Philosophie

Mise à disposition d'un matériel permettant de travailler les cours de philosophie.

jeudi 27 mars 2014

La nature - 2/3 - cours



La nature - suite -

L'écologie, une défense de la nature ?

Il faut distinguer l'écologie de l'environnementaliste : l'écologie n'est pas qu'une défense de la nature elle peut-être aussi son apologie - elle revendique par certains de ses courants (les plus extrémistes) l'égalité des droits entre les hommes et la nature (animaux, végétaux, minéraux). L'écologie profonde fait de la défense de la nature une arme contre l'homme. L'environnementaliste pour sa part est une réflexion sur le milieu le plus propice à l'évolution de l'homme, l'intérêt pour l'environnement est donc d'abord un intérêt dirigé vers le bien être de l'homme qu'il faut protéger jusque dans son "milieu naturel". On peut agir sur le milieu extérieur, dans sa préservation, pour vivre dans les conditions les meilleures - ici l'homme occupe la place centrale.

Opposition de la forêt et du jardin

Le jardin est tout entier dans la figure de Voltaire, la nature n'a de valeur que transformée par la main de l'homme, le jardin est le lieu où le savoirs de l'homme s'applique sur la nature; les végétaux y sont pliés, modelés, sculptés, présentés... L'ordre des jardins à la française reproduit l'ordre de la raison. Au contraire l'apparent désordre des jardins à l'anglaise est la peinture des sentiments qui agitent le coeur des hommes, tableau des passions, tableau des sens...

La forêt est "naturelle",  elle engage un éco-système, une autonomie dans sa création et sa perpétuation, cycle en éveil de la regénérescence du milieu par lui-même. L'homme est dans ce cadre inutile sinon nuisible, cet environnement est autosuffisant.  L'homme de la forêt est incarné par Rousseau, lors d'une promenade où il goûte le charme de la nature par la contemplation de son spectacle forestier, soudain, au détour d'un bosquet, il croise une manufacture et c'est le désespoir qui s'abat sur lui. Alors qu'un homme des lumières se réjouirait de ce spectacle, Rousseau s'en lamente - ici il faut peser et comprendre que c'est la nature qui écarte Rousseau du processus des lumières. Mais la nature de Rousseau est aussi un temple pour lui, un sanctuaire, la "sauvagerie" possible des lieux y est toujours tempérée par l'amour, la mélancolie, le charme... Au contraire Sade ne voit dans la nature que la destruction qu'elle porte en même temps que sa puissance. Alors qu'il est "embastillé" il se fait porter une gravure représentant le Vésuve. Ce que Sade aime dans la nature c'est sa capacité de destruction, les volcans illustrent cette force et cette démesure qui sont les caractères du grand libertin. Il faut que la nature soit entièrement en irruption pour qu'il y trouve un intérêt - seulement lorsque la nature entre en orgasme alors Sade peut y trouver de l'intérêt et une parenté. Au contraire la sexualité est une ellipse dans l'oeuvre de Rousseau, il se garde bien de quitter le sentiment de peur de croiser le loup au coeur de la forêt.

La nature prend donc chez Rousseau la forme de la "polis", il ne s'agit pas d'en revenir à une pulsion sexuelle qui menacerait le social de désagrégation, le modèle est celui du coeur, c'est-à-dire du sentiment moral et de la vertu. Ce que Rousseau cherche dans la nature c'est bien la pureté, le chemin foulé dans la forêt est toujours celui de l'amour simple des choses, de la fusion... bref de la relation tendre que Rousseau cherchera tout au long de sa propre existence. Sade ne voit la nature lorsqu'elle entre en orgasme et détruit le monde.

La nature de Sade n'est pas celle de Rousseau, ici aucun frein, aucune vertu, dans Justine il n'arrête pas d'arrivé malheur à ceux qui suivent les prescriptions de cette "bonne nature" que Rousseau affectionne -  et ce à la plus grande joie des libertins. En un sens tout ce qui arrive à Justine arrive à Rousseau, ce dernier est l'ennemi déclaré de Sade qui déteste en lui cette forêt qui ne serait en fait qu'une prairie romantique.



dimanche 23 mars 2014

La nature - 1/3 - cours -



La Nature

Il y a une grande polysémie du terme "nature" :
- la nature comme essence, comme définition d'une chose, ce qui est premier, originaire. Il s'agit ici d'un sens métaphysique.
- la nature au sens de "phusis", comme physique des objets et des êtres, comme objet d'études et de connaissances. Nous sommes ici dans une physique "naturelle" qui s'oppose à la métaphysique. Nous sommes dans le visible et non dans l'invisible.
- la nature au sens de monde qui comprend tous les objets et les êtres.
- la nature dans son opposition à l'artifice, la nature comme tout ce qui n'est pas produit par la main de l'homme. La nature comme sans artifice, authentique, "pure". 
- la nature au sens de "caractère", lorsque l'on dit de quelqu'un "c'est une nature", spécifie le propre de l'individu et suppose aussi souvent la force. 

L'homme dans la nature :

L'homme est dans la nature, il en est une composante, il en fait partie comme toutes les choses et les être du monde. La nature est ce qui fait être, ce qui fait advenir au monde - étymologiquement elle provient du terme nasci qui signifie "naître". En même temps cette origine du terme peut renvoyer à des caractères figés, une identité fixe. 

Mais l'application du concept de nature à l'homme ne va pas sans difficultés : alors que l'animal ne semble pas bénéficier de progrès spectaculaires tant dans ses évolutions génétiques que dans son organisation sociale, au contraire l'homme se transforme et se perfectionne. Les réactions humaines semblent liées à des déterminations culturelles : l'homme se modifie sans cesse et son libre arbitre lui permet de faire des choix. Il travaille le donné dont il est issu, il construit sa propre identité. D'où la grande diversité des cultures et des peuples. 



