l’art, et par là même humanisée, mais
la nature vierge et brute qui témoigne encore de l’origine des temps. Il est
impossible de comprendre l’écologie nazie si l’on ne perçoit pas qu’elle
s’inscrit dans le cadre d’un débat séculaire sur le statut de la naturalité
comme telle. »
Ferry Luc, Le nouvel ordre
écologique, l’arbre, l’animal et l’homme, éd. Grasset & Fasquelle,
1992, p.151.
Le sport serait le lieu
cathartique d’expression de la nature en l’homme – il y a une origine rêvée du
sport dans l’origine même de la nature humaine – vers le besoin d’exprimer par
son corps la voix de la nature - espace du langage animal, de cette langue
biologique qui autrement nous échapperait. Le sport permettrait de retrouver un
langage premier ou primal, celui de l’instinct et de la nature. Celui de
l’agression certainement – ainsi toutes les narrations sur les origines de
l’homme décrivent un univers où règne la puissance physique, l’empire de la
force qui à pour palais l’origine animale de l’homme. Cette agressivité est
donc l’effet de la nature en l’homme, la biologie est sa source, autrement dit
la vie elle-même – la métaphysique déjà pointe, car la vie se trouve
inexplicable, elle se constate mais elle ne se comprend pas réellement, on
approche son mécanisme par le vivant ou paradoxalement par le mort mais la Vie
peut devenir un principe métaphysique puisque le simple constat de
l’organisation mécanique des organes ne donne pas la vie : « le
cadavre conserve les mêmes organes que ceux qu’il possédait l’instant
auparavant, mais il est mort ». Le sport se constate de la même façon que
la vie, il lui serait lié par la même origine, autrement dit
« naturellement »
[xvii].
Il y a invention alors d’une nature sportive, d’un mythe du sportif originel,
le premier homme serait aussi le premier sportif : le sport à toujours
été, on trouve son apparition en même temps que celle de l’homme. Il y a
toujours lié au discours sur le sport l’omniprésence de l’origine – l’exercice
physique, quelque soit sa direction est rapportée finalement à l’esprit
sportif : déjà la lutte pour la survie est le prélude aux formes
contemporaines d’affrontements sportifs, le combat des hommes est ramené à la
boxe ou à la lutte, la projection d’un projectile au lancer du javelot ou du
marteau, bref tout fait sens pour le sport et finalement toute activité humaine
est son ancêtre. Le sport actuel n’étant rien d’autre que l’état dernier de
sophistication des techniques du corps, posant ainsi une continuité entre le
passé et le présent et établissant une grille de lecture de l’histoire à partir
du sport comme référent indispensable à la compréhension des événements
humains. Histoire linéaire donc, continuum de temps qui échappe aux
particularismes culturels de chaque civilisation, peuple ou ethnie. Il y a
toujours eu des sportifs c’est ce que clament tous les tenants de
l’institutions sportives. Ce phénomène serait aussi ancien que celui du
langage. Mais alors que l’un détourne de la nature l’autre serait sa survivance
dans un cadre désormais non plus animal mais proprement humain. Le sport serait
la saisie spécifiquement humaine de la nature. C’est cet événement qui est fêté
par les Jeux Olympiques.
Il y aurait
« une part maudite » dans cette proximité entre le sport et la
nature. En effet l’homme fête et reconnaît dans l’exploit sportif sa part
animale ou motrice, sa capacité à montrer sa force, sa puissance, sa
détermination. Le corps, le jeu de la musculature, la violence du corps en
action, la force animale. Et en même temps toute la couche de culture
sédimentée sur l’homme qui l’empêche d’accepter la crudité de son désir
d’affrontements et de victoires. Le sport doit donc être une activité asexuée.
Le sport délaisse le sexe, il ne retient de la nature que l’agressivité – qu’un
défoulement sans sexe – en taxinomie clinique on dirait que le sport est le
support idéal de l’hystérie – le refoulement du sexe y est tellement poussé
qu’on peut parler ici d’une névrose sportive – le fantasme de faire oublier par
le mouvement sportif cet autre mouvement, celui-là lascif, de l’acte sexuel. Conserver
une partie biologique en renonçant à la part maudite du corps, au sexe.
