Problématique : Être libre, est-ce faire ce que l’on veut ?
Introduction : A la question, nous répondrions d’abord qu’il y a
une évidence de la liberté qui est celle même de mon existence. Pourquoi poser
cette question alors même que tout m’indique que je suis libre d’agir ou de ne
pas agir, libre de dire ou de me taire, libre d’aller à droite ou d’aller à
gauche, mais derrière l’évidence de la réponse se dissimule des problèmes.
Premièrement il y a des obstacles devant moi, d’abord des obstacles physiques.
Ce rocher qui est placé devant ma route me contraint à me détourner. De même,
on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, c’est-à-dire que l’eau
change ou/et que je change. L’obstacle temporel produit une
Irréversibilité de l’action, ce qui est
fait ne peut être défait. L’agir ou le non agir suppose que je connaisse la
motivation de mon action, les paramètres qui sont ceux de l’action d’autrui. En
d’autres termes, seule une omniscience de l’action, un géométral permettrait une action réfléchie et conforme
à une action mais là encore on peut s’étonner d’une restriction de la liberté
au champ de la connaissance. Car enfin être libre n’est-ce pas voir le meilleur
et faire le pire ? C’est-à-dire s’engager volontairement dans une action
qui prouve ma liberté ou peut me perdre. Mais ce que nous venons de présenter
comme obstacle peut devenir l’occasion même de la liberté, car si je ne peux en
battant des bras voler, je vais trouver le moyen intellectuel et matériel de
rompre avec la loi de la chute des corps, ce sera l'invention technique de l'avion. La technique et la science seraient
en ce sens des manifestations de la liberté. Ainsi le rocher est l’occasion de
la technique de l’alpinisme, il y a donc dans le rocher la possibilité de
l’intégrer comme condition de liberté. On peut passer du rocher à l’Everest où
le dépassement de soi devient la mesure de la liberté humaine. De même l’action
peut être l’occasion du remord, du conflit moral mais aussi du repentir, c’est alors
le vœu d’agir autrement à l’avenir. La question de la volonté est le pendant de
la question de la liberté. C’est la question de l’identité qui se pose à travers
l’action. Nous serions tenté alors de poser que la liberté ce n’est pas faire
ce que l’on veut mais vouloir ce que l’on doit en plaçant volontairement la
question de la liberté du côté de l’observation des règles morales. Car enfin
la question de la loi irradie celle de la liberté, la loi est-elle un obstacle
à mon agir ou le tremplin qui permet l’intégration de la liberté dans le champ
social ? Mais là encore c’est de l’appréciation de la loi surgit la
liberté, obéir aveuglement n’est-ce pas défaire la liberté ? Mais ne
faut-il toujours saisir individuellement la loi pour la construire ?
I-Les figures
de la liberté
a-La liberté
absolue
La liberté est le plus
souvent comprise comme une liberté totale, une licence. La liberté absolue est
le pouvoir de faire ce que je veux mais la formule liberté absolue renvoie à
une autre signification portée par Descartes, elle est pour lui : « La liberté absolue est le
pouvoir de débuter absolument une action sans exemple ». Cela
signifie qu’il faut produire une action parce qu’elle est sans exemple est sans
cause, la liberté absolue serait capable de rompre avec la chaine de
détermination. Il s’agirait donc d’une action qui interromprait la chaine
cause/conséquence, à partir d’elle inaugurerait une nouvelle causalité.
L’exemple de Descartes est celui du Christ, il va donc chercher au-delà de
l’humain pour produire une liberté qui échapperait aux limites humaines :
le Christ passe à travers les murailles, il n’est pas assujetti à la matière (liberté physique) et il revient
d’entre les morts (liberté temporelle), il n’est pas assujetti à la génération
et au modèle de l’humanité. Bien sur aujourd’hui cette position est éloignée de
nos repères culturelles mais ce qu’il faut retenir c’est que la liberté absolue
doit se comprendre comme une possibilité sans limites, en un sens le concept de
Dieu ici est régulateur c’est-à-dire il permet de comprendre la limite extrême
de la liberté. Si on interroge de son point de vue de son application humaine
il est possible de trouver des exemples. La révolution épistémologique (logique
de la connaissance) a des parentés avec la liberté absolue, dans le passage de
Ptolémée à Copernic nous passons d’un monde clos à un univers fini en pleine
expansion à partir duquel une nouvelle causalité s’engage et le retour en
arrière est impossible. Les révolutions épistémologiques sont des moments de
séismes où les anciennes vérités sont remplacées par des nouvelles vérités,
c’est faire fi du processus d’élaboration de la théorie, ici le bouleversement
est radical, causé et élaborée par un siècle de recherche mathématique. Nous
fabriquons de la spontanéité avec du déterminisme or la particularité de la
liberté absolue puisqu’elle doit échapper au déterminisme c’est qu’elle n’est
pas anticipable. Mais quelle peut être la valeur d’une action que je n’ai pas
réfléchie ? Comment même m’attribuer un fait auquel j’ai participé en tant
que simple spectateur ? On peut trouver un exemple humain c’est celui de
l’art, l’art permet aux spectateurs d’éprouver un choc esthétique, forme de
révolution épistémologique interne où je me transforme par la contemplation de
l’œuvre. Ainsi il y a une entrée de la liberté absolue où entre bête et Dieu
nous positionnons une liberté proprement humaine. La liberté absolue constitue
par Descartes le sommet de la liberté. La liberté absolue est cette capacité à
se déterminer sans cause sans raison, d’être capable malgré toutes les raisons
d’aller contre toutes les raisons. Ensuite vient la liberté déterminée.