L'homme comme être de culture :

La main est cet "outil d'outils" (Aristote) qui met toutes choses à disposition des hommes : alors que chaque animal n'a qu'un mode de rapport au monde, qu'un mode de défense (les griffes, la dent, la corne...)  et donc qu'un mode de présence au monde, l'homme a une plasticité de ses déterminations - sa main peut devenir tour à tour griffe, serre, dent... L'absence d'assignation technique, l'absence d'une prédétermination technique permettent à l'homme d'occuper toutes les places, d'assurer toutes les fonctions. La technique engage l'homme dans un rapport médiatisé au monde, l'outil devient intermédiaire entre lui et le monde, en même temps qu'une occasion de réflexion sur la nécessité de cette mise à distance pour le maîtriser. 

Par le biais des techniques l'homme dispose de son environnement, il ne s'adapte pas au monde extérieur mais plie le monde extérieur à ses propres besoins. Il fait plier l'environnement à ses contraintes intérieures. Ainsi le chauffage, les vêtements... permettent aux hommes d'occuper tous les espaces et de s'adapter au climat par l'intervention des techniques. L'homme est présent sous les climats les plus rudes alors que l'animal ne peut survivre que dans un environnement particulier, l'ours blanc ne peut survivre sous un climat tropical. La culture est le nom donné à ce mode d'appropriation du monde extérieur et à l'opération de transformation du monde extérieur et hostile en un monde intérieur domestique et bienveillant. 



La différence nature / condition : 

Au contraire d'une nature la condition suppose un état d'instabilité et des modifications possibles : la condition est liée à un état social -> on parle de la condition du salarié comme liée à l'effet des forces productives, la condition suppose un statut provisoire et modifiable car la transformation des conditions extérieures permettra une redéfinition du salarié dans sa condition. Alors que la nature suppose un milieu intérieur fixe et sa combinaison avec un milieu extérieur déterminé, au contraire la condition est liée à des contraintes extérieures qui déterminent provisoirement l'identité du sujet. La condition vaut donc dans un cadre particulier. En même temps alors que l'on ne peut que plier devant le commandement intérieur de la nature (comme l'animal qui répond au jeu complexe des instincts), la condition permet de faire jouer la volonté et avec elle le libre arbitre. La condition n'est pas une fatalité mais un élément sur lequel on peut agir. La condition engage donc l'homme comme producteur de sa propre identité. La condition n'est pas statique mais plastique (mouvante), l'histoire devient alors terrain de luttes. Par exemple la révolution française annonce le début de l'ère industrielle par l'avénement de la bourgeoisie, par le déclin des corporations et l'invention du salariat. Ce qui disparaît alors c'est à la fois l'excellence dans le travail du maître artisan mais aussi le servage pour la paysannerie. 

mercredi 5 février 2014

La culture - la technique - les échanges ( 2 ) cours pris par un élève



L’invention de la modernité va correspondre à un modèle politique qui va se fonder sur une transformation du politique et avec lui les échanges. Platon dans les lois tente de définir une société idéale. Elle serait constituer de quatre travailleurs fondamentaux : l’agriculteur, un boulanger, un maçon, un cordonnier. La question que pose Platon c’est faut-il que chacun de ses travailleurs soit capable de faire toutes les activités et d’être tour à tour maçon, … ?

En fait, Platon s’interroge sur la production de la richesse et répond qu’il y a un avantage à la division des métiers.

-Premièrement car il y a une pente naturelle qui nous oriente vers tel ou tel travaille, le meilleur travailleur étant celui qui aime ce qu’il fait.
-Secondement l’excellence dans le travaille suppose une spécialisation. Celui qui occupe quatre fonctions ne pourra pas exceller dans chacune.
-Troisièmement il y a un gain de formation dans l’adoption d’une spécialisation. Former quelqu’un à quatre métiers suppose énormément de temps.

La conclusion de Platon est donc l’avantage à la division des métiers car « il faut frapper le fer tandis qu’il est chaud » Aristote. Ce qu’Aristote veut dire c’est qu’on ne peut être au four et au moulin. Il faut être disponible pour la tâche qu’on veut accomplir or si le fer est chaud et que le blé doit être moissonné, que le ciment est frais. Aucunes de ces tâches seront faites convenablement. Il y a un temps du travail qui est le juste temps, cette construction de la spécialisation des tâches conduit immédiatement à la rémunération des travails. Les grecs proposent de distinguer entre les échanges et la chrématistique.


  


Les grecs posent une priorité du politique sur l’économique ayant pour eux la signification de l’échange donc du troc. Mais il y a une logique à cet été de fait, la société esclavagiste donne peu de valeur au travail. Il y a une soumission de l’économique au politique. La question de la valeur d’une marchandise se pose comme une question de temps de travail et d’immobilisation de celui-ci dans la matière. Il y a un travail simple et ici nous reprenons les analyses d’Adam Smith qui pose que ce travail simple est celui opéré par l’ouvrier le moins qualifié qui engage l’opération la plus simple. Pour obtenir la valeur d’un ouvrier spécialisé il suffit de multiplier le travail simple par des éléments que nous avons déjà explorés, la formation, la compétence… Ici nous sommes dans la valeur d’usage qui se distingue de la valeur d’échange. L’échange pour sa part disparait devant la chrématistique alors que l’échange entourait l’équivalent universel (argent)  de marchandise, désormais c’est la marchandise qui est entourée de deux sommes d’argent. Plus loin l’argent devient autonome et fera disparaitre la médiation de la marchandise, désormais l’argent produit de l’argent. Les échanges financiers prennent la place du travail productif, le mouvement s’est initié avec la dématérialisation de l’argent et la construction des flux d’échanges sur la confiance. On peut dire qu’un krach boursier est le moment où la confiance est brisé où les personnes réclament leur argent réel. A partir de là l’État est lui-même en faillite, cette logique chrématistique est aussi celle qui nait de la société industrielle de la multiplication fantastique des flux et d’une circulation qui ne peut plus être dirigée par le politique. 