Faire en sorte que le l’exercice du corps
aille à l’encontre de l’exercice subversif du plaisir par le sexe : on se
souvient qu’en Grèce ancienne la participation déjà aux activités du gymnase
sert à renforcer l’appartenance à une Cité qui chasse la sexualité du côté de
la biologie, de la maison, de la femme. La fréquentation des gymnases
est la garantie d’obtenir « la poitrine robuste, le teint magnifique, les
épaules larges, la langue courte, la fesse grosse, la verge petite »
s’inscrivant ainsi en contre champ de ceux qui se livrant à la parole facile et
aux banquets auront « le teint pâle, les épaules étroites, la poitrine
resserrée, la langue longue, la fesse grêle, la verge grande.
[xviii] ».
Deux mondes se font face, deux esthétiques aussi, l’entraînement produit le
corps, la langue et la verge longues sont le signe d’une parole et d’une
sexualité abondantes car mal réglées, sans ordre, l’avachissement du corps
n’étant plus alors que le signe de cet abandon. Au contraire la vigueur du
corps dur est signe de cet effort pour sculpter le défenseur de la Cité.
La civilisation est comme une ville
[xix],
elle n’en finit pas d’intégrer et de modifier des bâtiments, on construit sur
les ruines anciennes, mais pour la conscience, au contraire du simple habitant,
rien ne se perd, tout est conservé, les anciens sites sont présents en même
temps et aux mêmes lieux que les nouveaux. Ainsi la rudesse des instincts
côtoie le raffinement de la culture, plus : la culture est bâtit sur le
même lieu que l’horreur et la destruction de l’autre.
Il n’y a pas de mystère de la barbarie chez
le peuple le plus raffiné, la culture n’est pas un rempart, juste l’intégration
des valeurs de groupe qui peuvent devenir dans l’exagération attribuée à la
valeur de ce groupe le dénie de toute présence humaine hors du groupe d’appartenance
ou de référence : le système nazi.
Le sport au risque de
l’histoire :
Durant la période hellénique
l’activité physique était à disposition de la guerre, l’exercice physique
devait fortifier le corps et l’esprit. L’objectif était la fabrication d’un
type d’homme alliant à la fois les qualités de l’esprit et celles du corps.
Mais nous sommes là dans un monde où la coupure dont nous parlions dans notre
introduction n’a pas encore eu lieu, les grecs anciens ne distinguent pas entre
âme et corps, comme la religion qui nécessairement est civile au sens où elle
s’accomplit dans le cadre de la vie pratique de tous les jours, les dieux sont
présents avec les hommes, en eux-mêmes souvent. Importer la figure de l’athlète
de la Grèce ancienne et le plaquer au monde du début du XXè siècle est une erreur
qui témoigne soit d’un esprit borné soit d’une intention maligne. La
combinaison de l’esprit borné et de l’intention maligne donnera le IIIe Reich.
Rendre plus fort, rendre insensible à la douleur, rendre sourd à la
pitié : nous avons là les trois axes de la préparation sportive dans le
système totalitaire nazie. Le bronze Prêt au combat montre un corps
musclé, énergique, la main sur le pommeau du glaive. La ressemblance avec les
statues grecques et romaines est présente, sinon un décalage. Alors que chez
les grecs il y a une ambiguïté du marbre, une grâce qui s’exprime jusque dans
la musculature, jusque dans le jeu souple des membres. Ici nul ambivalence, nul
flottement dans l’identité. La statue est massive, lourde, la musculature veut
évoquer déjà l’impitoyable. Et puis ce visage censé sortir de la nuit des
temps, des origines de l’homme qui a force de contractures de la mâchoire
semble formé d’angles droits, la bouche n’est qu’un trait. L’esthétique du IIIe
Reich ouvre le livre de la Nature pour y puiser des représentations, puis le
referme en prétendant avoir trouvé la source des Dieux : la race aryenne.
