L’histoire.
hommage |
L’histoire est la science qui prétend étudier les actions humaines.
A cette prétention il est possible d’opposer des arguments de 3
ordres :
1°) si l’histoire travaille sur les événements passés elle est toujours
présente dans l’absence de son objet. L’histoire parce qu’elle n’est pas
contemporaine des faits qu’elle décrit n’est pas totalement au fait des règles,
des coutumes, des symboles… qui
régissaient l’époque et le fait narré. Homère parle ainsi « d’une mer
vineuse », ce qui est strictement incompréhensible pour nous. Ainsi il y a
une traduction de l’historien qui intervient sur le fait lui-même afin de le
rendre audible par ceux qui vont le lire.
2°) cette réserve porte non
seulement sur l’objet de l’historien mais aussi sur lui-même : il est le
produit d’un temps, d’une époque, il est un résultat historique et à ce titre
il ne peut s’abstraire de sa propre époque, de sa société, de l’idéologie
dominante etc… Lamartine pour écrire au XIXe une histoire de la révolution
française, s’enferme dans son grenier afin de ne pas souffrir des influences de
son temps… et il écrit une histoire romantique de la révolution française.
L’historien se projette dans le passé qu’il décrit et y injecte avec lui ses
préoccupations et ses valeurs.
3°) l’expérimentation est, d’autre
part, impossible en histoire. On ne peut jamais revenir sur l’évènement pour le
reproduire, ce qui a pour conséquence l’impossibilité d’établir des lois ou des
mécanismes nécessaires en histoire. La contingence règne, l’historien peut
raconter il ne peut expliquer.
bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris |
Qu’est-ce qu’un fait historique ?
Un fait
historique est un évènement capable d’exprimer
un moment de l’histoire des hommes digne d’intérêt car révélateur d’une
période. C’est aussi ce qui est indéniable, incontestable, qui porte avec lui
une charge de vérité : le fait historique peut donc être un vestige qui
porte témoignage d’une période mais aussi provenir de l’entrecroisement des
sources : le processus d’extermination nazi est prouvé par les films de la
libération des camps filmés par les alliés, les films des nazis tournés dans
les camps, par les témoignages des déportés, par les archives de la gestapo, de
la Weihrmart,
par l’arrestation et l’interrogatoire des bourreaux, par les preuves
matérielles de la déportation comme le pistage des trains vers les camps
d’exterminations à partir des horaires et des lieux de départ et d’arrivée des
trains, etc.
Peut-on parler d’une vérité
historique ?
La vérité en
histoire est liée aux preuves, elles sont de diverses sortes :
-
Le vestige,
c’est un fragment du passé qui possède en lui-même des qualités
informationnelles, il est le témoin d’une époque et apporte des connaissances
-
Le témoignage,
sa forme est plurielle, il peut s’agir d’une narration, d’un récit, d’un roman,
de lettres, d’une parole ou d’un récit oral.
-
Les archives,
elles contiennent des éléments détaillés et forment une mémoire étatique
accessible aux chercheurs.
Les documents
historiques sont donc l’objet d’une critique,
cad d’une série de précaution pour atteindre le fait historique. Par exemple le
général Marbot dans ses mémoires écrit que la nuit du 7 au 8 mai 109 il
traversa le Danube en crue pour faire prisonnier des officiers autrichiens. La
critique permet de réfuter ce récit. En le confrontant à d’autres témoignages :
les carnets de marche autrichiens montrent que les troupes n’avaient pas les
positions que Marbot leur assigne. La correspondance de Napoléon indique que la
crue du Danube n’avait pas commencé le 8 mai. Le 30 juin Marbot signe une demande
de promotion où il ne fait pas état de son fait d’arme. La vérité en histoire
repose sur un principe de non-contradiction, ici la non-contradiction de
témoignages indépendants.
Il faut procéder
par recoupement entre les sources pour atteindre la corroboration d’un
événement, la multiplication de ces sources est une garantie.
La construction
du fait historique :
On parle d’une
« histoire régionale » par opposition à « l’histoire générale ou
globale » : cette histoire générale était active au moment où l’occident
pensait son histoire comme l’histoire en général. Le phénomène de colonisation
vient augmenter son sens, on se souvient de Hegel voyant passer Napoléon après
la bataille d’Iéna dire « j’ai vu passer l’âme du monde à cheval ».