b-L’industrie, les échanges, la technique

La chrématistique inaugure une société de l’échange où le commerce doit conduire à la paix, l’exploration des mers permet d’enrichir les états d’Europe. Le passage d’une économie féodale à une économie industrielle est effectif dès le XXème siècle. Marx distingue à cette époque manufacture ouvrée, manufacture sériée. Une manufacture ouvrée est le fait de confier à des travailleurs une tâche particulière dont ils doivent s’acquitter sur leur lieu d’habitation. La manufacture sériée étant le fait de déplacer le travailleur sur un unique lieu de travail où l’activité est regroupée. Or la manufacture sériée coûte plus cher qu’une manufacture ouvrée, il faut prouver qu’elle est rentable. Ce sera la démonstration d’Adam Smith sur la fabrique d’épingles. On prend dix-huit travailleurs et on confie à chacun la tâche de fabriquer des épingles pendant dix heures, de la matière au produit fini. Chacun à la fin de la journée a fabriqué 300 épingles. On multiplie donc 300 par 18, on obtient donc 5400 épingles. Maintenant on prend les travailleurs que l’on met sur une chaîne de fabrication en divisant la fabrication en dix-huit étapes. Nous sommes ici dans la division du travail or, de cette façon on dénombre 35 000 épingles par jour. La preuve est faite, la division des tâches permet une augmentation quantitative de la production.

Ainsi la plus value engage le bénéfice de l’entreprise en même temps qu’une absence de revenu, un temps mort pour le travailleur. Marx est le premier qui formalise cette perte en montrant que le travailleur est pris par l’entreprise pour une marchandise. Le travailleur est une denrée comme une autre dont on achète une portion de temps, sa vie est alors à disposition du producteur. Marx distingue alors entre « poïesis » et « praxis » autrement dit entre travail aliéné et travail réalisant. La poïesis est l’acte de faire sans retour vers le travailleur autrement dit le travailleur est coupé de son travail. La praxis au contraire est le moment où il y a un retour du travail vers le travailleur, c’est le moment où en faisant je me fais. Marx produit une critique de l’échange à partir de la critique de la spoliation du travailleur qui n’est pas rémunéré pour son travail réel, ainsi « alors que l’ouvrier produit toutes les richesses le palais la soie, l’or il habite dans une cave, il est habillé de hardes et il a une monnaie de billot ». Le travail semble ici être une malédiction, il faut entendre sa double nature pour un partie il est libérateur car il permet de modifier la nature extérieur et ainsi de se modifier soi-même, mais aussi il est comme l’étymologie le fait savoir un instrument de torture à 3 pieux « tripalium ». Le travail est ainsi marqué religieusement comme une punition, la chute du paradis précipite l’homme dans le travail avant la terre livrait spontanément ses fruits, des fontaines de nectars étaient à notre dispositions. Le fruit du désir charnel conduit l’homme et la femme à être chassés du paradis. L’humanité qui s’inaugure alors est celle de la souffrance et de la survie. On retrouve cette position dans la Grèce ancienne où le travail manuel est considéré comme infamant. On retrouve jusqu’aujourd’hui cette distinction entre travail intellectuel et libérateur et un travail manuel aliénant car lié à la matière. La plus belle expression s’en trouve dans le mythe de Prométhée.



c-Le mythe de Prométhée

Prométhée occupe une position particulière dans le panthéon des dieux, c’est un titan qui ne prend pas part à la lutte entre Chronos et Zeus. Dans le mythe de Prométhée les hommes et les dieux vivent ensemble, les hommes ne meurent pas et ne connaissent ni maladie ni souffrance. Zeus décide qu’un partage doit être fait entre les attributs des hommes et des dieux et va chercher Prométhée pour faire le partage. Ce choix est en soi une interrogation car Prométhée n’a pas d’affection particulière pour Zeus et aime les hommes. De plus, son nom signifie le prompt, le vif, le rusé il est donc le contraire de son frère Épiméthée signifiant le lent celui qui comprend toujours trop tard. Prométhée va donc accomplir le partage il va faire deux lots, pour cela il accompli un sacrifice. Il prend un bœuf qu’il découpe en deux, la ligne de partage étant la ligne de partage des attributs. Le premier lot est constitué de la panse de l’animal qu’il va remplir de toutes les parties comestibles de l’animal. Ce lot est laid à l’extérieur et bon à l’intérieur. Un deuxième lot est constitué de toutes les parties non-comestibles (os, nerfs, …) sont rassemblées dans un graisse alléchante. Le deuxième lot est donc bon et beau à l’extérieur et mauvais à l’intérieur. Prométhée porte dans chacune de ses mains un lot et s’approche de Zeus et lui dit « choisit ta part ». Zeus choisit la belle part donc la mauvaise et scelle la condition humaine, les hommes pour vivre devront manger une chair morte soumise à la putréfaction, leur propre corps mourra et décomposera. Zeus décide de priver les hommes du feu or s’ils ne peuvent plus cuire leurs aliments ils deviennent des bêtes. Dès lors, Prométhée va voler le feu dans les forges d’Héphaïstos, il redescend avec une braise qu’il donne aux hommes. Zeus décide alors de les priver du blé désormais ils devront retourner la terre, travailler pour récolter le blé. Zeus produit un dernier leurre équivalent au premier, il crée un être magnifique à l’extérieur et fait de boue à l’intérieur c’est Pandora, la femme qui précipite les hommes du côté de la génération. Pandora vient avec une jarre qu’elle vide dans le monde des hommes. Elle contient tous les maux invisibles (famine, peste, haine, …), on voit ici la condition humaine scellée désormais la technique est l’intermédiaire indispensable pour parvenir à la fin.

