Philosophie

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dimanche 28 octobre 2012

L'histoire



L’histoire.
hommage
  L’histoire est la science qui prétend étudier les actions humaines.
A cette prétention il est possible d’opposer des arguments de 3 ordres :
1°) si l’histoire travaille sur les événements passés elle est toujours présente dans l’absence de son objet. L’histoire parce qu’elle n’est pas contemporaine des faits qu’elle décrit n’est pas totalement au fait des règles, des  coutumes, des symboles… qui régissaient l’époque et le fait narré. Homère parle ainsi « d’une mer vineuse », ce qui est strictement incompréhensible pour nous. Ainsi il y a une traduction de l’historien qui intervient sur le fait lui-même afin de le rendre audible par ceux qui vont le lire.
 2°) cette réserve porte non seulement sur l’objet de l’historien mais aussi sur lui-même : il est le produit d’un temps, d’une époque, il est un résultat historique et à ce titre il ne peut s’abstraire de sa propre époque, de sa société, de l’idéologie dominante etc… Lamartine pour écrire au XIXe une histoire de la révolution française, s’enferme dans son grenier afin de ne pas souffrir des influences de son temps… et il écrit une histoire romantique de la révolution française. L’historien se projette dans le passé qu’il décrit et y injecte avec lui ses préoccupations et ses valeurs.
 3°) l’expérimentation est, d’autre part, impossible en histoire. On ne peut jamais revenir sur l’évènement pour le reproduire, ce qui a pour conséquence l’impossibilité d’établir des lois ou des mécanismes nécessaires en histoire. La contingence règne, l’historien peut raconter il ne peut expliquer.

bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris
           
Qu’est-ce qu’un fait historique ?
Un fait historique est un évènement capable d’exprimer  un moment de l’histoire des hommes digne d’intérêt car révélateur d’une période. C’est aussi ce qui est indéniable, incontestable, qui porte avec lui une charge de vérité : le fait historique peut donc être un vestige qui porte témoignage d’une période mais aussi provenir de l’entrecroisement des sources : le processus d’extermination nazi est prouvé par les films de la libération des camps filmés par les alliés, les films des nazis tournés dans les camps, par les témoignages des déportés, par les archives de la gestapo, de la Weihrmart, par l’arrestation et l’interrogatoire des bourreaux, par les preuves matérielles de la déportation comme le pistage des trains vers les camps d’exterminations à partir des horaires et des lieux de départ et d’arrivée des trains, etc.

Peut-on parler d’une vérité historique ?