Hitler dans ses
Entretiens
avec Hermann Rauschning dira qu’il faut « opposer à l’histoire la
destruction de l’histoire ; destruction de l’histoire qui va rendre au
sang noble la place qui lui revient »
[xx] ;
et il peut poursuivre en mettant le « combat pour la race » au
premier plan de ses priorités. Cette race qui ne peut être à la fois pour
Hitler sémite et aryenne : « le juif… est beaucoup plus éloigné de
l’animal que nous Aryens. C’est un être étranger à l’ordre naturel, un être
hors nature »
[xxi] en
un sens toute la civilisation et avec elle la conscience serait une invention
juive. Ne voyant pas le paradoxe d’attribuer tout à ceux qui pour lui ne sont
rien, Hitler peut engager un combat contre les juifs au nom d’une lutte
naturelle ou plutôt d’une lutte pour réhabiliter la nature, on se souvient de
ces images de savants allemands regardant fascinés la lutte à mort de deux
insectes
[xxii],
telle serait le destin des espèces, une lutte à mort où il s’agit d’appliquer
l’aphorisme de Nietzsche énoncé dans la IIIe partie de
Zarathoustra
« Devenez durs ! »
[xxiii].
Mais on comprend aussi pourquoi les clubs sportifs sont interdits aux juifs dès
1933 (130 000 juifs sont chassés des clubs sportifs allemand cette année
là), les aryens sont les hommes de la nature, du contact physique direct avec
l’animal, donc avec le corps. Et le sport est le révélateur physique, il est le
« transparent » naturel, capable de laisser voir cette nature même
derrière le filtre de la civilisation. Il faut interdire aux non-aryens une
présence sur ce sol naturel qui serait légitimement leur seule propriété.
Détruire l’histoire et d’abord par le sport, par cette instrument qui permet
d’endurcir les corps et les esprits, le sport est ici penser pour rendre sourd
et aveugle, pour couper d’avec les « sens moraux », d’avec les
sentiments. Il est conçu par Hitler comme le prélude à l’extermination.
Le trouble sportif :
Le sport serait pour Todorov le prolongement
de l’héroïsme perdue des temps de l’affrontement. La société ne peut se
construire sans renoncer aux valeurs guerrières qui animaient autrefois les
hommes, en même temps elle fait réapparaître ces valeurs autrement, d’une façon
non plus utile à la conservation de la vie, mais cette fois inutilement à
travers des manifestations gratuites permettant l’exacerbation de ce qui doit
être ordinairement refoulé. Si « la sauvagerie du corps à corps est
civilisée dans la rivalité sportive »
[xxiv],
en apparence donc le sport reprend des valeurs de civilités, il serait
combinable avec la démocratie. Todorov oppose alors les « vertus
quotidiennes aux vertus héroïques »
[xxv],
les premières comprennent « la dignité, le souci, l’activité de
l’esprit », les secondes « la puissance, le courage, la
loyauté ». Elles sont appropriées aux temps de paix et indispensables en
temps de guerre « pour rester humains, en témoignent tous les exemples concernant
la vie dans les camps »
[xxvi],
les secondes exaltent un parfum de mort, elles sont sans souci autre que de
soi, « le beau geste » remplace les valeurs de solidarité et de
reconnaissance d’autrui. Bien sûr ces valeurs peuvent êtres parfois
« indispensables en cas de crise grave, de combat à la vie à la mort, de
révolte ou de guerre », toutes ces situations sortants du cadre normal de
l’expression politique plurielle et démocratique. Or si la guerre est une
solution, elle est coûteuse, le sport est plus avantageux, il permet tout à la
fois la manifestation de violence et sa neutralisation apparente par un
spectacle qui se veut à la fois pacifique et ludique, il célèbre les vertus
héroïques mais cette fois sans un
but
réel – disponible donc pour toutes les célébrations et interprétations, on
s’interroge encore aujourd’hui sur l’opportunité de la participation des nations
aux JO de 1936, comme à la coupe du monde de football en Argentine sous la
junte de Pinochet, et qui peut dire si les jeux de Pékin ne témoigne pas de
l’ouverture prochaine de la Chine ?