III-La technique


a-Définition
Nous serions tentés de poser que nous avons plus souvent à faire aux techniques qu’à la technique. La révolution industrielle nous a précipités dans une abondance de biens sans précédent dans l’histoire de l’humanité. La production manufacturée a permis de multiplier les indications techniques, souvent le terme technique signifie l’usage d’un outil qui fait le lien entre l’homme et la nature. C’est cet outil qui prend la qualificatif de technique mais par extension on va qualifier tout processus qui supposera des règles ou une répétition nécessaire à l’accompagnement de l’action. Ainsi la danse suppose que le corps lui-même soit malléable et nous retrouvons ici la définition du corps comme instrument avec cette nuance que le corps est chair c’est-à-dire alliance entre esprit et matière. Spinoza se demandait « que peut un corps ? » soulignant ainsi que les propriétés du corps sont plus mystérieuses que celles de l’esprit. Lentement nous avons pourtant dissocié les techniques ordinaires que nous appliquons en les nommant techniques sans qu’elles le soient véritablement. Pour l’occident la technique est équivalent à la science c’est-à-dire à des protocoles spécialisés qui nous empêchent la maitrise. Le mouvement est aussi lié à la fin de la maitrise du processus du travail par l’ouvrier. Dans les corporations il y a maitrise de toutes les étapes. Au contraire la spécialisation actuelle ne permet plus une compréhension de la totalité du métier de même qu’il faut additionner les étapes pour parvenir à la production d’un objet, de même il faut additionner les spécialités pour saisir l’intelligence qui préside à son élaboration. Nous sommes ici très loin de la définition de la technique telle qu’Aristote nous la livre dans les parties des animaux « la différence entre l’homme et l’animal étant que l’animal possède un dispositif technique particulier et biologique ». Le lion possède la griffe et la dent, l’antilope la rapidité et la génération, l’homme pour sa part est la plus faibles des créatures car il ne possède naturellement aucunes techniques spécifiques. Dès lors,  il va duper ses facultés intellectuelles par l’intermédiaire de la main « qui est un outil d’outil qui est capable de tout tenir et de tout saisir » d’Aristote. La main permet donc le développement de l’habilité technique, la technique chez l’homme est culturelle et non biologique c’est-à-dire le développement des techniques accompagne une certaine maitrise de l’environnement. On se souvient que l’homme se distingue de son milieu puis l’adapte à lui. Cette définition de la technique chez Aristote suppose que l’homme soit une totalité qui possède des qualités intellectuelles et physiques ce qui implique en creux la vision de la norme et de la monstruosité. La technique est donc le moyen proprement humain de s’approprier le monde extérieur comme de connaitre le monde intérieur. Il faut comme le dit Descartes « il faut devenir comme maître et possesseur de la nature ». Ici nous retrouvons toute la modernité dans cette expression, la nature n’est plus elle-même un outil comme un meuble que nous possédons et exploitons. Mais il faut aussi se rendre compte de la différence d’échelle de production entre le début du 20ème siècle et aujourd’hui. Au début du 20ème siècle l’industrie produit 50 millions de tonnes d’houille, aujourd’hui 5 milliards de tonnes ce qui signifie que l’exploitation des ressources naturelles devient un nouveau monde dans lequel la nature disparait au profit d’un environnement entièrement humain.



b-Technophilie et technophobie


« Nous pouvons regarder les choses humainement car elles se tournent humainement vers nous ». Hegel signifie ainsi que l’ouvrage de l’homme sur la nature façonne la nature à l’image de l’homme. Ainsi où que nous regardons nous trouvons la technique. Les enjeux de la conquête de la technique sont ceux de la même civilisation. Vendre un frigidaire au Burkina Faso n’implique pas immédiatement le bien des populations. Ici nous sommes face à un calcul technique, le frigidaire suppose la centrale hydraulique, la construction des voies de communication d’énergies, la sécurisation de ces voies, bref c’est un monde complet qui est vendu avec le frigidaire, un mode de vie qui suppose la suppression des cultures des pays. Le cadre technique est devenu aujourd’hui un cadre opérationnel qui se trouve normalisé par la loi, la LOF qui prévoit d’augmenter les instruments techniques pour le pilotage des grandes administrations. Ici nous entrons dans une politique du chiffre où les indicateurs deviennent les instruments de la navigation technique. La particularité aujourd’hui n’est plus une donnée que l’on pourrait évacuer, elle suppose une compréhension géostratégique. On se souvient de C. Bernard qui est alors président du comité d’éthique qui racontait comment la Suisse avait géré le problème de la maladie du goitre. En ajoutant des sels minéraux dans l’eau publique sans informer la population, ce qu’un pays démocratique peut faire pour le bien, on peut imaginer les possibilités pour un régime dictatorial. Nous avons aujourd’hui technicisé la chaine de commandement nucléaire, nous sommes en large part tributaire des techniques sous le gouvernement d’Obama. L’utilisation des drones armés de missiles est passée en arsenal de 30 à 2000 aujourd’hui. De même que les casques des pilotes de chasse sont commandés par les impulsions électriques du cerveau, pour optimiser la concentration les pilotes sont placés sous amphétamine. La technophilie pense que tout espoir viendra de la science remplaçant ainsi la religion par une pensée du tout technique animée par l’idée de progrès. La technophobie au contraire refuse les fruits de l’industrie et plaide pour un retour à la nature. La question de la technique ne se pose plus aujourd’hui, notre environnement y compris notre environnement de travail s’étant adapté à cette nouvelle donnée culturelle incontournable.