b-La liberté
déterminée
L’expression liberté
déterminée peut s’entendre en deux sens. Premièrement, le terme déterminée non
la liberté mais la volonté autrement dit je suis déterminé à atteindre
l’objectif fixé. En ce sens la liberté déterminée s’atteint en même temps que
son objectif.
Cause --------) Fin
mais pour commencer une action la représentation de la fin est déjà nécessaire, donc la fin est en un sens le moteur de l'action et non son but / en d'autres termes la cause est l'anticipation de la fin et les moyens sont alors la véritable fin puisqu'ils permettent la réalisation concrète de cette dernière.
Fin= somme intégrante
des moyens
Moyen= fin
« La fin justifie les moyens »=tout
est bon pour justifier la fin / cette expression devient de fait impossible et contradictoire
Dans ce cas la fin de
l’action est nécessairement anticipée par une intention de la volonté mais si
l’intention est déjà la marque d’une finalité non réalisée alors l’intention
est la cause de l’action. La cause motrice et les moyens que je déploie sont alors
la fin réelle de l’action à partir desquelles je vais atteindre ou non le but
initial. Ici nous sommes invités à redéfinir la finalité, la fin est la somme des moyens,
nous sommes ce que nous faisons. Ici il y a inversion moyen et fin, la fin est
cause et les moyens sont fins. Deuxièmement, il a formulé la liberté déterminée
peut aussi signifier que nous lions dans le même mouvement liberté et causalité
semble paradoxale. En effet la causalité c’est le fait que chaque cause engage
un effet et un sol. On appelle cela le déterminisme mais le déterminisme
lui-même a un deux sens. Il y a un sens scientifique, physique mais on parle
aussi du déterminisme du destin. On appelle cela la providence divine. C’est le
fait que chaque épisode de ma vie est déjà écrit. Chéri Bibi se promène sur les
quais avec un couteau lorsqu’il croise un passant, il l’éventre en disant « fatalitas ».
Ici il y a une forme de jésuitisme de l’action. On se souvient lors de l’appel
Dieu Louis XIV interdit les duels privés, les jésuites posent si les duels sont
interdits on peut au petit matin aller dans les prés et si quelqu’un sort avec
une arme on peut le tuer. Ici l’évocation de la fatalité par Chéri Bibi que sa
volonté n’est pas impliquée. Dans le cas de la providence, le tremblement de
terre de Lisbonne mettra fin à l’argument, l’Eglise justifie le tremblement de
terre par les péchés des hommes. Sade tournera en ridicule l’argument en posant
s’il voit une personne se noyée et qu’il a le pouvoir de la sauver, il la
laisserait se noyer. S’il va la sauver il tuera quatorze personnes. L’argument
de la providence rejette toutes actions. En fait, la solution de la formule de
liberté déterminée réside précisément dans son apparent paradoxe. Si une cause
engage un effet et un sol alors la connaissance de toutes les causes me
garantit la connaissance de tous les effets. Or si ce n’est pas l’intention
mais la réalisation qui compte alors je suis d’autant plus libre d’autant je
connais d’effets. La liberté déterminée suppose que plus j’ai le choix moins
j’ai le choix autrement dit devant la profusion possible de choix la liberté ne
consiste pas à ne pas réfléchir mais à réfléchir mon action de façon à agir sur la
bonne cause pour atteindre le bon effet, ainsi moins j’ai le choix plus je suis
libre. Aussi accepter les contraintes, les comprendre c’est distinguer entre
vraies et fausses causes, la limitation de mes possibilités sont le gage de mes
disponibilités réelles.