Quel lien entre « l’école de mécanique »,
où l’on torture, et ce stade à un jet de pierre d’elle où l’Argentine affronte
la France ? C’est précisément ce lien qui jamais ne va de soi avec le
sport, qui conduit au doute jusque dans l’évidence. Le sport profite toujours
d’un « flottement causal », il serait tout entièrement de liens sans
possibilité d’établir clairement un rapport entre l’activité sportive et les
phénomènes sociaux qui se déroulent à côté de lui, sans lui. Si un chanteur
venait dans le même stade et au même moment se produire on ne pourrait que
poser un jugement moral sur sa participation ou sa collaboration à la répression
de la junte militaire, de même pour un politicien ou pour n’importe qui – or le
sport échappe aux condamnations, partout, et dans les pires conditions souvent,
il s’accomplit sans que beaucoup s’insurgent d’une telle proximité entre son
spectacle et la dictature qui l’accueille. Plus, il devient le
lieu d’une promesse de jours meilleurs,
étendard d’une liberté en marche qui s’illustre déjà par la rencontre entre une
dictature et le pays des droits de l’homme . Le boycott est vilipendé comme non
responsable et non acceptable. Le sport n’est jamais dénoncé comme le moteur
d’une aliénation qui ne peut se perpétrer que par sa présence, plus qui se
fonde avec lui. La Chine devient plus acceptable avec les Jeux Olympiques, le
sport parviendra à réunir les peuples : le sport porte la mort avec un
habit d’Arlequin
[xxvii].
Lors d’une émission radiophonique
diffusée sur France Culture avec un spécialiste canadien de la discrimination
positive, deux exemples furent pris : le premier lors des Jeux Olympiques
de Mexico de 1968 où deux athlètes noirs américains, Tommie « Jet »
Smith et John Carlos, sur le podium du 2OO mètres baissèrent la tête et
levèrent le poing ganté (emblème du Black Panther) en signe d’opposition à la
politique ségrégationniste des Etats-Unis, le deuxième exemple est celui des
Jeux Olympiques d’Atlanta où
des jeunes
athlètes noires américaines levèrent fièrement la tête lors de l’hymne
américain, signe pour lui d’une intégration réussie de la communauté noire
américaine, et des progrès démocratique pour l’égalité des chances aux
Etats-Unis. Ces deux événements ne sont pourtant pas équivalents : dans un
cas les athlètes noirs sortent du sport pour délivrer un message
politique,
ils quittent « la
neutralité sportive » pour faire entrer les revendications dans tous les
champs de la société civile, les Jeux Olympiques deviennent alors une tribune
mondiale pour la cause de la « minorité noire » américaine. Dans le
cas d’Atlanta la fierté d’appartenance est strictement individuelle et ne prend
pas une figure générale ou universelle – la joie de ces athlètes n’est pas liée
à l’amélioration des conditions de vie des noirs aux Etats-Unis, mais à leur
sentiment personnel de réussite et d’intégration – autrement dit on fait parler
les athlètes comme des figures générales alors qu’ils affichent une position de
consensus avec une institution sportive étendard d’un « esprit
national » qui ne supporte plus aucune critique. Peut-être que ces deux
poings tendus vers un avenir meilleur ont sonnés le glas de l’innocence des
athlètes, désormais ils sont contrôlés idéologiquement, ils deviennent l’objet
de toutes les attentions et de tous les soins – les athlètes doivent s’engager
uniquement pour eux-mêmes et pour le sport, toute position politique est dictée
par un plan de carrière qui supporte le « politiquement correct » du
combat caritatif mais qui exclut l’engagement partisan ou militant. Pour un sur
le podium combien sont éliminés, déscolarisés, brisés dans des centres
d’entraînements pour les meilleurs, dans les clubs locaux pour les
autres ? Dans
Le Monde on trouve un article sur le film de Thomas
Carter
Coach Carter ou le sport est dépeint comme un puissant moteur
d’intégration quand il est inculqué par un entraîneur de talent. Celui-ci fait
signer un contrat aux joueurs qui devront poursuivre leurs études pour pouvoir être
dans son équipe. Le sport est ici pensé comme la dernière voie possible pour
une population noire en perdition. Le sport rattrape les inégalités politiques
et sociales, il faut encore associer ce sport bienfaiteur à l’éducation pour
obtenir une société plus juste. Alors le film s’engage dans un autre propos,
il « dénonce le consensus qui a cours
jusqu’au sein de la communauté noire, qui fait du sport un lot de consolation
accordé par le système scolaire, aux lycéen de couleurs qu’il rejette par
ailleurs »
[xxviii], il parviendrait
presque à ce constat que seule une éducation bien faite est à même de conduire
les hommes et les femmes vers l’égalité et la prise de conscience. Le film
pourrait donc conclure sur l’impossibilité de parvenir par le sport à un
quelconque progrès collectif.