lundi 27 janvier 2014

La culture - la société cours pris par 1 élève

La société

Introduction : La société est le nom donné à un rassemblement d’hommes et de femmes qui forment une communauté c’est-à-dire qui ont en commun un certain nombre d’éléments: la langue, une culture, une religion, un but… Faire société en ce sens c’est construire un groupe qui est fédéré par intérêt commun, souvent il y a confusion entre la forme sociétale et la forme politique. Mais avant d’engager cette réflexion il faut revenir à l’opposition initiale entre société et nature. Si la société est du côté de l’acquis et la nature est du côté de l’inné donc il y a une opposition entre naturelle et artificielle. Le terme d’artifice signifie fait par la main de l’homme. La société serait le lieu spécifique de construction de l’humanité c’est-à-dire d’une sortie de la nature et simultanément de l’animalité. En ce sens le remplacement le remplacement des lois biologiques ou de l’instinct suppose la construction de lois positives qui vont devenir la démocratie, si nous partons de l’idée que tous les efforts de la civilisation tiennent dans l’écart maximal dans la loi du plus fort telle que se dessine dans l’état de nature. La nature abrite des comportements biologiques et une structure hiérarchique intra-spécifique rigide, on pourrait écrire que l’animal est aujourd’hui ce qu’il sera dans mille ans. Il y a une fixation de l’organisation naturelle chez l’animal au contraire chez l’homme il y a une élasticité de l’organisation, il y a une transformation symbolique majeure, des ruptures, des passages qui sont des ruptures. C’est ce que nous nommons l’histoire faite de bruits et de fureur mais aussi d’apports technologiques et intellectuels qui modifient la perception que nous avons de l’environnement. Ici nous avons une différence majeure entre nature et culture, entre animal et homme : alors que l’animal s’adapte à un environnement, l’homme adapte l’environnement à lui. Qu’est-ce que la société ? C’est le moyen particulier de l’homme de s’approprier l’environnement. Il y a donc autant de sociétés que de saisies particulières de l’environnement. La société suppose une organisation interne mais aussi une organisation externe permettant le contact avec d’autres sociétés c’est-à-dire d’autres usages de l’environnement. Faire société c’est donc partager une même vision des choses et accepter explicitement et/ou tacitement une façon de comprendre les rapports entre les hommes et de les justifier. On a même utilisé ce terme dans le champ du commerce pour signifier une unité d’intérêt, une société commerciale est construite pour satisfaire un besoin et engager des profits. Cependant il ne faut pas confondre l’une et l’autre car la première vise un accroissement sociale du bien être et la seconde vise un intérêt non-désintéressé. Marx dans la préface du capital dit que « c’est le travail qui permet de ne pas rester en lisière». Autrement dit c’est le travail comme intermédiaire entre l’homme et la nature qui la transforme, transformant ainsi sa propre condition. Rester en lisière signifie rester à l’écart du monde, ne pas rencontrer sa chair. Bataille écrivait « que l’animal est comme de l’eau dans de l’eau ».

I-L’état de nature

La nature signifie étymologiquement naitre en ce sens on parle d’elle souvent comme mère nature. En un autre sens la nature est la matrice dans laquelle les êtres et les choses se déploient. Elle est souvent assimilée à une puissance, elle prend donc la signification d’une divinité. Elle s’oppose à la civilisation en ce cycle que l’ordre naturel serait en dehors de la détermination du juste et de l’injuste. Pourtant elle sert de modèle au naturalisme politique à ceux qu’on nomme les jurisconsultes qui sont les tenants du droit naturel. Celui-ci se formulerait ainsi à celui qui est le plus fort dans la nature est le meilleur dans la société. Aristote l’écrira ainsi « certains sont nés pour dominer et d’autres pour être dominer ». C’est ici la justification naturelle de l’esclavage, la nature n’aime pas l’égalité. Il y a des forts et des faibles. Cette mise en place s’effectue bien avant la compréhension du mécanisme du vivant tel que Darwin l’explique dans sa théorie évolutionniste. Celle-ci pose qu’il y a une sélection des espèces, seuls les individus les plus viables pour l’espèce se reproduisent. Il y a donc une évolution des espèces en même temps qu’une sélection. Cette pensée peut être mise en parallèle avec la théorie de Lamarck de l’espèce en développement qui engage une hérédité des caractères acquis. Cette position est intéressante car elle montre à la fois une révolution et une adaptation à des causes exogènes. Lamarck met l’environnement comme premier facteur des mutations, les chauves souris vivent dans l’obscurité et émettent des ondes sonores pour préserver l’espèce. Le premier à réfléchir ce système d’adaptation pour les hommes c’est Vico qui à partir d’une climatologie qui provoque une adaptation génétique. Ainsi le réchauffement climatique va assécher les terres réduisant les forêts primaires et favorisant l’apparition de steppes et de toundra qui va contraindre l’homme à descendre des arbres pour chercher leurs nourritures. Dès lors ils deviennent la proie des prédateurs aussi il va se redresser et quitter la position à quatre pattes et libérant ainsi ses membres supérieurs, libérant aussi ses mains et les rendre libres pour la vie. En effet, la main a pour particularité chez l’homme d’être grâce au décalage du pouce en situation de pince et permet à l’homme d’accéder à la technique. Symboliquement l’homme debout est aussi l’homme des lointains et est aussi le symbole de la prévisibilité et des calculs dans le temps. Ici on comprend que le passage de la nature à la société est aussi nécessité par une modification de l’environnement extérieur. Il y a une physiologie de la société au sens où c’est l’adaptation de la nature qui nous permet de nous associer en même temps cette adaptation est très ancienne puisqu’ Aurora est notre plus ancienne ancêtre car elle a vécu il y a douze millions d’années en Afrique, au Kenya.