c-La liberté
en situation
La liberté en situation
est la saisie proprement humaine de la liberté. La liberté ne se pose pas pour
moi dans une entrée simple mais dans une entrée multiple. Je suis construit par
les événements d’autant je suis capable de les créer. Il y a donc un cadre de
l’histoire dont je ne peux échapper. De même mon cadre intérieur n’est pas
cadre absolu. Je suis traversé par des états, des désirs, des émotions, des
contraintes qui me contraignent à choisir alors que je me crois libre. La
liberté en situation maintient en tension les contradictions de la liberté
ainsi la liberté absolu me dévoile dans l’action sans anticipation de ma propre
liberté, la liberté déterminée au contraire freine l’action dans l’attente
toujours reportée de géométrale des causes. Peut être faudrait-il utiliser le
concept de liberté en mécanique pour comprendre la position intermédiaire
qu’est la notre ? La
liberté en mécanique est le pouvoir qu’a un système de se mouvoir ou de se
déformer. Son archétype est celui de la machine vapeur. L’énergie
fournie à la machine par le biais du tapeur conduit à la nécessité d’une
évacuation qui vient impulser le mouvement mécanique des roues. Alors la
liberté consiste dans la plasticité du système, dans sa capacité à absorber des
éléments de les modifier ou de les restituer. Il s’agit donc d’un troisième
niveau de la liberté qui est à la jonction de la liberté absolue et de la
liberté déterminée et au-dessus de la liberté d’indifférence. Cette liberté
d’indifférence est décrit pas Descartes avec l’âne de Buridan. Un âne placé à
égale distance d’un picotin d’avoine et d’un seau d’eau et ayant également faim
et soif se trouve en liberté d’indifférence incapable de choisir il se laisse
mourir de faim et de soif. Mais cette liberté d’indifférence est celle du non
choix or l’animal est toujours entrain de choisir car il est guidé par
l’instinct métaphoriquement l’âne est l’Homme lui-même. Nous sommes les seuls à
oublier l’instinct.
II-Les
applications de la liberté
a-Texte 3
p.515
Sartre débute son
argumentation en tenant l’argument utilisé contre la liberté. Nous serions les
produits d’un environnement, les déterminations de notre classe sociale, de
notre famille, de notre personnalité, de l’histoire pèseraient de toute leur
force. Nous serions que le résultat d’un déterminisme qui empêcherait une manifestation
de la liberté. L’échec dont parle Sartre est celui de la liberté individuelle.
Il y aurait de la liberté que pour un groupe social ou un état. Sartre pose
ainsi que l’argument du déterminisme selon lequel les actions nous
détermine « le climat, la terre, la langue, l’histoire » est
contrecarrer par ce même qui le pose. Ainsi Descartes pose à la fois l’infinie
de la liberté (liberté absolue) et le fait qu’il vaut mieux « se
vaincre que la fortune ». Descartes pose dans la même idée que la volonté
des hommes est supérieure aux événements, notons ici que le 17ème
siècle inaugure aussi que l’individualité comme ressort de l’action et en même il
y a un tissu de causes et d’effets auquel nous ne devons adhérer. Mais
l’argument essentiel de Sartre c’est que les choses existent dans leur
adversité ou leur bienveillance que par un acte de notre propre volonté. Il y a
une neutralité axiologique des choses. Sartre peut donc poser que c’est la
technique elle-même qui propose un rapport aux choses, l’absence de techniques est dans ce cas le rocher qui est un obstacle
où la présence de la technique de l’escalade est l’occasion de vérifier ma
liberté en accédant à une maitrise du rocher et du panorama. Sartre est dans
une lecture phénoménotechnique du rapport de l’homme à l’environnement. La phénoménologie étant la
reconnaissance que seul le phénomène ou l’apparition permet la liberté.
Ici la phénoménologie s’oppose à l’idée de profondeur, d’essence.
Transcendant |
METAPHYSIQUE immanent Physique
Etre
Existence
-Définition
des choses -Absence de définition des
choses
PROFONDEUR
SURFACE
-Invisible
-Visible
ESSENCE SENS
QUALITE QUANTITE
« Mieux vaut
changer l’ordre de ses désirs que l’ordre du monde »
Descartes
L’acte philosophique
celui que Platon opère réside justement dans une inversion dans l’importance du
visible et de l’invisible.
b-La mauvaise
foi
Sartre pose à la fois dans la nausée et dans l’être et le néant. La
sentence d’un homme condamné à la liberté, la liberté vient se confondre avec
la définition de l’homme mais la phénoménologie vient en même temps inaugurer
une nouvelle conception de l’identité. Sartre distingue entre l’en soi et le
pour soi, l’en soi est l’être ou la chose, l’être étant auparavant du côté de
l’essence, de même que la chose engage une unité. La conscience devient le
symbole de la liberté car elle a cette particularité d’être entre moi et
l’objet, la conscience étant ce moment de déplacement de ma volonté à un objet
et du déplacement lui-même vers un autre objet. Husserl nomme ce déplacement l’intentionnalité de la
conscience : toute conscience est conscience de quelque chose y
comprit quand elle me prend moi-même comme objet. Ainsi la liberté est du côté
de la conscience, la liberté est un pour soi et non un en soi ce qui signifie
que je choisis l’identité de l’être, je me chosifie ainsi je bloque tous
moments de liberté. Sartre fait au chapitre deux de l’être et du néant,
il fait l’analyse de la honte. Il dit que le regard d’autrui fait surgir la
honte, si on me surprend entrain de voir
dans le trou d’une serrure. A ce moment là, il me surprend dans une posture où
j’ai honte parce que j’étais entrain de me servir d’autrui comme objet et ainsi
me surprenant je deviens moi-même un objet. Ce que Sartre ne dit pas ici c’est que aussi le moment de la prise de
conscience où je sais à la fois que j’ai supprimé la liberté d’autrui en même
tant je supprime ma liberté.
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