De l’usage idéologique d’un terme
Nous pouvons observer que la
nature joue plusieurs rôles dans le champ sportif, elle est d’abord ce qui
permet de renvoyer le sport à une origine aussi lointaine que celle du langage,
confondant toutes formes d’activités sous la même appellation, elle deviendrait
bientôt la première forme d’expression humaine et pourquoi pas ce par quoi
l’homme est pleinement lui-même, une forme déjà nommée homo-sportivus
qui remplacerait l’homo-sapiens ou l’homo-faber à bon compte. Elle est aussi un
puissant moteur dans l’identification d’une façon strictement humaine
« d’avoir un corps » - car si la proximité avec la nature est
importante il ne faut pas que toute distance soit abolit – l’animal en effet
est son corps alors que l’homme est dans un rapport transcendantal à celui-ci,
l’homme se connaît comme possédant un corps. La pensée tournée vers le corps
est encore une manifestation de cette matière qu’est l’esprit. C’est encore
dans le corps qu’il faut séparer - l’espace du sport devient un espace visible
de séparation entre le corps et le bas-ventre, entre cette partie qui doit être
enseignée et renseignée et cette autre part qui est celle des entrailles, de la
sexualité et des excréments – nôtre part excrémentielle, notre part
semencielle. Et puis la peur de l’inaction, le risque de voir les enfants
corrompus par la conjugaison d’une imagination qui s’enflamme et d’un corps
laissé en friche. Le sport doit servir
tout à la fois de ceinture de chasteté et de camisole de force :
empêché la masturbation d’abord, empêché les troubles sociaux ensuite.
L’éducation sportive ressemble étonnement à une recette pour calmer l’amour et
les troubles – une exténuation du sexe par une dépense énergétique salvatrice. Le
sport est l’entreprise de mutilation du corps la plus grande dans l’histoire
des hommes avec cette autre qu’est la religion. Si autant de voix se lèvent contre
les actions mutilatrices ne devrions
nous pas aussi condamner une pratique sportive qui commande l’oubli de toute
une part de notre identité ? Ne devrions nous pas entendre derrière cette
recommandation du sport un appel à la fin de la sexualité, un rappel de l’ordre
moral et de la sécurité ?
Comme ces entreprises de
pacification sociale, contre le bruit, les pétards, les jeunes, que sont les
« gendargyms » ou autres variantes de la Police Nationale et demain
municipale. Encadrer les jeunes autour d’activités physiques, faire de la paix
sociale non plus un enjeu politique mais sportif. Dans l’arrangement des
conditions de vie des quartiers, dans la mise en avant d’une pensée sur ce
qu’est l’ordre et aussi le désordre, dans le la place de l’éducation dans la société
et pour le recul de la criminalité nous trouvons des enjeux de vie, lieu même
de l’expression d’un renouveau du « contrat social » ; montrer aux jeunes que les moniteurs
sportifs de la Police Nationale peuvent montrer la voie non délinquante de la
force physique. L’encadrement sportif permettant le contrôle dans le
temps, la diminution de la pulsion sexuelle traduite désormais en énergie
sportive avec pour avenir la suppression des conduites délinquantes. Pourtant
le spectacle offert par le sport de compétition semble bien éloigner de
l’objectif : jamais le sport n’a engagé autant de conduites asociales et
inamicales . Quitter la célébration sportive pour entrer dans le vif du
sujet : le sujet est un tout, comprenant un corps sexué et pensant. Faire
l’économie du sexe et de la pensée afin d’éviter la formulation du
problème : l’institution sportive est un ralentisseur démocratique. Le
sport nous dirige vers un collectif non démocratique. Vers un monde sans
égalité. Là est peut-être le pommeau de la discorde : le sport clame la
liberté, le politique réclame la liberté et l’égalité. La liberté est toute
d’entreprendre, elle suppose volonté et engagement, elle est conquérante. Elle
est nécessaire au politique mais dans un monde bien fait elle ne serait que sa
conclusion : une société démocratique suppose que tous ses membres soient
déjà égaux afin qu’il y ait une assurance sur la possibilité et la pertinence de
chacun à s’exprimer.