II-Le concept de la nature

La nature doit se comprendre comme un concept qui a une fonction régulatrice autrement dit tous les auteurs jusqu’au XXème siècle le font sans connaissance scientifique. Ces auteurs postulent un contenu naturel à partir de la situation de la civilisation.
 -Emile: -Emile et Sophie : Couple naturel du 18ème siècle
            -Précepteur au fait de la bonté naturelle
                       (Rousseau « abbé »)

-Sophie ou les amants : -Corruption du 18ème siècle
                                     -Emile se suicide, Sophie se prostitue
-Suppression de la nature « J’ai échoué à faire un être naturel je vais créer un être social » Rousseau

-Du contrat social :


Il s’agit de prendre les hommes tels qu’ils sont et les lois telles qu’elles sont pour dégager le système permettant au mieux de retrouver la bonté originelle. Pour Rousseau il existe une passion originelle qui est l’amour de soi qui propre à tous les hommes qui est le fait de s’aimer soi-même. Cette bonne passion permet la pitié, l’empathie,… Rousseau pose l’origine de la société dans les relations amoureuses, il parle d’une fête primitive où chacun amène au point d’eau ses bête où l’homme voyant la femme et la femme voyant l’homme. Rousseau dit « que les bêtes eurent de plus en plus soif ». La naissance de la société est dans la naissance de la relation amoureuse mais l’amour propre vient se greffer sur l’amour de soi, l’amour propre est le mauvais amour. L’amour propre est l’amour où nous nous voyons dans le regard d’autrui et c’est l’égoïsme, la jalousie, la cupidité…  et accompagne l’individu qui vit dans un sentiment de propriété qui le conduit à l’intolérance. L’état de nature est toujours un état de solitude donc d’insatisfaction puisque le désir n’existe pas. L’état de nature sert donc d’alibi pour les penseurs quelque soit leur siècle, l’indétermination de son contenu permet de l’évoquer quelque soit son système politique. Les jardins d’Épicure sont en plein cœur de la cité, des espaces non-politiques où Épicure converse en marchand avec des hommes et des femmes. Il y a donc un usage de la nature lié au jardin c’est-à-dire un espace où la prolifération naturelle est bornée, domestiquée par la technique du jardinier, « la nature comme jardin ». La notion de jardin est liée à ceux de Babylon au 10ème siècle avant JC. C’est la première fois qu’apparaissent des espaces naturels travaillés par l’homme qui n’ont plus pour but l’alimentation mais l’agrément. Ils sont composés sur le modèle du paradis perdu où tous étaient abondance, les fontaines étaient des fontaines de vin, il suffisait de tendre les mains pour que la pomme s’y dépose. L’homme en dehors du paradis tente de le retrouver en domestiquant la nature sauvage. Épicure en fait un lieu de penser proche de ce qui est essentiel, les passions essentielles maitrisées par les hommes. Rousseau écrit pour sa part qu’il ne peut penser qu’en marchant mais ce n’est plus un homme des jardins mais un homme des bois. Au 18ème siècle les jardins sont devenus des lieux politiques, les jardins aux françaises mises en place à Versailles par Le Nôtre sont une cartographie du pouvoir politique, l’horizon que l’on a en arrivant vers le château du couchant au levant signifie en même temps que le levé du roi, le levé du soleil en même temps que la magnificence du lieu correspond à un pouvoir absolu. Au 17ème siècle l’industrie naissante vient ronger les forêts, les fumées des usines commencent à vicier l’air. Rousseau prend le chemin de droite et lorsqu’il rencontre une usine à un chantier li désespère. La forêt est le règne de la nature non-domestiquée, Robin des bois est un hors la loi qui n’apparait que dans la cité. Les bois sont les refuges des bêtes et des brigands, lieux d’insécurité et des mystères. Lorsque Rousseau sortant de la forêt découvre sur un promontoire surplombant le lac de Genèse, il dit « ne plus faire avec la nature ». C’est pour cela et paradoxalement que Rousseau et l’homme du contrat social est aussi l’homme de l’écologie poétique. Dans les rêveries du promeneur solitaire dans la cinquième promenade il dessine le portrait d’une humanité prise originelle dans la nature. Dans le discours sur les sciences et les arts il critique les arts du 18ème siècle comme des arts superficiels « qui ne font que mettre des fleurs sur nos chaines ». La fonction de l’art du 18ème serait que politique, l’art viendrait assister le pouvoir c’est pourquoi Rousseau préfère les fêtes populaires qui renvoient à une forme authentique de plaisir donc à la nature donc à la forêt. La naissance des jardins ouvriers correspond à une double nécessité, nourrir le prolétaire en même temps que de l’occuper pendant ses loisirs et en empêchant d’aller à l’assommoir.

III-Nature et politique

Le système qui a conceptualisé la nature c’est le totalitarisme nazi. Le concept de nature est celui de l’accélération de la sélection naturelle et la mise en avant d’une race aryenne supérieure. Le moteur politique devient la nature souvent on prend l’image de l’oignon pour expliquer l’élimination nazi. Il y a une succession de peaux mais il n’y a pas de cœur. Il y a deux totalitarismes au 20ème siècle, le stalinisme et le nazisme. Le stalinisme accélére l’avènement d’une société sans classes (Histoire) alors que le nazisme accélère « le travail de la nature » dans les deux cas le contenu de l’histoire de la nature est injecté dans un concept vide, il est intéressant de noter que l’extrême droite se réfère souvent à la nature dans sa filiation avec l’idéologie nazi. On peut remarquer le nombre d’associations écologiques liées à des mouvances d’extrême droites. Il est à ce titre remarquable que le premier traité d’écologie soit instauré par les nazis - les premiers à mettre en place un code de protection des animaux - la détestation de l'homme conduisant à l'amour de la nature. On pourra trouver lié à la mort d’un chien le terme d’assassinat. Ce changement s’apparente à une inversion, les espèces animales sont protégées tandis que l’homme est exterminé. Nous l’avons dit  ce changement prend la forme du langage, la LTI (langue du troisième Reich) tente de faire passer dans la langue la transformation de la société. Les hommes deviennent des cafards, des "stucs" alors que les animaux prennent la dimension du respect et de la dignité. Il y a toujours au sein de l’écologie le soupçon d’une transformation de la société qui engage le statut même de l’homme. Lorsqu’on confère des droits aux animaux on ne fait pas monter les animaux au rang des hommes mais on fait descendre les hommes au rang des animaux.



 






















samedi 25 janvier 2014

La technique



La technique

Il faut distinguer entre Economique et Chrématistique. Aristote produit ainsi la différence entre la sphère de l'échange (éco) et celle de l'activité qui a pour fonction de créer de la richesse (chrématistique) - il est notable qu'une inversion se soit produite depuis les grecs anciens puisqu'aujourd'hui l'éco est le lieu de l'enrichissement alors que le terme de chrématistique n'évoque pour presque tous plus rien. 