La vérité en histoire est liée aux preuves, elles sont de diverses sortes :
-         Le vestige, c’est un fragment du passé qui possède en lui-même des qualités informationnelles, il est le témoin d’une époque et apporte des connaissances
-         Le témoignage, sa forme est plurielle, il peut s’agir d’une narration, d’un récit, d’un roman, de lettres, d’une parole ou d’un récit oral.
-         Les archives, elles contiennent des éléments détaillés et forment une mémoire étatique accessible aux chercheurs.
Les documents historiques sont donc l’objet d’une critique, cad d’une série de précaution pour atteindre le fait historique. Par exemple le général Marbot dans ses mémoires écrit que la nuit du 7 au 8 mai 109 il traversa le Danube en crue pour faire prisonnier des officiers autrichiens. La critique permet de réfuter ce récit. En le confrontant à d’autres témoignages : les carnets de marche autrichiens montrent que les troupes n’avaient pas les positions que Marbot leur assigne. La correspondance de Napoléon indique que la crue du Danube n’avait pas commencé le 8 mai. Le 30 juin Marbot signe une demande de promotion où il ne fait pas état de son fait d’arme. La vérité en histoire repose sur un principe de non-contradiction, ici la non-contradiction de témoignages indépendants.
Il faut procéder par recoupement entre les sources pour atteindre la corroboration d’un événement, la multiplication de ces sources est une garantie.     
La construction du fait historique :
On parle d’une « histoire régionale » par opposition à « l’histoire générale ou globale » : cette histoire générale était active au moment où l’occident pensait son histoire comme l’histoire en général. Le phénomène de colonisation vient augmenter son sens, on se souvient de Hegel voyant passer Napoléon après la bataille d’Iéna dire « j’ai vu passer l’âme du monde à cheval ». Il y a un « esprit du temps », un « esprit de l’histoire » qui permet de poser une direction certaine aux événements, un sens. Cet esprit est incarné par l’homme victorieux. Lié on trouve le « primitivisme », si certains sont nés pour vaincre d’autres le sont pour subir – la différence culturelle devient l’occasion d’un mépris pour toute forme différente de civilisation et de mode de vie. Nous sommes dans la situation de voyageurs dans un train. Deux trains lancés à la même vitesse dans la même direction permettent aux voyageurs de s’étudier d’un train à l’autre, de se faire des signes ou des grimaces. Mais deux trains lancés à la même vitesse en direction opposée se rencontrent en un éclair, pas d’étude possible, l’autre voyageur demeure un inconnu. C’est la métaphore de deux cultures proches, et de deux cultures opposées = nous ne pouvons voir que ce dont nous sommes proches. Le primitivisme recale les cultures différentes, pour lui il existerait « des peuples sans histoire », cad des peuples en retrait de toute transmission – ce qui est faux : « il n’existe pas de peuple sans histoire », mais cette histoire peut prendre d’autres formes pour se dire et se transmettre. L’image d’un train permet de comprendre le processus de création de l’Autre ou du « sauvage », les sociétés parentes circulent dans la même direction sur deux rails voisines, deux trains lancés à la même vitesse dans la même direction, les passagers peuvent se saluer et se regarder, alors même que le train circule à 200 km/h, au contraire pour une société différente les deux trains circulent sur deux voies dans un sens opposé, là le passager s’il regarde le train qui passe ne voit qu’un éclair. C’est la situation de l’incompréhension de l’Autre qui conduit à la conclusion de l’absence d’histoire, en fait il y a bien histoire mais son orientation est différente, sa direction est radicalement autre. Nous concluons de nous aux autres : il faut apprendre à voir et entendre, il faut se déplacer vers une autre culture. On peut distinguer  l’accumulation à des fins d’enrichissement. Dans la sté de consumation nous sommes dans la dilapidation de tout surplus. D’un côté la conservation de l’autre la destruction = les logiques s’opposent. L’histoire est nécessairement embarquée, l’historien est subjectif, la conscience de l’histoire est une conscience dans l’histoire. Nécessairement il construit une vision de l’histoire en accord avec les perspectives philosophiques, morales, sociologiques, symboliques qui la précèdent et se projettent en elle. Il en va de l’histoire comme de la mémoire individuelle : à partir du présent il y a empiétement sur le futur, le passé sert donc notre actualité, notre vie présente. Le passé est le fruit du présent. 


mai 68 à Paris
 
Y a-t-il un sens de l’histoire ?

Parler d’un sens de l’histoire = poser qu’il y a une direction historique. Poser une loi de l’histoire = poser des règles fixent et un rapport causal entre ces éléments. La direction suppose que l’on sache vers qu’elle point l’histoire s’achemine. Il y a donc un postulat final qui vient rétroactivement éclairer les faits présents. Cette direction est souvent idéologique, c’est-à-dire qu’elle dissimule des intentions derrière les faits « objectifs ».

Par exemple dire que l’histoire des hommes s’achemine vers le jugement dernier = engager une lecture apocalyptique des faits, il y a derrière cette analyse une conviction de foi et non une analyse des faits.

Dire que l’histoire des hommes est celle de l’acheminement vers une société sans classe sociale c’est prendre l’histoire présente comme l’une des phases de l’accomplissement de cette loi historique à ici c’est la conviction politique qui prend la forme de l’histoire, nous sommes alors dans une forme de foi révolutionnaire qui est de l’ordre du religieux.

Nous ne savons pas de quoi le temps est épais, nous pouvons au plus nous orienter dans un brouillard d’ombres fait de ce que nous connaissons du passé et ambitionnons pour l’avenir. Parler d’une loi de l’histoire c’est plaquer du mécanique sur du vivant. C’est certainement réduire l’effort de penser à un engagement personnel ou collectif à travers le prisme d’une idéologie.

C’est s’attendre à trouver demain aujourd’hui, c’est mesurer le temps qui vient avec la connaissance ancienne, le présent est un pont entre le passé et l’avenir – il faut historiquement se souvenir de l’imprévisibilité des événements. Remplaçons la notion de loi par celle de lecture attentive – l’interprétation est au cœur du parcours historique – nous ne pouvons nous engager seulement que pour une vigilance historique, car si le passé délivre des enseignements le futur n’est pas son calque.

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