La Nature est le couvert des
riches, elle permet de légitimer ce qui autrement ne serait qu’un abus et une
spoliation. Au nom des origines on maltraite, on tue. Autrefois les monarques,
il y a peu le système nazi, et demain ? Le sport pourrait se prêter à une
nouvelle forme d’exploitation, en s’associant à la nature il deviendrait un
puissant moteur idéologique, mais d’une idéologie invisible, un fantôme de la
pensée – un spectre d’autant plus puissant qu’il est partout, trans-national,
et cependant en même temps dans l’espace
temps traditionnel, capable donc de devenir le représentant de tous les
nationalismes.
Conclusion :
Derrière les mots se cachent des
mondes, le travail de l’idéologie est de tenter de nous faire croire que le mot
est le calque du réel et non le réel une fabrication du langage. Notre attention doit donc être fixée sur les
actes de langage, sur notre façon de poser avec lui un monde. Et de dénoncer
certaines utilisations qui visent à recouvrir le réel d’ombres.
Le XXIe s’annonce comme celui des
« corpologies ». Le terme de corpologie désigne le processus qui fait
mettre en avant le corps pour le corps, un pouvoir du corps qui suppose une
forme de « métaphysique vide ». Ce concept plébiscite le corps et
affirme l’inutilité du recours à la pensée ou a l’idée ; dans le même
temps la corpologie implique tous les systèmes qui se servent du corps pour
susciter adhésion : le corps est alors un modèle, un paradigme presque, il
permettrait sans recourir au discours d’accéder à une plénitude de sens. Il
faut alors faire apparaître la genèse de cette transformation, ce passage de
l’idéalisme à la corpologie, par l’inventaire et l’analyse des champs
constitutifs de ce phénomène. Montrer que le support idéologique désormais
n’est plus du côté de « l’idée » mais du côté du corps – le sport en
est une des manifestations les plus patentes, mais cette monstration du corps
prend aussi des formes multiples dans l’échange marchand comme dans la sexualité;
de même il s’installe en politique sous la forme du dénie de la nécessité de la
réflexion et de la pensée. L’un des aspects de l’idéologie réside dans sa
prétention démesurée a être capable d’expliquer tout le réel, il y a alors une
forme de cristallisation des idées qui se figent en dogmes. Peut-être que le
destin de l’idéologie se trouve nécessairement dans la négation de la pensée
comme phénomène. Elle ne supporte plus ni l’objection ni la contradiction. La
corpologie tente de faire l’économie de toute forme de réflexion – le corps
sentant est autosuffisant dans le déploiement de ses expériences, le recours à
un être pensant n’est alors plus nécessaire ni légitime.
[i] Faye Jean-Pierre,
le
siècle des idéologies, éd.
Armand
Colin, coll. Agora, Paris, 1996.
[ii] Furet François,
Le
passé d’une illusion, Essai sur l’idée communiste au XXe siècle, Robert
Laffont/Calmann-Lévy, Paris, 1995, p370 cité in Faye, ibidem,
p.49.
[iii] Bloch Marc, La société féodale, éd.Vrin, Paris,
1986, p.11.
[iv] Le sport comme solution politique, le capitalisme va
se trouver en mal d’idéal et inventer de toutes pièces l’olympisme. C’est
l’analyse développée par Philippe Simonnot Simonnot Philippe, Homo sportivus, éd. Gallimard, Paris, 1988,
p.24,
« l’une
des clés de cette réussite formidable, qui a redonné vie à un rituel olympique
abandonné depuis quinze siècles est la transformation du capitalisme lui-même
dans les pays touchés par la Révolution Industrielle. Le capitalisme avait
besoin du sport, non seulement parce qu’il était à la recherche d’une morale
qui viendrait se substituer à l’idéologie défaillante de l’intérêt économique,
mais aussi parce que les patrons de la grande industrie accumulaient de tels
pouvoirs qu’ils étaient à la recherche d’une sorte de légitimité… (grâce au)
sponsoring sportif. » Cette analyse si elle est pertinente historiquement
souffre d’avoir presque vingt ans, le profit aujourd’hui est La légitimité, nul
doute que la réussite sociale soit devenue le signe général d’une supériorité,
bref une aristocratie du MEDEF a vue le jour, seul changement les titres de
noblesse ne sont plus donnés par le Roi mais par le peuple lui-même qui ne
laisse pas de saluer sa propre aliénation.