ECONOMIQUE                CHREMATISTIQUE
échange                              enrichissement
A <--> B                            alors que dans l'échange la M/e est 
A = chaussures                  l'intermédiaire entre deux objets elle
B = maison                        devient ce qui entoure l'objet lui même
échange déséquilibré         lorsqu'il s'est fait or  (argent)
aussi                                  A - M - A
M = blé                              avec cette condition supplémentaire
donc                                   A -> M -> A'      A<A'
(A + M) <-> B                   ce qui donne l'usure soit
                                           A>A'   la M/e n'est plus nécessaire dans
                                           la tractation = le prêt est ici inventé.

L'échange chez les grecs est un jeu à somme égale : l'échange est transitif - un bien contre un autre et éventuellement une autre marchandise pour égaliser la transaction. C'est ainsi que le blé, l'orge, le vin étaient chacun un "équivalent universel". Le blé était nécessaire à la vie et constituait ainsi une marchandise universelle car elle valait pour tous. Mais cette M/e est aussi périssable, elle peut se gâter, être brulée... elle pose le pb de sa conservation et de sa préservation. Aussi il était plus pratique de préférer une M/e qui soit plus résistante et plus transportable... l'or possédait ces qualités, sa rareté étant un élément supplémentaire qui permettait un taux d'échange fort et permanent. 

L'argent devient ainsi ce qui trouble l'échange en le transformant en objet ayant une valeur propre en dehors de son intérêt ou valeur d'usage. 
VU (valeur d'usage)  et  VE  (valeur d'échange)
si le premier est lié seulement à l'utilité de l'objet le second implique une valeur qui prenne en compte les aspects de rareté et de demande. 



La technique :  les modes de production

Le passage de la société féodale à la société moderne libérale se produit par l'exclusion des corporations, car de l'excellence dans le travail et son remplacement par un travail mécanisé et déqualifié.
Il faut enregistrer que le terme de "libéral" implique d'abord la liberté de pouvoir travailler et exister en dehors d'une attribution de classe sociale - l'aristocratie ou "le gouvernement des meilleurs" supposant que la propriété foncière (la terre) était la richesse et que le travail n'était qu'une succession de "charges" attribuées par le Roi - le travail lui-même, celui de la terre par exemple étant délégué aux serfs (ceux qui vivent sur les terres du seigneurs lui appartiennent - d'où l'interdiction faite de changer de territoire sans l'autorisation du "maître". Le passeport est donc nécessaire pour aller d'une ville à l'autre. L'interdiction de mouvement est le corrélât de cette appartenance.

Le libéralisme pose d'abord que le travail doit être le seul facteur de la propriété - il s'agit donc de se libérer d'une aristocratie qui se fonde sur l'héritage et la propriété terrienne. Il s'agit d'un mouvement d'abord révolutionnaire qui met en avant la bourgeoisie contre l'aristocratie.

samedi 18 janvier 2014

Être libre est-ce s'engager ? Corrigé complet de la dissertation




A la question "être libre est-ce s'engager" nous pouvons répondre que la la liberté est justement le fait de décider du chemin que l'on emprunte, la liberté comme décision, comme pouvoir d'entreprendre et de choisir. La liberté est ce pas vers un engagement total : s'engager pour exister, définir ce que nous désirons être, faire et advenir par les choix posés... Mais en même temps l'engagement suppose une forme de fermeture à ce qui n'est pas lui; quelle frontière entre l'engagement et le fanatisme ? Celui qui s'engage dans un projet terroriste est bien du côté d'un engagement total et pourtant il est par là même dans l'oubli de la position de l'autre et il s'enferme plutôt qu'il ne se libère. L'engagement doit donc être modulé selon sa matière et sa forme : on parle de l'engagement des jeunes mariés mais que pèse t'il face à la force du désir qui surviendra demain ? On parle de l'engagement dans le cadre militaire qui suppose la signature d'un contrat de travail sur des valeurs partagés. Ou encore de l'engagement contre le terrorisme qui suppose que nous mettions tous les moyens disponibles à la défense de la démocratie sans porter atteinte par cette action aux valeurs que nous défendons. Et puis il y a l'engagement de cet adolescent qui part faire la guerre pour une cause qu'il ne comprend pas entièrement mais qu'il croit faire sienne. Devant tous ces "engagements" nous ne pouvons que comprendre que la véritable question n'est plus celle de l'engagement mais de notre capacité de distinction et de compréhension des natures différentes de l'engagement. N'est-ce pas la question de la liberté qui redevient ici centrale ? Ce n'est pas l'engagement qui rend libre mais le fait que par lui peut-être et pour un temps je ne me pose plus la question de la liberté parce qu'elle serait réglée par la présence même de cet engagement. L'engagement serait alors le gage d'une liberté que je n'aurai plus besoin de prouver ni aux autres ni à moi-même. L'engagement prendrait alors la forme d'un leurre, d'une volonté qui tente d'oublier sa propre liberté, qui "s'abrutirait" du sentiment de sa propre liberté et de sa propre force dans le fait d'avoir choisie. S'engager équivaut plus à se prouver qu'à se trouver, et c'est la nature de l'engagement qui vient, et seulement dans un second temps, renseignée la nature de ma liberté.

Plan détaillé -

1 / La liberté est par elle-même un engagement.