Il y a un « esprit du temps », un « esprit de l’histoire »
qui permet de poser une direction certaine aux événements, un sens. Cet esprit
est incarné par l’homme victorieux. Lié on trouve le
« primitivisme », si certains sont nés pour vaincre d’autres le sont
pour subir – la différence culturelle devient l’occasion d’un mépris pour toute
forme différente de civilisation et de mode de vie. Nous sommes dans la
situation de voyageurs dans un train. Deux trains lancés à la même vitesse dans
la même direction permettent aux voyageurs de s’étudier d’un train à l’autre,
de se faire des signes ou des grimaces. Mais deux trains lancés à la même
vitesse en direction opposée se rencontrent en un éclair, pas d’étude possible,
l’autre voyageur demeure un inconnu. C’est la métaphore de deux cultures
proches, et de deux cultures opposées = nous ne pouvons voir que ce dont nous
sommes proches. Le primitivisme recale les cultures différentes, pour lui il
existerait « des peuples sans histoire », cad des peuples en retrait
de toute transmission – ce qui est faux : « il n’existe pas de peuple
sans histoire », mais cette histoire peut prendre d’autres formes pour se
dire et se transmettre. L’image d’un train permet de comprendre le processus de
création de l’Autre ou du « sauvage », les sociétés parentes
circulent dans la même direction sur deux rails voisines, deux trains lancés à
la même vitesse dans la même direction, les passagers peuvent se saluer et se
regarder, alors même que le train circule à 200 km/h, au contraire pour une
société différente les deux trains circulent sur deux voies dans un sens
opposé, là le passager s’il regarde le train qui passe ne voit qu’un éclair.
C’est la situation de l’incompréhension de l’Autre qui conduit à la conclusion
de l’absence d’histoire, en fait il y a bien histoire mais son orientation est
différente, sa direction est radicalement autre. Nous concluons de nous aux
autres : il faut apprendre à voir et entendre, il faut se déplacer vers
une autre culture. On peut distinguer
l’accumulation à des fins d’enrichissement. Dans la sté de consumation
nous sommes dans la dilapidation de tout surplus. D’un côté la conservation de
l’autre la destruction = les logiques s’opposent. L’histoire est nécessairement
embarquée, l’historien est subjectif, la conscience de l’histoire est une
conscience dans l’histoire. Nécessairement il construit une vision de
l’histoire en accord avec les perspectives philosophiques, morales,
sociologiques, symboliques qui la précèdent et se projettent en elle. Il en va
de l’histoire comme de la mémoire individuelle : à partir du présent il y
a empiétement sur le futur, le passé sert donc notre actualité, notre vie
présente. Le passé est le fruit du présent.
mai 68 à Paris |
Y a-t-il un sens de l’histoire ?
Parler d’un sens
de l’histoire = poser qu’il y a une direction historique. Poser une loi de
l’histoire = poser des règles fixent et un rapport causal entre ces éléments.
La direction suppose que l’on sache vers qu’elle point l’histoire s’achemine.
Il y a donc un postulat final qui vient rétroactivement éclairer les faits
présents. Cette direction est souvent idéologique, c’est-à-dire qu’elle
dissimule des intentions derrière les faits « objectifs ».
Par exemple dire
que l’histoire des hommes s’achemine vers le jugement dernier = engager une
lecture apocalyptique des faits, il y a derrière cette analyse une conviction
de foi et non une analyse des faits.
Dire que
l’histoire des hommes est celle de l’acheminement vers une société sans classe
sociale c’est prendre l’histoire présente comme l’une des phases de l’accomplissement
de cette loi historique à ici c’est la conviction politique qui prend la forme
de l’histoire, nous sommes alors dans une forme de foi révolutionnaire qui est
de l’ordre du religieux.
Nous ne savons
pas de quoi le temps est épais, nous pouvons au plus nous orienter dans un
brouillard d’ombres fait de ce que nous connaissons du passé et ambitionnons
pour l’avenir. Parler d’une loi de l’histoire c’est plaquer du mécanique sur du
vivant. C’est certainement réduire l’effort de penser à un engagement personnel
ou collectif à travers le prisme d’une idéologie.
C’est s’attendre
à trouver demain aujourd’hui, c’est mesurer le temps qui vient avec la
connaissance ancienne, le présent est un pont entre le passé et l’avenir – il
faut historiquement se souvenir de l’imprévisibilité des événements. Remplaçons
la notion de loi par celle de lecture attentive – l’interprétation est au cœur
du parcours historique – nous ne pouvons nous engager seulement que pour une
vigilance historique, car si le passé délivre des enseignements le futur n’est
pas son calque.
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