[v] Aristote,
Le politique,
éd. Vrin, Paris, 1989.
[vi] Extrait de Pierre de
Coubertin,
« L’Education Anglaise », in
La Réforme sociale,
livraison du 1
er juin 1887 (BN 8° R 4042), p.646, cité par
Jean-Marie Brohm dans
le mythe
olympique, éd. Christian Bourgeois, Paris,
1981, p.343.
[vii] Fondée sur le modèle de
l’anthropométrie judiciaire elle vise à dégager des types. Une anthropométrie
sportive se dessine dans le modèle corporel qu’impose le sport, quel sport pour
faire quel corps ? On peut déterminer la pratique sportive par un simple
regard, tout fait signe : la musculature, la taille mais aussi les
vêtements, les chaussures. Il y a une codification du corps qui accompagne une
fonction sociale du corps.
[viii] Emission radiophonique,
le 06 juillet 2005 sur France Culture,
La fabrique de l’histoire.
[ix] on trouve ce commentaire
paru dans le journal
L’ Illustration en septembre 1936.
[x] André Obey, L’Orgue
du stade, « Huit Cent mètres », éd. Gallimard, Paris,
1924.
[xi] Ferry Luc, Le nouvel ordre écologique,
l’arbre, l’animal et l’homme, éd. Grasset & Fasquelle, Paris, 1992,
p.147.
[xii] cette pêche répond à des
déterminations qui doivent être étudiées éthnologiquement et dont nous ne
débattrons pas ici car ils s’éloignent par trop de notre sujet.
[xiii] Publié dans l’Editorial
des
Chroniques en 1979 ce est repris par Luc Ferry dans son ouvrage
Le
nouvel ordre écologique, l’arbre, l’animal et l’homme, op. cit.
[xiv] voir à ce sujet Klemperer Victor, LTI, carnet d’un philologue, éd. Albin
Michel, coll. Agora, Paris, 1996.
[xv] et pour ma part, art. 2
[xvi] Hache Françoise, Jeux
Olympiques, la flamme de l’exploit, éd. Gallimard coll. Découvertes, Paris,
1992, p.12. Cette reprise ne doit pas faire oublier que Françoise Hache
conserve tout au long de ses explications une distance critique et l’esprit qui
l’accompagne.
[xvii] Qu’il nous suffises ici
de renvoyer une fois de plus à Jean-Marie Brohm qui traite en détail de la
question dans
Le mythe Olympique, éd. Christian Bourgeois, Paris, 1981,
p.52 et suiv.
[xviii] Aristophane, Les Nuées, v.1010-1018, trad.
Debidour, éd. Les Belles Lettres, Paris, 1952. Cette citation est extraite,
tout comme l’analyse qui la suit, de
l’article « La religion olympique »
Thierry Novarese) paru dans le
n°1 de la revue Illusio, L’olympisme, sous la direction de Patrick
Vassort, Caen, mai 2004.
[xix] Nous reprenons cette
métaphore à Freud qui la développe dans
Malaise dans la civilisation et
la transposons à l’univers sportif.
[xx] Nous trouvons ce passage à la page 24 du livre de
Faye Jean-Pierre, Le siècle des idéologies, éd. Arman Colin, Paris,
1996.
[xxi] Faye, ibidem, p.26.
[xxii] dans Le regard
du docteur Pannwitz, documentaire de la cinémathèque de Fribourg, Allemagne, 1991, et aussi dans l’ouvrage de
Konrad Lorentz L’agression, Une histoire naturelle du Mal, éd.
Flammarion, Paris, 1963, qui laisse supposer dès le titre une naturalité de
l’agression et son assimilation à un jugement moral, au moins dans sa
traduction française.
[xxiii] Jean Pierre Faye, opus
cit., p.28.
[xxiv] Brohm Jean-Marie, Le mythe olympique, éd.
Christian Bourgeois, Paris, 1981, p.146.
[xxv] Todorov Léon, Face à l’extrême, éd. du Seuil, Paris, 1994, p.116.
[xxvi] Todorov, ibidem, p.116.
[xxviii] Le Monde du
mercredi 17 août 2005, p.21.