A - Être libre suppose que nous fassions des choix, que nous assumions ce que Sartre nomme être notre condamnation : celle de ne pouvoir échapper à cette liberté qui est "si évidente" que je ne peux pas ne pas la voir en moi et la supposer en toute personne. La liberté suppose ce que nous pouvons nommer l'engagement : le fait de comprendre une situation, d'en mesurer parfois les risques, et de s'y engager. C'est la Phronésis grecque, cette action risquée qui conduit - comme hommes et femmes - a prendre des décisions - imparfaitement mais nécessairement. Il ne faut donc pas entendre immédiatement l'engagement comme une fermeture qui supposerait un cadre rigide et intransigeant amis plutôt comme la reconnaissance de ce qui me meut : l'action libre suppose une intention et une direction
B - en ce sens la liberté déterminée vient informer le sujet et lui permettre de choisir son action selon son but. Car enfin la liberté n'est pas seulement la capacité à vouloir mais aussi à vouloir comme il faut. Être libre s'entendant alors comme le calcul causal de l'efficacité de l'action : non pas penser la liberté comme une multitude de choix et ainsi réfléchir la liberté comme une multiplication de regards mais éliminer ce qui se présente comme un choix sans en être un. Sartre disait ainsi reconnaître la seconde guerre mondiale comme le moment d'une liberté réelle car confrontée seulement à des choix cruciaux et vitaux, lorsque tous les choix se réduisent au fait de résister ou collaborer nous nous trouvons devant une réduction des possibles qui est paradoxalement un moment d'intense prise de choix.
C - Mais ici l'engagement semble bien plus le fait d'une histoire que d'un individu. Comment concilier l'engagement individuel avec ce puissant moteur qu'est l'histoire ? Comment poser des choix libres dans un cadre dominé idéologiquement ? Comment un enfant peut-il résister à cet appel des adultes ? Comment ne pas devenir membre des jeunesses hitlériennes lorsqu'à 12 ans seul les chants nazis ont bercé son enfance ? S'engager ici n'est plus le signe d'une  quelconque liberté mais de l'inexorable servitude du totalitarisme qui fabrique avec des enfants des soldats et des bourreaux.

2 - la liberté consisterait alors dans le refus de tout engagement.

A - Le seul engagement qui vaille serait celui alors de ne pas en prendre : accepter autrui dans toutes ses dimensions et sa complexité, reconnaître en lui la même liberté en qu'en moi-même. Lévinas parle du regard comme le signe de cette humanité, d'une liberté qui prend alors une autre forme que celle de l'engagement : c'est la conscience qui fonde notre humanité et ainsi notre liberté. Notre capacité à nous émouvoir, à réfléchir en dehors des clivages qui bordent l'intolérance et le refus de l'autre.
B - Très souvent nous tentons de masquer le vertige de la liberté derrière une vitrine sociale qui permet de ne plus réfléchir au sens de l'action individuelle. Se reposer dans une fonction qui devient le tout de notre être : devenir garçon de café comme l'encrier est un encrier - faire de sa vie un Etre cad endosser une unique identité. Transformer une incertitude en habitude : produire avec de la liberté une identité sociale qui n'implique jamais une décision strictement individuelle.
C - Mais alors l'engagement devient la trace d'une peur de la responsabilité face à toute action nouvelle. Il faut au contraire s'engager afin d'exister pleinement. Cet engagement prend des formes diverses : s'engager prend d'abord la forme de la promesse, faite à autrui, parfois à soi - c'est aussi l'engagement comme prise de parti, la décision d'entrer dans une lutte et de faire sien ses objectifs, lors de la seconde guerre mondiale Charles de Gaulle décida de rallier l'Angleterre d'où il lança son appel du 18 juin 1940 qui marque l'engagement de la France libre contre l'occupant allemand et le gouvernement de Vichy - l'engagement est aussi la forme dernière de la fusion avec une pensée ou une idéologie, on parle d'une entrée dans les ordres comme d'une entrée en politique, il s'agit tout en même temps d'épouser une cause plus grande (ou qui le semble) que soi et de renoncer à ce qui fait ma spécificité comme individu.

La liberté n'est pas une affaire d'engagement mais d'emballement, être libre serait alors ce pouvoir de décider tout en restant disponible pour l'inconnu.

A / Etre libre est ce mélange entre liberté déterminée et liberté absolue, de calcul et de surgissement. Notre condition humaine est celle d'un être qui doit sans cesse décider et agir alors même qu'il est confronté à la liberté d'autrui - la prudence chez les grecs étant dans cette malédiction de devoir agir d'une manière risquée car nul ne peut rester en dehors de l'action et ne peut connaître la totalité des causes et des effets. Être libre serait alors l'acceptation de cette particularité humaine : une responsabilité totale qui va même au-delà de ma propre action pour atteindre celle d'autrui.
B / Je suis responsable d'autrui (Lévinas) signifiant que je dois maintenir autrui comme possédant la même responsabilité que moi - je suis responsable de mon bourreau ne signifiant pas que je suis coupable mais que je dois le considérer encore comme un homme afin de pouvoir le juger et le condamner. La force du regard est celui de l'humanité entière - comme Vercors qui voit dans la souffrance celle faite à tous les hommes - notre responsabilité est de saisir autrui comme un autre moi-même, possédant ses fins propres et digne de respect.
C / La question de l'engagement est aussi  celle du temps, je puis m'engager pour ce que je suis et connais de moi et des autres aujourd'hui mais comment parier sur un futur incertain ? N'est-ce pas en creux la question du désir qui apparaît, de ce pari fait de croire demain en ce que je crois aujourd'hui? Il faut réfléchir la question de l'engagement comme celle des relations humaines qui nécessitent à la fois se déplacement vers l'autre et l'acceptation des normes sociétales. S'engager pour exister et faire exister la justice autour de soi - à l'image de ceux qui ont combattu et résisté pendant la seconde guerre mondiale - comme Mandella pendant l'apartheid - et combien d'autres figures encore - Mais tout le monde n'a pas le courage et la force de Guy Môquet - nous devons comprendre pourtant que chacun de nos actes tisse notre identité, que chacun d'eux fait de nous un salaud ou un héros, c'est ce fardeau que nous devons assumer - nous devons vivre comme si l'action faite était celle qui donne son sens à notre existence, la liberté n'étant plus rien d'autre alors que notre propre capacité à prendre acte de cette responsabilité qui est le "fatum" de la condition humaine.